1- La FDMF n’est pas frontalement opposée à la restauration de la continuité écologique
La FDMF ne s’oppose pas systématiquement à la mise en œuvre de la restauration de la continuité écologique. Elle ne nie pas l’intérêt d’une libre circulation des poissons migrateurs et du transfert des sédiments.
2- La FDMF rappelle toutefois que la restauration de la continuité écologique n’est pas une condition nécessaire et suffisante pour l’atteinte du bon état des cours d’eau
La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) traite de l’ensemble des problèmes liés à l’eau. La gestion quantitative occupe une part importante. Elle insiste également sur l’aspect qualitatif.
La DCE fixe des objectifs aux États membres. Parmi les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau figurait notamment l’atteinte du bon état des eaux en 2015, date ensuite repoussée à 2027.
La notion de continuité écologique n’est pas expressément mentionnée dans la DCE. Dans une annexe, l’hydromorphologie est indiquée pour l’atteinte du très bon état.
Selon la DCE, le très bon ou le bon état écologique des cours d’eau est défini par des critères physico-chimiques, des critères biologiques et des critères hydromorphologiques. Dans le cas où les critères biologiques et physico-chimiques correspondent au très bon état, le respect également de critères hydromorphologiques permet d’atteindre le très bon état écologique. Si les critères hydromorphologiques ne correspondent pas au très bon état, le cours d’eau entre dans la catégorie bon état écologique, satisfaisant aux objectifs fixés par la DCE.
L’objectif principal clairement affiché de la LEMA (Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques) était d’atteindre les objectifs fixés par la Directive Cadre sur l’Eau, en particulier le bon état des eaux.
L’état des eaux de surface fait l’objet d’une évaluation pour chaque masse d’eau. Cinq catégories ont été définies :
- très bon état,
- bon état,
- état moyen,
- état médiocre,
- état mauvais.
Le Guide Technique sur l’Évaluation de l’état des eaux de surface, publié en 2012 par le Ministère de l’Écologie du Développement Durable et de l’Énergie, détaille les rôles respectifs des éléments de qualité biologiques, physico-chimiques et hydromorphologiques dans la classification de l’état écologique conformément aux termes de la DCE (définitions normatives de l’annexe V.I.2) L’hydromorphologie n’intervient que pour l’atteinte du très bon état.
Le Conseil Scientifique de l’Agence Française pour la Biodiversité, dans une note publiée en 2018, confirme en précisant que, à elle seule, la restauration de la continuité écologique ne suffit pas à restaurer le bon état écologique des milieux.
3- La FDMF constate que, sur le terrain, la restauration de la continuité écologique conduit à des situations difficiles
Allant au-delà des directives européennes, l’Administration, l’Office Français de la Biodiversité, les Agences de bassin ont privilégié la restauration de la continuité écologique (libre circulation des poissons et transfert des sédiments) comme principal moyen pour atteindre le bon état.
La meilleure illustration de cette politique est le financement à 100 % des destructions d’ouvrages. Elle interdit aux propriétaires le choix des solutions prévues dans la loi, dans la mesure où les subventions rendant les travaux abordables ne sont accordées qu’aux seules destructions.
De même, l’établissement des listes de cours d’eau classés au titre de l’article 214-17 du code de l’environnement a été réalisé de façon maximaliste.
L’article 214-17 du code de l’Environnement prévoit l’établissement de listes de cours d’eau remarquables qui doivent être soit préservés, soit restaurés. Dans les faits, ces listes ont été établies hâtivement en retenant toutes les propositions de classement émises par les services instructeurs. Les objections formulées et argumentées ont rarement été prises en compte. La loi prévoit cependant que ces listes peuvent être révisées. Cela n’a jamais été fait. Ainsi, les objectifs se révèlent très ambitieux.
La distinction entre les notions de préservation et de restauration, bien identifiée dans la loi, laisse entendre que des cours d’eau en bon état qui doivent être protégés n’ont pas besoin d’être restaurés. De même, un cours d’eau restauré pourra ensuite être protégé.
L’interprétation différente de la loi dans sa mise en œuvre a conduit à une inflation d’ouvrages concernés par la restauration de la continuité écologique, suscitant un rejet et une contestation locale.
4- La FDMF regrette une concertation insuffisante voire absente
Cette politique est mise en œuvre sans grande concertation sur le terrain. Les directions départementales des territoires informent les propriétaires de leurs obligations et les mettent en demeure. Très souvent, les syndicats de rivière engagent des actions de restauration de la continuité écologique sur des cours d’eau qui ne sont pas en bon état et qui ne l’atteindront pas après la restauration de la continuité écologique.
Les représentants des moulins sont absents des instances de concertation telles que Commission Locale de l’Eau (CLE) pour les SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux), Comité de bassin pour les SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau), Comité National de l’Eau (CNE), alors que d’autres usagers sont membres de droit de ces instances.
Le Comité National de l’Eau a mis en place un groupe de travail « continuité écologique apaisée » pour identifier les raisons des blocages constatés et proposer des pistes pour résoudre les problèmes. Les représentants des moulins et des riverains ont été invités à ce groupe de travail. Ils ont exprimé leur opinion, suggéré des actions. Pour l’instant, peu de leurs idées ont été retenues. L’impression qui se dégage est l’incapacité à trouver un consensus. Il y a une confusion entre concertation, co-construction et simple information. Les conditions de l’établissement de listes d’ouvrages à traiter en priorité illustrent bien ce comportement. Les critères afférents à chaque ouvrage retenu comme prioritaire ne sont toujours pas communiqués.
5- La FDMF constate les conséquences de la politique suivie
La mise en œuvre systématique de cette politique conduit à des situations de blocage sur le terrain.
L’exaspération des propriétaires de moulins est grande car :
- Cette politique néglige le rôle économique des moulins :
– les moulins produisent de la farine, de l’huile, de l’électricité,
– les moulins ont une activité touristique. - Cette politique ne prend pas suffisamment en compte l’aspect patrimonial des moulins :
– patrimoine industriel,
– patrimoine architectural,
– patrimoine paysager. - La politique suivie ne tient pas compte de la biodiversité existante dans sa totalité :
– la biodiversité ne se limite pas à quelques espèces piscicoles,
– l’abaissement du niveau d’eau amont d’un seuil risque souvent de détruire des zones humides. - Cette politique, en abaissant les niveaux d’eau et en réduisant les surfaces immergées :
– conduit à la réduction de l’alimentation des nappes phréatiques (déjà déficitaire),
– augmente les assecs estivaux. - La modification d’un niveau d’eau peut engager la responsabilité des propriétaires :
– en provoquant des dégâts sur des bâtiments, ouvrages d’art,
– en lésant d’autres usagers, irrigants, alimentations d’eau potable,
– en détruisant l’attrait de certains sites touristiques ou de loisir.
L’exaspération, voire la contestation, est renforcée par :
- l’absence de communication sur les actions relatives au bon état chimique des masses d’eau,
- l’absence de communication sur l’évaluation de l’ensemble des actions liées à la DCE,
- des postures de certains service de l’État qui interviennent en rejetant de fait les directives nationales comme l’application du L 214-18-1,
- la stratégie de la provocation de contentieux quand des solutions consensuelles ont été trouvées et acceptées.
Le réchauffement climatique n’est pas suffisamment pris en compte :
- Les moulins sont utiles pour la constitution de réserves naturelles utilisables en périodes de sécheresse, malheureusement plus fréquentes.
- Le maintien du niveau amont des retenues contribue à la préservation des zones humides, fort menacées en général. Les moulins participent ainsi au maintien d’une biodiversité locale très riche
- Les moulins sont par ailleurs une source d’énergie renouvelable par excellence. L’énergie hydroélectrique, autoconsommée ou injectée sur le réseau, est importante pour les territoires, son développement doit être favorisé comme le prévoit la loi.
6- La FDMF s’interroge sur les résultats de cette politique
Beaucoup d’argent a été dépensé, pour quel résultat ?
L’objectif de bon état en 2015 pour répondre à la DCE a été reporté.
À ce jour, il n’y a pas d’évaluation systématique des actions menées en présentant un état de la qualité de l’eau avant et après.
La FDMF exige donc, pour chaque site, qu’un état des lieux soit effectué avant d’entreprendre des travaux pour la restauration de la continuité de façon à pouvoir faire un bilan à posteriori.
Un tel suivi permettrait d’avoir l’assurance que les travaux réalisés étaient justifiés.
7- La FDMF pose la question : Pourquoi en est-on arrivé là ?
Il faut remonter à la controverse scientifique sur le bon état d’un milieu naturel.
Est-ce le retour à un état naturel originel ? Une nature non perturbée par l’activité humaine ?
Ou bien, à un état jugé satisfaisant selon des critères à définir mais tenant compte de l’existence de l’homme dans le milieu ?
Nous renvoyons à la lecture de l’ouvrage de Messieurs Levêque et Bravard pour développer ce point. « La gestion écologique des rivières françaises – Regards de scientifiques sur une controverse ». Éditeur L’Harmattan.
8- La FDMF fait des propositions pour en sortir
Quelques propositions pragmatiques déjà formulées.
La première exigence : l’application stricte de la loi dans son esprit.
La loi doit être appliquée telle que les parlementaires l’ont rédigée en excluant les interprétations déviantes. Les propriétaires ne doivent pas être obligés d’aller en justice pour obtenir de l’administration qu’elle se conforme à la loi. Le Ministère doit être le garant de l’application de la loi.
L’application de l’article 214-18-1 du Code de l’Environnement doit être faite pour favoriser la production d’électricité.
La FDMF salue les avancées contenues dans la loi climat et résilience. Les précisions apportées à l’article 214-17 du code de l’environnement confortent son positionnement.
Les différentes solutions envisagées doivent être financées de façon identique.
L’effacement ne doit plus être proposé. Le financement ne doit plus être un levier obligeant les propriétaires à choisir une solution qui leur est défavorable. Le caractère de charge exorbitante pour le propriétaire doit également être retenu comme le prévoit la loi.
La solution préconisant la gestion des vannages doit être examinée systématiquement.
Cette solution, appliquée avec succès depuis des siècles par les meuniers, permet, sans aménagement supplémentaire, d’assurer le transit sédimentaire et la migration des poissons dans la grande majorité des cas. Ce
scénario remplacera avantageusement les scénari provoquant la remise en cause de l’usage actuel ou potentiel de l’ouvrage, en particulier aux fins de production d’énergie. Elle nécessite l’implication des services de l’État pour établir des règlements d’eau et les faire
respecter.
La représentation des moulins doit être promue.
Actuellement, les représentants des moulins ne sont pas présents :
- au comité national de l’eau,
- auprès des agences de l’eau,
- aux comités de bassin,
Ils ne sont pas systématiquement présents dans toutes les commissions locales de l’eau. C’est laissé au bon vouloir du préfet.
La révision des listes de cours d’eau classés au titre du 214-17 est l’occasion d’afficher des ambitions réalistes.
Prévues par la loi, ces révisions conduites de façon contradictoire pourraient être l’occasion d’apporter un apaisement souhaité par tous les acteurs. Les espèces cibles nommées pour être préservées, pour chaque cours d’eau, doivent être réexaminées objectivement, en tenant compte de l’état actuel et de l’impact à venir du réchauffement climatique.
Pour apaiser le climat délétère actuel et permettre la mise en œuvre d’une politique efficace avec des objectifs réalistes, la révision des listes, expressément prévue par la loi, devrait être réalisée en évitant que les listes de cours d’eau classés en liste 2 comportent des cours d’eau déjà classés en liste 1.
La mise en place d’instance de conciliation apporterait plus de sérénité.
Actuellement, une divergence d’appréciation entre un propriétaire et l’administration est résolue par une procédure judiciaire longue et coûteuse. La jurisprudence est favorable aux moulins. La FDMF propose la mise en place d’une instance de conciliation paritaire au niveau départemental ou régional. L’examen d’un litige par une telle instance permettrait aux différentes parties de présenter leurs arguments.
Le développement de la connaissance de la biodiversité des moulins permettrait d’apprécier sa richesse.
Les études réalisées sur certains sites ont démontré l’intérêt pour ce biotope. Elles ont été réalisées par des bénévoles avec l’aide des propriétaires. Le lancement d’un programme d’études permettrait de connaître de façon exhaustive ce milieu.
La valorisation patrimoniale des moulins est une obligation.
La mise en application de la grille d’analyses établie par le Ministère de la Culture et le Ministère de la Transition Énergétique et Solidaire doit être systématique. Le rôle patrimonial des moulins doit également être souligné. Imagine-t-on les paysages français sans leur présence ?
La promotion de l’hydroélectrité doit devenir une priorité pour les moulins.
L’application de l’article 214-18-1 sans entrave est un préalable indispensable.
La simplification des procédures est une piste intéressante. En dessous d’une puissance de 150 kW, un site existant devrait relever de la simple déclaration.
Comment peut-on promouvoir les énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque si, dans le même temps, on entrave l’utilisation de l’énergie hydraulique notamment sur des sites existants ?
Le groupe Continuité Écologique de la FDMF
Alain Eyquem
Michel Andreu
Lionel Barré
Christian Péron
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