Qu’est-ce qu’un site Natura 2000 ?
Face à l’érosion de la biodiversité sur notre continent, les états de l’Union Européenne ont décidé d’agir. Deux Directives Européennes, « Oiseaux » (1979) et « Habitats » (1992), transposées dans le droit de chaque état membre, ont permis de créer un « réseau de sites naturels ou semi-naturels, terrestres et marins, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages faunistiques, floristiques, et de leurs habitats ».
En France, le réseau Natura 2000 comprend 1780 sites terrestres et marins, soit environ
13 % de la surface terrestre. À titre d’exemple, on retrouve parmi ces sites la plupart des grands espaces naturels comme les dunes ou marais côtiers (massifs dunaires des Landes, marais de Brouage, la Camargue, Baie de Somme…), divers sites de montagne (massifs forestiers pyrénéens, volcans d’Auvergne, tourbières, gorges…), ou encore des milieux inféodés aux cours d’eau (sites de vallées comme la Charente, zones humides comme le Marais Poitevin).
La France a fait le choix de concilier la préservation de la nature et les préoccupations socio-économiques. En effet, les paysages que nous connaissons aujourd’hui sont hérités. La biodiversité qui en résulte correspond bien souvent à une utilisation passée. Pratiquement tous les espaces ont été anthropisés, les montagnes ont été exploitées ou mises en pâture, les cours d’eau ont été modifiés pour les besoins de l’homme (navigation, lutte contre les inondations, utilisation de la force motrice de l’eau…), les grands marais littoraux sont devenus salins, pâtures ou parcs conchylicoles.
C’est pour cela que l’on retrouve au sein des sites Natura 2000 tout un cortège d’espèces et de milieux naturels rares au niveau européen (diagnostic écologique), mais aussi la présence de nombreuses activités humaines (diagnostic socio-économique). Un Document d’Objectifs (DOCOB) a été réalisé, en concertation avec tous les acteurs du territoire afin de mettre en place un programme de mesures visant à maintenir, ou augmenter, les fonctionnalités des habitats ayant conduit à désigner le site.
Afin de mettre en œuvre les programmes d’actions des DOCOB, la France a fait le choix du volontariat pour l’amélioration des pratiques :
les signatures et les adhésions se font sur la base d’incitations financières.
Pour les plans, projets ou manifestions, en plus de la réglementation existante, il conviendra de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000. C’est une procédure qui permet à un porteur de projet de s’assurer en amont de la compatibilité de son projet avec les objectifs de conservation des sites Natura 2000. Cette pièce supplémentaire est à joindre au permis ou au formulaire de demande, elle permet de prendre en compte les habitats et les espèces d’intérêt européen et, si nécessaire, prendre des dispositions pour éviter, réduire ou compenser les impacts de son projet.
Zoom sur le site Natura 2000, Vallée de la Boutonne
La Vallée de la Boutonne se situe au sud des Deux-Sèvres et correspond à la partie amont du principal affluent de la Charente, la Boutonne. Le site s’étend sur 21 communes et couvre 7145 ha. Les vallées sont peu encaissées, composées de prairies bocagères, de peupleraies, de boisements et parcelles de grandes cultures.
Le réseau hydraulique comportait plus de 90 moulins à eau à l’origine.
C’est un territoire rural, avec des exploitations agricoles en polyculture, élevage et céréales, et de l’exploitation de peupliers. L’industrie du bois (scieries) et des unités de pisciculture sont présentes au sein du site. Les loisirs pêche (1ère catégorie), chasse et randonnées sont bien présents.
Ce site a été désigné au titre de la Directive Habitats, ; on retrouve notamment des milieux typiques des fonds de vallées : les végétations des eaux courantes en rivière, les forêts alluviales (ripisylve à aulnes et frênes), mégaphorbiaies et prairies humides favorables à de nombreuses espèces inféodées, comme la loutre, les poissons chabot et lamproie de Planer, le papillon cuivré des marais, les chauves-souris comme le Grand et le Petit Rhinolophe…
Des moulins et leurs systèmes hydrauliques au cœur de la Trame Verte et Bleue du site
Les sites Natura 2000 de vallées illustrent bien le concept de Trame Verte et Bleue : c’est un réseau formé de continuités écologiques terrestres et aquatiques. C’est une compilation de sous-réseaux écologiques appelés « sous-trames ».
Si l’on reprend ce schéma ci-contre en l’appliquant aux systèmes hydrauliques, bâtiments et parcelles appartenant aux moulins, qu’avons-nous ?
La sous-trame aquatique : Les biefs constituent à minima un doublement du linéaire de cours d’eau
Favorables aux espèces comme la Truite fario, l’Anguille, la Lamproie de Planer, le Chabot, la Loutre d’Europe, les Libellules…
La sous-trame zones humides : le maintien des niveaux d’eau dans le bief favorise la formation de zones humides sur les parcelles voisines. Les zones humides ont un rôle d’éponge pour retenir l’eau (atténuateurs de crues et d’assecs, et véritables climatiseurs dans un contexte de réchauffement climatique).
Favorable aux papillons (Cuivré des marais), libellules (Agrion de Mercure, Cordulie à corps fin).
La sous-trame forestière : Conservation d’importants linéaires de ripisylves et de haies
Favorable aux insectes saproxylophages (Rosalie des Alpes, Lucane cerf-volant, Grand Capricorne), Chiroptères (Murin de Bechstein [gîte] et toutes espèces pour la chasse).
La sous-trame milieux ouverts : Conservation de surfaces en prairies naturelles
Favorable aux papillons (Cuivré des marais)
Le classement des biefs en « cours d’eau » oblige à laisser une bande enherbée pour les cultures de 5 à 10 m. Cela constitue un corridor en herbe le long du cours d’eau.
Enfin, ce que l’on nomme en ville « la trame noire », l’absence de lumière et de dérangement favorable aux espèces nocturnes, s’applique aux bâtiments de moulins. En effet, ces anciennes unités de production ont bien souvent d’importantes surfaces de bâti ancien (combles, greniers, pierres non jointées…).
Favorable aux chiroptères (gîte, reproduction et chasse) : Grand et Petit Rhinolophe, Grand Murin, Murin à oreilles échancrées, Barbastelle…
Les moulins forment donc de petits réservoirs de biodiversité dans les sites Natura 2000. Les 90 moulins à eau successifs sur la Boutonne et ses affluents constituent autant de petits havres de paix pour la biodiversité, d’autant plus s’ils sont régulièrement manœuvrés aux bonnes périodes, assurant un bon transit sédimentaire. Ils contribuent à assurer la conservation des espèces aquatiques et terrestres et leur permettent d’accomplir tout ou partie de leur cycle de vie.
Photos : SYMBO
Cartes : IGN et orthophoto, réalisation SYMBO
Schéma TVB : © SRCE Basse-Normandie (d’après IRSTEA 2010).
Mickaël COUTANTIN
Animateur Natura 2000
Syndicat Mixte de la Boutonne (SYMBO)
71 route de Brioux 79170 PÉRIGNÉ
05 49 07 82 68 – 06 07 23 86 19
http://vallee-boutonne.n2000.fr/
Paru dans le Monde des Moulins n°80 d’avril 2022
https://fdmf.fr/le-monde-des-moulins-n80-avril-2022/
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