Les participants au Congrès l’ont bien vu, le département de l’Ardèche est très varié dans sa topographie, sa géologie et son hydrologie. Les moulins se sont adaptés, et il en résulte une grande variété d’édifices.
Les cours d’eau prennent, pour la plupart, naissance sur le plateau vivarois, aux limites du Velay. Ils y coulent avec une très faible pente et mettent en jeu de petits moulins à roue horizontale, tel celui de Courbet ou celui de Bilbeau à Saint-Cirgues-en-Montagne (fig.1). Le Moulin de la Cassonié, au Cros de Géorand, édifié au XIXe siècle, a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, avec les pâturages qui l’entourent et les vestiges de la ferme du meunier. Ce moulin fonctionne par éclusée. L’alimentation en eau est assurée par une source à l’amont du réservoir. (cf MdM n°58-Couverture et p12)
Dès que les cours d’eau quittent la montagne ardéchoise, leur pente s’accentue progressivement, ils prennent un caractère torrentiel ; les moulins, lorsqu’ils ont été édifiés sur d’étroites berges, ont été souvent emportés et reconstruits au fil des siècles. Le Moulin de Trespis, à Lanarce, en témoigne : mentionné depuis le XVIIe siècle, il a été totalement détruit au milieu du XXe siècle et reconstruit par son propriétaire, qui en a fait un objet pédagogique de grand intérêt (fig.2), bien que la roue ne tourne pas faute d’alimentation en eau. Le Moulin de Mègue et celui de Faugères sont typiques de l’architecture des moulins des Cévennes schisteuses (fig.3). Ici, les vallées sont profondes, les épisodes cévenols redoutables, et on a parfois rapproché le moulin de l’habitat édifié sur la pente. À Laval-d’Aurelle, village construit sur le haut du versant, de nombreuses familles ont encore conservé en état leur petit moulin à roue de bois (fig.4); les filons de quartz ont fourni la matière première pour les crapaudines et les pivots, en faisant un ensemble patrimonial remarquable.
Les moulins établis sur la pente près de l’habitat se retrouvent aussi dans les Cévennes du Nord, le Moulin de Terret à Antraigues en est un bel exemple, visible de la route construite sur le versant opposé. Beaucoup se cachent aussi sur les pentes des Boutières ou du Haut-Vivarais.
Certains moulins plus importants, à proximité de villages ou de petites villes, se sont modernisés en s’équipant au XIXe siècle de mécanismes en fonte dits communément à l’anglaise. Ces mécanismes ont remplacé ou complété un équipement préexistant en roues horizontales. Les bâtiments portent la marque de l’agrandissement réalisé pour la mise en place d’une roue verticale : Moulins de Campustelle (MdM n°54-Couverture et p10) et de Raoul sur le Sandron, Moulin du Barry à Albon, l’impressionnant Moulin de Lagarde à Rochessauve au pied du Massif du Coiron, entièrement construit en basalte (fig.5), ou encore le Moulin de Mandy à Pranles. Tous ou presque conjuguaient la production de farine, d’huile et de gruau.
Dans les basses vallées, sur des cours d’eau au débit plus important et soumis à des étiages plus courts, des moulins plus importants ont été construits aux abords des zones traditionnellement urbanisées : les Moulins de Rosières sur la Beaume et de Montréal sur la Ligne sous Largentière en témoignent encore. Mais, comme certaines unités plus petites, ils ont payé au cours des siècles un lourd tribu à l’industrie demandeuse de force motrice. À Annonay et dans la région albenassienne, dès le XVIIe siècle, certains moulins cèdent la place à des papeteries. Dans les Cévennes et les Boutières, comme dans la région privadoise ou encore à Chomerac, beaucoup ont été transformés en moulinages de soie au cours des XVIIIe et XIXe siècle. À Aubenas, le moulin seigneurial est au XIXe siècle au sein d’un vaste complexe industriel, voué en grande partie au travail de la soie, mettant à profit l’énergie fournie par son canal d’alimentation, puis il disparaît.(cf l’article à paraître d’Yves Morel sur le passage du moulin au moulinage)
Les moulins étaient nombreux sur la Cance aux abords d’Annonay où, comme dans la région Cheylaroise sur l’Eyrieux, ou sur le Chassezac, beaucoup ont été réaménagés pour la production d’électricité au cours du XXe siècle. C’est aussi le cas de certains moulins construits sur l’Ardèche.
Les moulins construits sur l’Ardèche, en aval d’Aubenas, présentent le cas particulier de moulins édifiés dans le lit d’une rivière déclarée navigable et flottable jusqu’à la seconde moitié du
XIXe siècle, mais entièrement soumise à des crues redoutables lors des épisodes cévenols (17,30 m au Moulin de Salavas au XIXe siècle). Ils sont construits à l’extrémité d’un seuil diagonal aux berges (fig.6). Ces seuils, jusqu’à la fin du XIXe siècle, doivent être construits en bois pour être emportés par les crues les plus redoutables de la rivière et résister aux crues ordinaires. À la fin du siècle, l’abandon progressif du flottage et la mise au point de la chaux hydraulique dans la région de Viviers ont permis la construction de seuils à chaux et sable régulièrement emportés eux aussi par les crues et parfois régulièrement reconstruits comme à Saint-Martin d’Ardèche, Salavas ou Ruoms. Ces deux derniers moulins d’origine médiévale ont su toutefois résister aux crues grâce à leur forme d’étrave limitant la pression des eaux. Le Moulin de Vogüé, déjà reconstruit au XVe siècle, a été en grande partie emporté en 1890, mais il présente toutefois encore des éléments très intéressants : les vestiges des chambres de compression témoignent du fait qu’on est ici, comme sans doute à Salavas, devant un type de moulin aussi présent sur l’Hérault. Deux roues horizontales tournant en sens opposé y mettaient en mouvement deux jeux de meules (fig.7). Les moulins de Lanas, régulièrement emportés par les crues de l’Ardèche, ont laissé place à une minoterie qui, à l’écart du lit de la rivière, ne fait pas usage de la force hydraulique. C’est la dernière minoterie en activité dans le département.
Les moulins ont été nombreux à être construits dans le département de l’Ardèche dès la période médiévale, plus de 1300 étaient en fonctionnement lors de la rédaction du cadastre napoléonien au cours de la première moitié du XIXe. Aujourd’hui, un certain nombre de moulins témoignent encore de ce que fut ce patrimoine, la plupart sont liés à des activités de production électrique ou de tourisme, comme le Moulin de Charrier à Labastide de Juvinas.
L’Association Moulins Et Canaux Ardèche-Drôme (Association bi-départementale AMEC 07-26) a pour mission leur promotion.
Colette Véron
Colette.veron@laposte.net
Article paru dans le Monde des Moulins – N°69 – juillet 2019
1 commentaire
Dominique Charpentier · 11 février 2022 à 19 h 34 min
vous rapprocher de Colette Véron
Colette.veron@laposte.net
Bien à vous