Situé lui aussi sur le cours du Job à Izaut-de-l’Hôtel, plusieurs centaines de mètres en amont du moulin médiéval, le Moulin Raffin reprend vie depuis cet été après de longues années de sommeil, puis de travaux. « Quand je l’ai acheté il y a cinq ans, il était pratiquement en ruines », témoigne son propriétaire, Jacques Lenfant. « J’ai dû tout refaire, la toiture, le plancher des meules, la charpente qui le soutient et une pièce à vivre : quand je suis arrivé, il n’y avait qu’un évier avec de l’eau froide et des bassines sous les trous du toit. Les meules étaient encore là, mais il a fallu tout sortir, elles allaient passer à travers le plancher. Un chantier titanesque qui a également nécessité de restaurer les trappes de levée d’eau, les crémaillères, le système de levage des meules, sans parler des quinze camions de gravats qu’il a fallu déblayer pour dégager le canal d’amenée. Le travail a porté ses fruits : les meules ont de nouveau écrasé du grain le 8 juillet dernier, pour la première fois depuis 1976. Mais il a fallu attendre le mois de septembre avant d’en tirer de la farine… « Le blutoir qui sert à séparer la farine du son ne fonctionnait pas », soupire Jacques Lenfant. « Je suis encore en phase expérimentale… Maintenant, je cherche à trouver un peu de blé bio à moudre et je prévois de refaire le four à pain, qui avait été transformé en kiosque à musique. J’espère faire suffisamment de farine pour refaire du pain et ce jour-là, on fera une grande fête du pain ». Un accomplissement pour ce passionné « tombé dans les moulins » à 25 ans.
« Ce qui me fascine dans les moulins, c’est la mécanique », explique-t-il, « l’ingéniosité de ces gens qui n’avaient pas de savoir, mais qui étaient inventifs. L’idée n’est pas de refaire produire le moulin, mais plutôt de monter un projet pédagogique avec les enfants pour leur faire voir à quoi servait la force hydraulique, comment fonctionnait un moulin, les outils du meunier… J’ai par exemple un diable avec des roues en bois, pour éviter les étincelles. Les meules sont en silex et quand elles tournent, on voit souvent des étincelles. Les moulins ont toujours pris facilement feu ».
Le projet pourrait se concrétiser l’année prochaine, pour la rentrée scolaire, peut-être complété d’un espace où accueillir des expositions. Le bonheur de Jacques Lenfant reste toutefois teinté de regret : « Aujourd’hui j’ai de la farine, je peux mourir. Mais ce qui me désole, c’est que je ne sens pas beaucoup d’engouement chez mes enfants. Le jour où je disparais, pas sûr qu’ils gardent le moulin ».
D’après La Gazette du Comminges n°677 du 2 déc. 2020 / J-O. B / Info Jacques Lenfant
Jacques Lenfant, propriétaire du Moulin Raffin, nous donne quelques détails supplémentaires…
Un rêve devenu réalité : faire revivre un moulin
Vouloir redonner vie à un moulin endormi depuis 1976 a été, pour moi, un beau projet. J’ai trouvé à acheter le Moulin Raffin grâce à l’annonce qu’avait fait paraître la famille du dernier meunier, dans le Monde des Moulins N° 51 de janvier 2015, suite aux recommandations de Michel Sicard. J’ai effectué les
500 km depuis Montélimar pour arriver à Izaut-de-l’Hôtel (Haute-Garonne). Le cadre m’a plu, mais le travail était colossal.
Il a fallu très vite s’attacher à sauver le mécanisme et sauvegarder les meules qui passaient à travers le plancher. J’ai peut-être la qualité, ou le défaut, de ne jamais abandonner ce que j’entreprends. Donc, avec des amis et l’aide d’entreprises, nous avons démoli et agrandi la structure du bâtiment. Pour le moulin proprement dit, il a fallu sortir les quatre meules avec un palan à chaîne et remplacer tout le plancher de la pièce en conservant au mieux les cadres des meules. Ensuite, il a fallu refaire les rouets métalliques, les tôles accompagnant l’eau sur ces rouets, les arbres de transmission, ainsi que les crapaudines en plaçant une bille d’acier entre le bronze et l’axe métallique afin de diminuer la friction et d’éviter des usures prématurées.
J’ai confectionné les vannes et les treuils au nombre de cinq (deux à la levée, un au déversoir, deux pour sélectionner la meule de droite ou celle de gauche). J’ai fait recreuser le canal de rejet (80 m de long), comblé depuis de nombreuses années (15 camions bennes ont été nécessaires).
Il a fallu creuser à la main le canal d’arrivée d’eau passant sous le bâti, tout cela en rampant, refaire les trémies à blé pour la mouture à l’identique. Après bien d’autres travaux, l’essentiel était fait, le moulin était sauvé.
Pour reconstituer le blutoir (le coffre était entièrement détruit), je suis allé chercher le cylindre à Jonzac, suite à une petite annonce faite lors du congrès de la Fédération dans cette ville. De plus, la grange de 150 m² a été entièrement restaurée (charpente, couverture et toiture).
Enfin, le 8 juillet 2020, j’ai fait de la farine pour de bon. Bien sûr il y a encore du travail et des choses à savoir pour être apprenti meunier. J’ai encore beaucoup à apprendre auprès des meuniers de la Fédération.
L’année 2020 n’a pas été facile pour le travail, vu la distance entre mon moulin et mon domicile. J’aurais aimé inaugurer le moulin en 2020, mais ce sera pour 2021.
En attendant, j’ai programmé la reconstruction du four à pain qui, pour le moment, ressemble plus à la Tour de Pise qu’à un four… et de plus, il est surmonté d’un kiosque à musique !
J’ai réalisé un rêve qui trottait dans ma tête depuis 45 ans. Il y a des actes qui ne s’improvisent pas : à 25 ans, j’ai acheté une lithographie du Moulin de Coquelle dans le Nord, moulin pivot en bois, démoli lors d’une tempête. Curieusement, le Moulin Raffin s’est arrêté de fonctionner à cette époque. Et je suis né le 21 Juillet, le jour de la Saint-Victor, patron des meuniers : cela ne s’invente pas !
J-O. Badia et Jacques Lenfant
Cf aussi, le Moulin médiéval d’Izaut de l’Hôtel, dans ce MdM n°77 p 6, et le MdM n°60 p 11
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