Le site des Moulins de France
ArabicBasqueBelarusianBulgarianCatalanChinese (Simplified)CzechDanishDutchEnglishFinnishFrenchGermanGreekHebrewHungarianItalianJapaneseLithuanianNorwegianPersianPolishPortugueseRomanianRussianSpanishSwedishTurkishUkrainian

Au cours de ces dernières années, deux associations ardéchoises, la « Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de l’Ardèche » et « Liger » se sont mobilisées pour sauver le dernier moulin à toit de genêt de la montagne, signalé quelques années auparavant pour sa valeur patrimoniale à la DRAC.
Le toit de genêt est une spécificité du plateau ardéchois où de nombreuses maisons ont été couvertes avec ce matériau facilement disponible, offrant des qualités d’isolation thermique précieuses dans cette région située à plus de 1000 m d’altitude, permettant la construction de toits à forte pente pour éviter que la neige s’y accumule. Ce matériau a toutefois un défaut : on doit tous les ans s’assurer de son bon état et éventuellement remplacer les éléments déficients qui ne manqueraient pas d’y occasionner des gouttières.
Il y avait, il y a une trentaine d’années encore, une centaine de ces toits devenus rares aujourd’hui, et plusieurs d’entre eux couvraient un moulin. Comme le toit de chaume en paille de seigle, fréquent autour du Mézenc, le toit de genêt présente un autre inconvénient pour les moulins (où le risque d’incendie n’est pas négligeable si les meules tournent à vide dans une atmosphère chargée de poussière végétale) : 
il est très inflammable. Le premier moulin construit sous la Loire et représenté sur de nombreuses cartes postales avec, en arrière-plan, le Gerbier de Jonc, était couvert de lauze, seule la maison du meunier étant couverte de genêt. 

1016cassonie11

Carte postale AD 07 79 Fi 4476

Le Moulin de la Cassonié a d’ailleurs été couvert de lauze avant qu’un toit de genêt permette de l’agrandir d’un espace de rangement sous le toit. C’est en effet un tout petit moulin qui a été construit ici, dans un fond de vallon où jaillissent deux sources qui ont permis la construction d’une maison et l’installation d’une famille à cet endroit. Seule la maison figure en 1837 sur le cadastre napoléonien, les deux bâtiments apparaissent sur le cadastre de 1882 comme appartenant à Pierre Volle, le moulin étant qualifié de construction nouvelle. Son propriétaire a-t-il voulu le mettre sous la protection divine ? C’est possible : une croix où est gravé le nom de Volle, érigée à l’entrée de la propriété en bordure de route, et une pierre au-dessus de la porte d’entrée du moulin portent la même date : 1887.

1016cassonie10

La croix – Photo DR.

Le petit moulin (il ne fait que quelques mètres carrés) est une construction soignée. Il est bâti de belles pierres, et on a peine à croire que c’est une installation de meunerie quand on le voit de loin, isolé dans un vallon couvert de jonquilles au printemps, mais sévèrement gardé par un troupeau de vaches … et un taureau dès l’approche de l’été. Tous ceux qui l’ont alors visité ont été impressionnés par la taille du gourdin dont se munit leur accompagnateur pour traverser le pâturage qui le sépare de la route !

Et pourtant, il s’agit bien d’un moulin ! Point n’est besoin d’y entrer pour s’en convaincre : vers le haut, il existe une écluse envahie par la végétation, tandis qu’en-dessous, au pied du mur traversé par un minuscule canal de fuite de quelques décimètres carrés de section, les eaux de fuite, après avoir alimenté un abreuvoir, se diffusent dans le pré, y créant un milieu humide favorable à la pousse de l’herbe. Ce canal était susceptible de rendre toute fuite difficile si le taureau présentait quelques velléités de démontrer qu’il est ici, ne serait-ce que pour quelques mois, le maître des lieux. On peut remarquer d’ailleurs que la croix est implantée près de l’entrée destinée au troupeau et non pas près de celle utilisée pour gagner la maison et le moulin !

1016cassonie9
Le Moulin de la Cassonié dans le vallon – Voir aussi 1ère de couverture – Photo DR.

1016cassonie8
Ecluse du moulin – Photo DR.

On y venait en effet traditionnellement par un chemin qui les surplombe et cela jusqu’aux années cinquante qui ont signé l’arrêt du moulin et l’abandon de la maison. Face au chemin, se trouve la porte d’entrée du moulin, et au-dessus, celle du grenier. En dessous, la pente du versant s’accentue, permettant un bon écoulement des eaux de fuite, ce qui était nécessaire à un bon fonctionnement de la roue horizontale qui mettait en jeu le moulin.

La porte franchie, tout se confirme, on est bien dans un moulin ! Mais il faut pénétrer ici aussi avec prudence : l’accès à la chambre d’eau se fait par un trou béant au niveau du plancher qui la recouvre en partie et a permis, sur une voûte, l’installation d’un couple de meules.

1016cassonie7
La voûte – Photo DR.

Si l’on se penche, on découvre l’ouverture ménagée pour permettre l’arrivée de l’eau sur la roue dont il ne reste rien, et à l’opposé le pertuis d’évacuation.
Au-dessus, le matériel de meunerie est des plus simples : un couple de meules, caché dans une archure circulaire, le support de la trémie et un babillard de bois témoignent du passé meunier. Pas de meules françaises ici bien sûr (elles sont arrivées dans les moulins les plus importants de la région à la fin du XIXe siècle), mais des pierres monolithes que l’on ne voit pas assez pour savoir si elles sont, comme souvent à proximité du Velay, en grès de Blavozy ou si elles sont taillées dans un granit local. Une simple anille en queue d’aronde transmettait le mouvement de la roue aux meules.

1016cassonie6
L’anille – Photo DR.

Il ne reste rien de la roue. Une pièce de bois conservée dans un petit bâtiment semi-enterré, en amont de l’écluse, où jaillit une source, pose la question de sa destination. A-t-on ici, dans cette « serve » destinée à tenir les aliments au frais et oubliée de tous, la fameuse pièce de bois, chêne ou châtaignier, destinée à fabriquer les aubes des roues de bois, que les derniers meuniers vivarois disent avoir toujours conservée dans leur écluse ? Et est-ce pour cet usage qu’on a planté un châtaignier contre le moulin ?

1016cassonie5
Serve – Photo DR.

1016cassonie3

1016cassonie4

Les stagiaires au pied du moulin, été 2015 – Photo Céline Brière

Ce petit moulin mérite, on le voit, d’être sauvé. Le toit, réparé dans l’urgence à l’automne par la Société de Sauvegarde et Liger, a été doté d’un faîtage en mélèze afin de lui permettre de supporter sans dommages les neiges de l’hiver. Au cours de l’été 2015, il a été entièrement refait dans le cadre d’un stage de piquage de genêt organisé par Liger.

1016cassonie1

Deviendra-t-il le premier moulin classé en Ardèche par le Service des Monuments Historiques de la DRAC ? Seul l’avenir le dira.

Colette Véron – Paru dans le Monde des Moulins N°58 – octobre 2016

Voir la fiche du moulin >>

Catégories : Zoom

0 commentaire

Laisser un commentaire

Avatar placeholder

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *