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L’éolienne Bollée est une invention française de la deuxième moitié du 19e siècle, imaginée à l’époque où les pompes manuelles répondaient péniblement aux besoins de l’agriculture et où l’on constatait que les problèmes de santé pouvaient être directement liés à la pollution des ressources en eau. Vers 1914, environ 350 éoliennes Bollée avaient été installées dans toute la France. Quelques-unes franchirent même les frontières. Environ soixante d’entre elles existent encore aujourd’hui, de l’état de ruine à celui de restauration complète.1

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Carte postale ancienne datée de 1905 : VILLEVALLIER . Le Lavoir et l’Eolienne. Collection Jean-Luc Boulard

 

La famille Bollée

L’origine familiale des Bollée se situe au XVIIIe siècle en Lorraine, à Breuvannes-en-Bassigny (actuelle Haute-Marne) où était né en 1781 Jean-Baptiste Bollée. En 1837-38, Ernest-Sylvain s’installe dans la Sarthe à proximité du Mans, sur la commune de Sainte-Croix où il créera une affaire prospère. Il sera l’inventeur du bélier hydraulique en 1857, de la « turbine à vent » en 1868, cette éolienne Bollée qui nous intéresse.
Ernest-Sylvain développera avec son fils son activité jusqu’en 1891, année de son décès accidentel. L’affaire sera alors reprise en totalité par Auguste, qui continuera la production jusqu’en 1898, date à laquelle l’entreprise sera vendue à l’entreprise Édouard Émile Lebert. En 1918, elle sera revendue à Gaston Duplay puis, en 1926, à la Société Anonyme des éoliennes Bollée, pour cesser son activité en 1933.

Historique des éoliennes Bollée

Les éoliennes Bollée permettent de pomper l’eau potable dans un puits jusqu’à 40 mètres de profondeur. Elles étaient installées dans des lieux isolés (châteaux, fermes, etc.), des lavoirs ou des fontaines publiques. La plupart des acheteurs étaient des propriétaires terriens ou de maisons bourgeoises, des communes.
Le fonctionnement de la machine est assez simple. Ainsi que le note Auguste Bollée dans son descriptif : « Le sommet de la colonne supporte les deux roues en fer, l’une fixe, l’autre motrice, et dont l’ensemble du système rappelle la turbine hydraulique. Le vent passe d’abord par la roue fixe, dont les aubes inclinées le dirigent dans le sens du mouvement à donner à la roue tournante » qui actionne ensuite les pompes à eau. Un petit rotor de pivotement (le papillon orienteur ou moulinet orienteur) positionne la turbine dans le sens du vent ou la sécurise “en drapeau” en cas de vent violent. 2
Les éoliennes Bollée ont été installées dans
44 départements français : Indre-et-Loire (55) ;
Sarthe (40) ; Yonne (20) ; Loir-et-Cher (18) etc. et quelques-unes furent installées à l’étranger.

L’éolienne Bollée de Villevallier à Sens (Yonne) : son histoire3

Dès 18924, à Villevallier, commune du Nord de l’Yonne, une commission municipale est chargée de se renseigner sur la mise en place d’une éolienne dite, à l’époque, « machine hydraulique élévatoire » qui servirait à alimenter en eau le lavoir communal. Le Conseil Municipal statue pour des études préliminaires à l’installation d’une éolienne analogue à celle de Prégilbert (Yonne) et délègue une commission chargée de la visiter. Un peu plus tard, le 14 janvier 1893, la mairie passe un marché pour l’installation d’une turbine éolienne. Un courrier de la société Bollée du 5 septembre 1893 mentionne que l’éolienne est en cours de fabrication et doit être livrée sous quinzaine après une préparation du terrain recevant la machine, laquelle sera mise effectivement en route le 25 octobre  1893. Une délibération du Conseil Municipal en date du 11 février 1894 désigne et missionne une commission pour la réception définitive des travaux.
L’éolienne Bollée de Villevallier : ses caractéristiques5

Un article du Service Patrimoine et Inventaire du Conseil Régional de Bourgogne situe précisément son contexte et son histoire :
« L’éolienne est située dans la partie basse du village, au sud-ouest, à proximité de l’Yonne. L’édicule de pompage, de plan hexagonal, au gros-œuvre en pierre et chaînes d’angle en briques, est couvert d’ardoises. Il est implanté au pied du mât. Il abrite une pompe à trois pistons plongeurs et volant en fonte. Cette éolienne Bollée est équipée d’un aéromoteur de 5 m de diamètre porté par une colonne en fonte de quatre sections et demie. Cette dernière est scellée sur une plateforme en pierre de deux marches et ancrée par huit haubans. L’éolienne alimentait un lavoir dont le bâtiment rectangulaire, transformé en maison d’habitation, est situé sur la même parcelle. L’eau était stockée dans un réservoir enterré entre l’éolienne et le lavoir. »

[…]

« L’éolienne de Villevallier est une des trois dernières éoliennes Auguste Bollée, à mât haubané, qui subsistent dans l’Yonne, les deux autres machines élévatrices de même type se trouvant à La Postolle et Arthonnay6. Ces deux éoliennes, toutes deux propriétés communales, sont inscrites à l’Inventaire Supplémentaire de Monuments Historiques, respectivement depuis 1976 et 2003. L’éolienne de Villevallier est, elle, propriété privée depuis 1972 comme le lavoir qu’elle alimentait ».
L’éolienne mesure 20 mètres de hauteur (hors girouette) et pèse 10 tonnes dont 3 pour la seule turbine.

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L’éolienne en 2006 et sa turbine. Photo Jean-Luc Boulard

L’éolienne Bollée à Sens

En 2006, le propriétaire, M. Christophe Hervé, habitant de Villevallier et nouveau propriétaire de l’ancien lavoir communal, inquiet du danger qu’elle semble représenter, prit le parti de la faire démolir par le biais d’une entreprise de ferraillage, non sans l’avoir proposée, suivant ses dires, à la commune de Villevallier qui ne donna pas suite à son offre.
Entre temps, un article paru dans la presse locale7 évoquait l’inquiétude du voisin, restaurateur et hôtelier, le Pavillon Bleu, dont un élément de l’éolienne était tombé dans son jardin. Celui-ci alerte la presse pour déclencher une réaction rapide de la mairie de Villevallier ou du nouveau propriétaire de l’éolienne et prévient : « Si on ne fait rien, un drame va se produire ».
À la lecture de cet article, Michel Morange, maire-adjoint en charge de l’environnement et des espaces verts de la mairie de Sens, conscient de l’intérêt patrimonial qu’elle pouvait représenter, missionne Jean-Luc Boulard, responsable du service espaces verts, pour entrer en relation avec le propriétaire.
Une première visite a lieu immédiatement sur place et, voyant tout le parti qui pourrait être tiré de cette éolienne, en particulier dans le cadre de l’aménagement en cours du parc du Moulin à Tan, la ville va négocier avec le propriétaire afin de récupérer et sauver cette structure destinée au ferraillage.
Le propriétaire possède un devis de démolition de l’entreprise Rolland, de Villefargeau, qui s’élève à 1500 €, ce qu’il juge au-dessus de ses moyens. Cette dernière est alors recontactée par le Service municipal des espaces verts et sollicitée pour effectuer une nouvelle proposition de prix auprès de la ville de Sens pour un démontage, le plus soigné possible, et l’acheminement des éléments à Sens, dans le parc du Moulin à Tan. Ce devis se montera à 5 500 € HT et serait donc pris en charge par la Mairie de Sens.
Immédiatement, par courrier adressé au maire de Sens8, Marie-Louise Fort, le propriétaire, M. Hervé, fait don officiellement à la ville de Sens de son éolienne, démarche suivie par une délibération9 du Conseil Municipal le
23 mai 2006 où la ville de Sens, à l’unanimité, vote le principe du don.
L’éolienne était désormais sauvée…

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Transport avant stockage de l’éolienne en 2006. Photo Jean-Luc Boulard

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Repose  de l’éolienne. Photo Jean-Luc Boulard

Le projet de réinstallation à Sens : chronologie

Jean-Luc Boulard, responsable et concepteur du parc du Moulin à Tan, proposera un emplacement gratifiant pour l’éolienne, dans l’agrandissement du parc paysager , sur l’extension dite des « Varennes ».
Chronologiquement, le démontage proprement dit intervient en juillet 2006, l’ensemble des pièces étant entreposé sur le terrain à proximité, en attendant d’être acheminé vers Sens. à l’aide d’un camion-grue, la roue de 5 m de diamètre est déposée, la colonne en fonte démontée en trois morceaux.

Puis, en juillet 2006, par deux voyages successifs, l’éolienne est livrée au Parc du Moulin-à-Tan par la route, en convoi exceptionnel.

En octobre 2006, une équipe se rend à Villevallier et descend dans le puits situé sous l’emplacement de l’éolienne afin de remonter la pompe du puits ainsi que tout le dispositif de transmission et le volant d’inertie situés dans la petite construction attenante à l’emplacement de l’éolienne.
Après confection du socle et des plots (2012) à l’endroit choisi dans le parc, la colonne est posée (2013). Il faudra attendre 2017 pour sabler et peindre la plate-forme, et la roue avant qu’elle soit reposée début décembre de la même année.

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Les partenaires autour de l’éolienne. Photo Mairie de Sens – Service Communication

 

Reste néanmoins un important travail de finitions (couche de finition des peintures, restauration de l’entonnoir à vent, construction d’un local attenant, présentation du système de pompage, parcours pédagogique autour de l’éolienne, etc.)

La Ville de Sens et ses partenaires autour de l’éolienne

Dès l’année 2007, le Lions Club manifeste son intérêt et son souhait de s’investir pour le projet, dans le cadre de sa commission « Environnement ». Ce partenariat offrira l’intérêt de pouvoir côtoyer nombre d’entreprises afin de fédérer à moindre coût les moyens autour du projet et relancer régulièrement les élus sur l’intérêt du projet pour la ville de Sens.

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Repose  de l’éolienne. Photo Jean-Luc Boulard

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Inauguration de l’éolienne de Sens, le 23 mai 2018 – Discours de ML. Fort, Maire de Sens. Au 1er plan, de gauche à droite : D. Tellier –
JL. Boulard – A. Eyquem – ML. Fort – M. Blanchot – PA. de Carville (cf ce n°65 p 12)- Photo Mairie de Sens – Service Communication

 

Conclusion que nous laissons à la famille Bollée

Une phrase d’Auguste Bollée, extraite de son mémoire à l’appui du marché passé avec la commune de Villevallier en 1893, résume bien l’intérêt de ce patrimoine industriel du XIXe siècle :

« L’aspect d’ensemble de mes machines est trouvé très bien par les architectes et décorateurs paysagistes, tous disent qu’une installation de ce genre ne peut qu’aider à l’embellissement d’une propriété. Aucune partie cependant n’a été faite spécialement pour la beauté, toutes ont leur utilité et sont indispensables ».
Quel plus bel argumentaire pour décider d’entreprendre cette réhabilitation dans un parc paysager récent et labellisé depuis « Jardin remarquable » par la Direction Régionale des Affaires Culturelles ?

1. FFAM : Les éoliennes et d’un point de vue général :
« Les Éoliennes Bollée », d’André Gaucheron et
J. Kenneth Major, Fédération Française des Amis des Moulins, Cahier n°13 Supplément à la Lettre d’Information n°24 – Février 1995 – 75 pages au format A4
2. Source : Ville du Mans – Maison de l’eau – Arche de la Nature
3. Quelques copies de pièces majeures du marché de travaux ont été récupérées. Elles sont issues des archives de la mairie de Villevallier concernant l’éolienne installée dans la commune. (Merci à Bernard Pierson, ancien habitant de Villevallier, qui a mis à notre disposition ses recherches personnelles).
4. Extrait du Conseil municipal du 14 août
5. Extrait de « l’inventaire Mérimée général du patrimoine culturel » Ministère de la Culture – rédacteur(s) Lauvergeon Bernard – enquête 2002 et date versement 2009/07/28 – dossier consultable au Conseil Régional de Bourgogne – Service Patrimoine et Inventaire
6. L’auteur de ces lignes oublie l’éolienne de Vaudeurs, qui n’est certes pas à mât haubané mais sur pylône, ce qui porte à quatre le nombre d’éoliennes Bollée encore dressées dans l’Yonne
7. L’Yonne Républicaine du 15 mars 2006
8. Courrier de M. Christophe Hervé en date du 22 mars 2006
9. Conseil municipal du 23 mai 2006

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L’éolienne dans sa nouvelle vie. Photo Jean-Luc Boulard

 

Jean-Luc BOULARD
Sens, le dimanche 25 février 2018

Paru dans le Monde des Moulins 65 de juillet 2018

Catégories : Zoom

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