Le site des Moulins de France
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Les moulins

Situé sur la commune de Fontvieille, immédiatement au sud du Vallon des Arcs qui doit son nom aux restes des ponts aqueducs qui le franchissaient, au-dessus de la Vallée des Baux, le site de Barbegal fi t longtemps l’objet de deux interprétations : s’agissait-il d’un réservoir destiné à l’un des deux aqueducs conduisant à Arles les eaux des Alpilles ou d’une installation industrielle ? Les trois campagnes de fouilles que Fernand Benoit y dirigea de 1937 à 1939, confi rmèrent la seconde hypothèse.

Deux facteurs topographiques expliquent la localisation des moulins en ce point. Le versant sud du chaînon sur lequel ils sont implantés offrait une pente propice à l’utilisation optimale de la force hydraulique motrice. Les fouilles permirent à Fernand Benoit de décrire l’architecture générale du bâtiment. Long de 61 mètres pour 20 mètres de large, il comporte deux ensembles symétriques s’organisant dans le sens de la longueur (nord-sud) de part et d’autre d’un escalier monumental. Cet escalier partait d’une galerie d’accès située en bas. De chaque côté, vers l’extérieur, huit biefs étaient aménagés l’un au-dessous de l’autre, défi nissant deux «trains» de huit chutes actionnant seize roues. Entre l’escalier central et chaque bief étaient édifi ées les chambres abritant les mécanismes de mouture. Selon les niveaux, la meule se trouvait à l’étage supérieur ou inférieur de la chambre. Dans les chambres inférieures, le fond du bief était au niveau de la fosse du moulin et les meules étaient placées sur un étage supérieur ; la transmission se faisait de bas en haut. Les biefs étant en surélévation dans les chambres supérieures, la transmission se faisait de haut en bas et les meules se trouvaient au-dessous de l’engrenage. Ce dispositif permit de placer un maximum de chambres dans la pente.

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Fig1 : les moulins de Barbegal. Vue aérienne oblique ( A.Chenet, CNRS)

Les spécialistes s’accordent à souligner le caractère savant du dispositif et des mécanismes. Une goulotte de bois amenait l’eau en avant de la roue. Elle tombait dans les augets («par en dessus»), qui, une fois remplis, faisaient tourner la roue par leur poids ; la rotation s’effectuait dans le sens du courant. Plus diffi cile à mettre en oeuvre que le système de la turbine et celui de la roue «par en dessous», ce système n’était pas le plus commun dans l’Antiquité. Mais il était le plus effi cace. Dans l’enthousiasme de la découverte, un ingénieur avait évalué à 28 t. de farine par jour la production de l’usine. En fait, elle devait être bien inférieure et ne pas dépasser 4,5 tonnes, ce qui est déjà considérable et assure la fourniture journalière de 350 gr de farine à 12 500 personnes, la population d’un centre urbain romain comme Arles. La découverte majeure des fouilles qui ont été conduites sur le site entre 1989 et 1993 est la mise au jour et la fouille d’un bassin situé trois cents mètres au nord des moulins. Avant la construction des moulins, il assurait la convergence des deux branches de l’aqueduc d’Arles. Une prise d’eau située à quelques mètres du bassin dérivait vers une nouvelle conduite les eaux venues de la branche orientale (« aqueduc des Baux » ou « de Caparon ») désormais affectée aux moulins. Cette découverte a permis de préciser le fonctionnement général du système hydraulique. Parmi les autres apports des fouilles, on retiendra plus particulièrement les trois points suivants : la substitution d’une nouvelle chronologie à celle qui était retenue depuis F. Benoit, la reconnaissance de la partie inférieure du monument et liée à elle, une révision des idées admises sur la position des moulins dans leur environnement naturel.

La chronologie

Contrairement à ce qui avait été proposée à la suite des fouilles de F. Benoit, les moulins ne datent pas de la fi n de l’Antiquité, mais sont contemporains de l’apogée de la cité d’Arles. Le pont-aqueduc qui a été élevé à partir de la dérivation mise au jour est bâti en maçonnerie de blocage parementé en petit appareil régulier. Le grand appareil y est utilisé à la base des piles et pour les impostes. Cette technique qui se retrouve dans les moulins donne un terminus. Alors que dans son premier état le pont de l’aqueduc d’Arles qu’il jouxte est construit en grand appareil, celui-ci a été bâti postérieurement au changement technique qui assure en Gaule Narbonnaise le succès de la construction en blocage parementé en petit appareil, ce qui le place au plus tôt à la fi n de l’époque fl avienne. Une donnée stratigraphique précise permet d’approcher une date absolue. L’ancien bassin de convergence avait été construit en grand appareil, comme le pont de l’aqueduc d’Arles dans son premier état. Son radier a été refait avant les remaniements occasionnés par la construction des moulins, à une date que donne une monnaie incluse dans la maçonnerie : un as de Trajan frappé entre 103 et 111. Une seconde série de données a été fournie par les fouilles de l’exutoire oriental des moulins. Le canal de fuite déversait les eaux dans un fossé qui les évacuait à l’extérieur de l’enceinte des moulins. À la sortie de l’exutoire maçonné, une chute d’eau a creusé dans les marnes une cavité où un lot de céramiques y a été piégé. Cet ensemble donne une date qui correspond aux années 260/270, celle qui était proposée par F. Benoit pour dater les moulins. Mais il s’agit de l’arrêt de son fonctionnement. Les moulins ont donc fonctionné au IIe siècle et dans la première moitié du IIIe siècle. À l’intérieur de cette fourchette chronologique il faudra préciser la durée réelle de ce fonctionnement. Au IVème siècle, les moulins avaient perdu leur place dans le ravitaillement d’Arles en farine. Si saint Césaire a vu fonctionner des moulins, ceux-ci pouvaient fort bien être installés sur le Rhône ou sur des dérivations du fl euve.

Compléments au plan du bâtiment et à son positionnement dans l’environnement de la vallée des Baux

La fouille de l’angle sud-est du bâtiment a permis de compléter le plan du bâtiment. Le mur qui avait été reconnu à 6,15 m des deux chambres inférieures occupait le fond d’un portique de façade fermant les moulins. Le bâtiment est en effet inscrit dans une enceinte dont les murs latéraux sont conservés dans la partie inférieure. Le mur sud de cette enceinte est situé à 19 m du fond du portique. Il délimitait une sorte d’avant-cour où aboutissaient les deux émissaires évacuant les eaux qui avaient actionné les deux trains de roues. L’émissaire oriental a été fouillé. Long de 20,10 m, son conduit voûté déversait les eaux dans un fossé de 5 m de long qui les évacuait à l’extérieur de l’enceinte. F. Benoit avait suggéré que la fabrique était reliée à la ville d’Arles par une voie navigable. Cette restitution était justifi ée par la présence hypothétique d’un vaste plan d’eau continu dans la vallée des Baux et la plaine d’Arles. Il aurait permis la circulation de radeaux amenant les grains à l’usine et en rapportant la farine. Actuellement les drainages ont totalement modifi é le paysage de la plaine d’Arles ont fait de la Vallée des Baux un polder continental. Mais cette hypothèse « de bon sens » se fondait sur une approche de l’histoire du milieu consistant à le restituer à partir des plus anciens témoignages disponibles. Or au XVIIe siècle, la vallée des Baux était totalement occupée par un étang dont tout laissait penser qu’il était en place depuis la fi n du néolithique. C’est l’hypothèse qui a été retenue par l’auteur de la maquette exposée au Musée de l’Arles antique. En bas des moulins, il a restitué un quai permettant l’abordage d’embarcations adaptées à la navigation lagunaire. Les fouilles n’ont pas permis la découverte de l’installation portuaire attendue. Au contraire, les géomorphologues aixois qui ont restitué dans ses grandes lignes l’histoire naturelle de la dépression ont montré que l’Antiquité correspondait à une période de bas niveau des eaux dans la vallée des Baux. De ce fait, l’hypothèse d’un quai permettant l’abordage doit être abandonnée.

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Fig 2 : Plan du bassin de convergence du Vallon des Arcs

Les points à préciser

Les fouilles n’ont pas porté sur le bâtiment des moulins lui-même dont l’étude architecturale a été réalisée par J.-L. Paillet. Le système d’engrenage n’a pour l’heure fait l’objet d’aucune étude scientifi que. Pour cela, il faut faire appel à la collaboration de spécialistes, hydrauliciens et archéologues des techniques, capables de restituer des mécanismes à partir des traces qu’ils ont laissées sur les architectures et en prenant en compte les contraintes imposées à la mouture par les meules. Cependant la découverte in situ de quatre fragments de catillus (meule courante) et deux fragments de meta (meule dormante) permet de préciser les caractéristiques des meules. Elles sont dans les normes des moulins romains hydrauliques connus. Leur diamètre lui paraît modeste ; leur profi l assez marqué, encore proche de celui des meules de Pompéi, tend à se rapprocher de celui des moulins domestiques. La mobilisation des meules courantes était assurée par deux crampons de fer scellés au plomb dans leur face supérieure. Ce matériel est caractéristique du haut Empire. Aucun fragment de meule dont on peut être assuré qu’il vient du site n’est attribuable à la fi n de l’Antiquité. Les meules de Barbegal sont en basalte. Dans une étude qui avait l’ambition de couvrir l’ensemble de la Méditerranée, O Williams-Thorpe avait suggéré qu’elles venaient des carrières de Volvic près du Puy-en-Velay. L’analyse d’échantillons sur le plan microscopique n’écarte pas cette hypothèse, à la différence de celles d’une provenance des gisements de Baulieu, du Var ou d’Agde. Toutefois les laves de Volvic étant les basaltes les plus ubiquistes qui soient, d’autres provenances sont possibles : les plateaux du Mézenc et le Coiron, mais également une origine italienne qui n’a pas été recherchée. Aucune donnée archéologique ne permet de connaître l’appartenance des moulins. Selon F. Benoit, « impériale plutôt que municipale », la fabrique dépendait des services de l’annone. La date qui est maintenant proposée invite à exclure toute relation avec l’annone militaire. Elle a pu appartenir à la ville d’Arles ou être la propriété collective de plusieurs villae de la région. Mais en fait, le site ne peut pas être compris indépendamment de la villa partiellement reconnue quelques centaines de mètres à l’est. L’hypothèse la plus probable est qu’elle appartenait à son propriétaire.

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Fig 3 : Aqueducs.

La découverte d’inhumations datées de la fi n de l’Antiquité au pied des moulins et, un peu plus loin celle d’un petit cimetière d’époque carolingienne montrent que l’occupation agricole de la vallée des Baux a été plus continue et plus longue qu’on ne le croyait. Le secteur continua à être habité jusqu’au Moyen Âge. Il est possible que les moulins aient cessé de fonctionner au IVe siècle et que des paysans se soient installés dans les bâtiments abandonnés. Cette hypothèse doit être prise en compte dans les recherches auquel le site doit donner lieu dans les années à venir. Au plan patrimonial, la municipalité de Fontvieille assure l’entretien des aqueducs et a lancé un programme de consolidation de ces ouvrages. Mais surtout l’aménagement du site et sa présentation au public constituent l’un des objectifs de la charte du Parc Naturel Régional des Alpilles dans ce domaine.

Philippe Leveau – Article paru dans le Monde des Moulins – N°26 – octobre 2008

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