Le site des Moulins de France
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En Savoie, un site postindustriel est devenu un haut lieu du tourisme alpin

Les Gorges du Sierroz se situent sur la commune de Grésy-sur-Aix, à proximité de la cité thermale d’Aix-les-Bains et du Lac du Bourget, le plus grand lac naturel de France. Sur 800 m, la rivière s’engouffre entre deux parois de 8 à 20 m de hauteur et distantes au maximum de 13 m : un véritable trait de scie dans le calcaire !
Ce site d’abord postindustriel est devenu, au cours du XIXe siècle, un haut lieu touristique jusqu’à sa fermeture en 1980.

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Le canyon. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Les Gorges du Sierroz ont accueilli les visiteurs grâce à un petit bateau qui naviguait au fond du canyon, par un chemin taillé dans la roche et par des passerelles en encorbelle- ment. Depuis 2010, l’Association « Au coeur des Gorges du Sierroz » oeuvre pour sauvegarder et valoriser ce site exceptionnel. 

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Gorges du Sierroz. Au départ des visites. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

En 1813, un terrible accident a lieu dans la Cascade de Grésy
À l’origine de la renommée des Gorges, la noyade de la baronne Adèle de Broc, le 10 juin 1813, sous les yeux de son amie la reine Hortense. Cette dernière fit élever sur les lieux du drame une stèle qui invite les visiteurs à la prudence, avec ce message : « Ici, Madame la baronne de Broc, âgée de 25 ans, a péri sous les yeux de son amie, le 10 juin 1813. Ô vous qui visitez ces lieux, n’avancez qu’avec précaution sur ces abîmes : songez à ceux qui vous aiment ! »

La jeunesse, la bonté d’Adèle, comme son intimité avec Hortense, ont contribué à faire de cette mort un événement romantique. Cet accident marqua longtemps la reine, mais aussi tout le pays, car c’était une mort « nouvelle » que celle de mourir en touriste.

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Gorges du Sierroz. Stèle à la mémoire de Mme la baronne de Broc. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Cette stèle (souvent appelée, à tort, « tombeau ». Si elle est bien décédée à Grésy-sur- Aix, la baronne de Broc est enterrée à Saint-Leu-la-Forêt, selon le souhait d’Hortense de Beauharnais, dans une chapelle de l’église St-Gilles. Sur son tombeau de marbre blanc, la reine a fait inscrire une épitaphe qui raconte le tragique accident arrivé en Savoie. ) allait attirer les visiteurs en nombre, et parmi eux quelques illustres personnages comme Alexandre Dumas, Lamartine, la reine Victoria et bien d’autres encore. Le 29 août 1860, au moment du rattachement de la Savoie à la France, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie viendront se recueillir sur les lieux du drame au cours d’une visite restée fameuse.

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Moulin de Salauz . Vue de l’aval (début XXe siècle). Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Une cascade, des moulins pittoresques, et un site hydraulique original
Avant de devenir un lieu touristique, la Cascade de Grésy, où se rejoignent les rivières de la Deysse et du Sierroz et où débute le canyon, est un lieu où la petite industrie met à profit l’eau des deux rivières pour faire fonctionner différents artifices : moulins à farine, scierie, pressoir à huile…

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Moulin de Salauz. Vue de l’aval (2015). Vestiges d’une des cuves de l’huilerie. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Sur la rive gauche subsiste une bâtisse, tout en hauteur, impressionnante : le moulin Dalby. Il fut l’un des plus modernes du département, mais un incendie mit un terme à son activité dans les années soixante. Au XIXe siècle, le moulin était la  propriété de François Dalby, père de quatre enfants. Après son décès, le fils aîné Étienne devint le maître du moulin. Il le modernisa et le fit surélever d’un étage. À cette époque, ces frères et soeurs, minotiers pittoresques, étaient surnommés « Chapeaux bas », en raison de leur petite taille. Lors d’une visite au moulin, on pouvait entendre le maître des lieux s’exclamer devant la farine tombant des rouages : « Ici, c’est comme au Mont-Blanc, il neige tout le temps ! ».

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Moulin de Salauz : les 2 presses et leurs cuves suspendues audessus du canyon (XXe siècle). Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Les gens du pays, presque tous agriculteurs, venaient au moulin porter leurs récoltes à moudre, mais le meunier pouvait aussi se déplacer au cours d’une tournée. De village en village, accompagné de sa « bourrique », il récupérait le grain des paysans, avant de le rapporter plus tard en farine, laissant encore aujourd’hui des souvenirs chez les « anciens » du bassin aixois…
Face à lui, sur l’autre rive, le pressoir de Salauz se situe dans le sous-sol d’un bâtiment, collé à la rive et sur plusieurs niveaux, qui a été réaménagé à différentes reprises au cours du XIXe siècle afin d’accueillir les visiteurs et de leur offrir un belvédère sur le canyon. Cette huilerie est un vestige de l’époque médiévale : « Le 5 juillet 1367, le seigneur de Grésy alberge le Moulin de Salauz à Pierre d’Orlié, seigneur de Saint-Innocent (…). Celui- ci en passe reconnaissance au seigneur de Grésy, le 21 mai 1376. Il existe ensuite une vente par François Chenuz, en faveur du seigneur de Grésy, d’un chemin de sept pieds de largeur pour aller et revenir de ce moulin (…).
Plus tard, en vertu d’un contrat passé en 1404, l’abbaye d’Hautecombe jouit sur ce moulin d’une assignation, à elle faite par le seigneur de Grésy… »
Encore en activité en 1828, il produisit, cette année-là, 41 hectolitres d’huile de noix et de colza ! Mais peu à peu, l’activité touristique supplante l’activité de production. En 1880, un véritable circuit touristique se met en place, avec notamment la navigation et la création de la Société d’exploitation des Gorges du Sierroz.

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Moulin de Salauz. Niveau inférieur de l’atelier principal de l’huilerie : conche en pierre, équipée de sa meule, du bras d’entraînement et de l’arbre vertical permettant la rotation du sous ensemble assurant le 1er stade de fabrication. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

En 1910, la famille Poncet devient propriétaire des Gorges, mais ce n’est plus une famille de meuniers comme l’était la famille Collomb. L’huilerie restera donc à l’arrêt, mais aussi un passage obligé des visiteurs, à la Belle Époque.

Sur la même rive se trouvait également une scierie à battante qui produisit le bois nécessaire aux installations touristiques et à la construction du belvédère ; elle a fonctionné  jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ces moulins sont pour beaucoup dans le cachet pittoresque de la Cascade de Grésy et des Gorges du Sierroz.

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Vestiges d’une cuve d’huilerie. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

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Le Christophe Collomb dans les Gorges du Sierroz. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Plus tard, la navigation rendra les Gorges du Sierroz célèbres.
Dans les années 1880, les Collomb, la famille de meuniers qui habitait La Cascade de Grésy et faisait visiter la stèle, a une idée géniale : celle de faire naviguer un petit bateau dans le canyon. Le premier bateau (à vapeur !) s’appelle le « Christophe Collomb « , gage de découverte d’un monde caché… Le succès sera énorme et, à la Belle Époque, les Gorges du Sierroz deviennent une excursion de premier choix, offrant toutes les commodités que pouvait attendre le touriste moderne : restaurant,
boutique de souvenirs, salon de thé, moyens de transports divers…

La venue de la reine Victoria, de l’empereur Dom Pedro du Brésil, du roi Georges Ier de Grèce ou encore de l’impératrice Élisabeth d’Autriche, plus connue sous le nom de Sissi, parachèvera la célébrité du site.
En 1910, les Gorges du Sierroz sont d’ailleurs classées parmi les sites et monuments naturels de caractère artistique par décret ministériel.
Il s’agit du premier site classé par l’État en Savoie, 50 ans après le rattachement de la Savoie à la France.
La Belle Époque révolue, à la sortie de la seconde guerre mondiale, un tourisme plus populaire remplace celui des têtes couronnées.

Vers une réhabilitation du site
Une nouvelle réglementation au début des années 1970 conduira à l’arrêt de la navigation. D’autres problèmes de sécurité surgiront et pousseront les derniers propriétaires à vendre le site à la ville d’Aix-les-Bains, en 1978. L’exploitation va s’arrêter en 1980 et ne reprendra pas.

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Gorges du Sierroz. Collection Association Au Coeur des Gorges du Sierroz

Le site est laissé en friche et en 2010, l’Association « Au coeur des Gorges du Sierroz » est créée. Elle fait sortir les Gorges de l’oubli et sensibilise les habitants et les pouvoirs publics à l’intérêt d’une réhabilitation.
En 2015, l’action de l’association aboutit à la décision de la Communauté d’Agglomération du Lac du Bourget (CALB) d’investir près d’un million d’euros pour recréer une balade le long du canyon, d’ici 2018.
Des études sont actuellement en cours pour concevoir un projet d’aménagement intégrant sentier piéton sur les berges, points de vue, et mise en valeur du patrimoine.
L’association apporte son concours à la CALB, aux différents bureaux d’études, ainsi qu’aux services de l’État (DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement – ABF : Architectes des Bâtiments de France), pour faire avancer le projet, grâce à sa très bonne connaissance du site, au fonds documentaire et artistique qu’elle a réuni, et aux liens tissés avec différents acteurs comme la Fédération des Moulins de France et l’Association des Amis des Moulins Savoyards.
Elle est attentive à ce qu’un projet « intelligent » soit monté, à la hauteur du site classé patrimoine national. Et pour cela, l’association veille à ce que l’on prenne bien en compte tous les intérêts : naturel, industriel,
historique et culturel du site, car c’est l’addition de ces aspects qui font des Gorges du Sierroz un site unique exceptionnel !

Sébastien POMINI
Président de l’Association Au coeur des Gorges du Sierroz

Article Paru dans le Monde des Moulins n°56 – Avril 2016

Catégories : HistoireZoom

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