Le moulinage des Mazeaux se situe dans la région de Tence, en Haute-Loire, entre Lignon et Vivarais, à quelques pas de la Haute Ardèche avec qui il possède une histoire et une identité communes.
Le site est chargé de mémoire : jadis « l’auberge des Mazeaux » était le point de rencontre des marchands de peaux tannées en provenance d’Annonay et se rendant à Saint-Etienne.
Dans la maison d’habitation, le vestige d’un four à chapeaux de feutre, démontre qu’au début du XIXème siècle, on y fabriquait des chapeaux haut de forme, fort prisés à l’époque et qui étaient négociés sur Lyon et Paris.
Antoine Grand, cultivateur à Montregard, achète les droits sur la chute d’eau puissante du ruisseau des Mazeaux qui autrefois faisait fonctionner un moulin à farine et une scierie, afi n de faire construire en 1868 son moulinage, qui sera achevé deux ans plus tard en 1870.
Son intention est surtout d’assurer un avenir à son fi ls Jean Marie. L’usine va employer une trentaine de personnes et sera remis, en attendant que celui-ci effectue ses apprentissages, à deux exploitants qui l’auront en gérance.
C’est dans deux moulinages ardéchois que Jean-Marie Grand sera formé. A Rochepaule d’abord, au « moulinage de la Grangeasse », et celui de Clara à Molières sur la commune de Pailharès. Comme prévu, il reprendra le moulinage des Mazeaux en 1894.
Cependant « l’élève » a vite dépassé ses maîtres et il fera du moulinage des Mazeaux, un modèle qui non seulement permettra la restructuration sur son mode d’organisation des moulins ardéchois, mais servira également de référence à tous les autres moulinages de la région. Tence, en Haute-Loire fut ainsi baptisée, le berceau des moulinages.
Photo Rochepaule pour Mémoire
Photo Rochepaule pour Mémoire
Dès lors se construisit une mémoire ouvrière et féminine, des racines industrielles et toute une entité renforçant les liens historiques déjà existants entre les gens du plateau qui se moquaient bien des frontières entre la Haute Loire et l’Ardèche. D’ailleurs, l’ancienne scierie des Mazeaux avait son annexe sur les bords du Doux à Rochepaule, et le moulin à farine des Mazeaux situé à Tence, dépendait du moulin Grand (un homonyme) situé à La Chapelle Sous Rochepaule. Si l’on ajoute à cela les nombreux mariages entre les fi lles du moulinage des Mazeaux et ceux des moulins rochepaulois, on comprend l’interaction et l’histoire commune entre
Tence et Rochepaule.
En 1899, Jean Marie Grand procède à l’agrandissement du moulinage et va lui doner l’aspect tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il construit notamment le second bâtiment perpendiculaire au précédent, et fait installer la roue. Une turbine, modèle de nos jours unique en Europe, est ainsi installée en 1905 pour la production d’électricité, un moteur à gaz l’alimentant à l’époque en période d’étiage c’est-à-dire en eaux basses.
Joseph Grand succède à son père en 1929, il fera prospérer le moulinage et lui confèrera une grande notoriété notamment auprès des fabriques stéphanoises et lyonnaises.
Mais son coup de génie, sera de ne pas céder aux sirènes de « la prime ». Il refusera en effet d’adhérer au G.A.P.I.M (Groupement Auxiliaire Professionnel de l’Industrie du Moulinage) qui donnait des aides fi nancières et fi nançait la modernisation des moulinages, prônant l’installation de nouvelles machines, considérées à l’époque comme plus performantes et assurant une meilleure rentabilité. Antoine Grand a dit non, il estimait que « ses machines » du XIXème siècle restaient supérieures en qualité. Il a su adapter celles-ci et sans le savoir en décidant de conserver le matériel ancien, celui qui est encore aujourd’hui dans le moulinage des Mazeaux, il a légué à nos générations ce formidable patrimoine industriel d’une valeur absolument inestimable et exceptionnel. À sa mort en 1956, c’est son fi ls Antoine qui continuera la tradition familiale et qui restera fi dèle aux fi ls de soie naturels jusqu’aux années 1990.
Description du site
Le site comprend un bâtiment à étage construit vers 1870. Au premier niveau, on trouve des machines de préparation de soie. Au second, le bureau avec les archives et le logement conservé en état. Sous les toits, les lits des ouvrières de cette « usine dortoir ».
Arrivée d’eau pour alimenter le moulinage
Un autre bâtiment abrite des machines et des moulins, une roue hydraulique, une turbine et son générateur (machine servant à produire du courant continu), un moteur à gaz pauvre avec son gazogène et ses épurateurs. Les machines sont maintenues en état de fonctionner en utilisant la force hydraulique depuis la prise d’eau sur le ruisseau des Mazeaux. La particularité de ce moulinage réside dans des installations fonctionnant par la seule force de l’eau. La roue hydraulique permettant le fonctionnement du moulinage mesure 6 mètres de diamètre et 1,10 mètre de large.
Roue de pêche du moulinage
La roue à augets tourne à 4 tours minute. Les engrenages font passer la vitesse à 110 tours minute. La puissance utilisable est de 15 chevaux.
La roue a été construite par l’entreprise MOUSSY à PELUSSIN (LOIRE) en 1899, la plaque porte le n° 48.
Qu’est-ce que le moulinage ?
Cette activité est une des étapes préliminaires au tissage des étoffes de soie, lesquelles sont produites par des entreprises de tissage de grande renommée, notamment de la région lyonnaise. La fabrication de ces tissus haut de gamme est destinée à des secteurs d’activité très différents (haute couture, ameublement et passementerie et aussi restauration des tentures et mobiliers des monuments historiques).
C’est une opération qui consiste à tordre sur lui-même un fi l textile sur un certain nombre de tours par mètre. Elle se fait à l’aide d’une machine appelée « moulin ». Le moulinage n’est qu’une étape concernant le long traitement du fi l de soie. Le moulinage est l’industrie qui prend les fi ls grège à la sortie de la fi lature et les transforme en fi ls ouvrés qui seront propres à remplir les différents
emplois que leur demanderont les industries utilisatrices. L’usine assurant cette opération de torsion est appelée « moulinage ».
Pierre Herz – Article paru dans le Monde des Moulins – N°36 – avril 2011
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