Le site des Moulins de France
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Animer un moulin… Pourquoi ? Comment ?

Interview de Martine Tandeau de Marsac, vice-présidente et membre fondateur de l’association du Moulin du Got (Saint-Léonard de Noblat, Haute-Vienne).

A Saint-Léonard-de-Noblat, l’imposant moulin à papier du Got situé sur le Tard à sa confl uence avec la Vienne, sort aujourd’hui de son sommeil. Nouvellement restauré, il est un des rares sites qui présente toutes les étapes de la fabrication d’un livre : du papier à l’imprimerie. Construit avant la fi n du XVème siècle, en activité en 1522 au moins, le moulin du Got a fabriqué du papier jusqu’en 1954, date de sa fermeture. Il est l’exemple type d’une papeterie qui a su, à travers les siècles, adapter sa production et ses outils de fabrication. Propriété de la commune de Saint-Léonard-de- Noblat depuis 1998, ouvert au public depuis 2003, sous la responsabilité de l’association «Le Moulin du Got», ce moulin présente jusqu’à aujourd’hui la mémoire de cinq cents ans d’activité papetière en Limousin. Il abrite également un atelier d’imprimerie traditionnelle où la composition froide ou chaude se fait en plomb et l’impression sur des presses typographiques et lithographiques.

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Moulin du Got – Photo A.Eyquem

Le projet d’animation du site est-il apparu dès le début de la restauration du moulin ou simplement dans une deuxième phase ?
MTM : Toute restauration, surtout lorsque les pouvoirs publics sont impliqués fi nancièrement, doit comporter, en amont, le but, le pourquoi de la réhabilitation. La question doit être posée avant même de commencer les travaux. Toute restauration de moulin doit poser la question du « pour quoi faire ? ». On peut bien sûr développer un simple projet de résidence secondaire mais c’est évidemment un autre choix… Les collectivités locales qui fi nancent vont être attentives au caractère public du projet, à son intérêt pour la collectivité, à son intérêt patrimonial dans le cadre du développement économique et touristique de la région.

En terme d’animation, avez-vous pu constater des évolutions, des écarts entre le projet initial et ce qu’il en est maintenant ?
MTM : Tout d’abord l’abandon de la muséographie qui était une vision statique du site et demandait de gros investissements pour réaliser un ensemble de qualité. Abandon aussi de la formule des visites : visites guidées ou visites libres. Très rapidement, nous avons abandonné les visites libres qui, dans notre esprit, devaient permettre aux visiteurs de déambuler et aux papetiers de travailler. Mais l’expérience a vite montré que les visiteurs posaient des questions aux acteurs qui bien sûr répondaient, interrompaient leur activité et fi nissaient par…guider ! Spatialement aussi le monde présent lors des visites libres posait des problèmes de circulation. Nous avons donc privilégié la visite guidée payante et ouvert un lieu d’exposition dans le moulin dont l’accès est gratuit. Du point de vue fonctionnel nous avons donc deux types de billets : visite guidée
et visite expos. Les ateliers ont aussi beaucoup évolué. La commune, avec l’aide du Conseil Général et de la Région, a construit un bâtiment dédié aux animations pédagogiques. Cela nous a permis de développer cette activité. 

L’association envisage-t-elle des orientations nouvelles ?
MTM : Nous avons l’intention de nous pencher sur l’aspect Développement Durable afi n de faire des économies d’énergie et redonner ainsi au moulin une partie de sa fonctionnalité d’origine puisqu’ il fonctionnait grâce à la force motrice produite par l’énergie hydraulique. Il a même produit de l’électricité dans le passé grâce à une turbine . Les machines sont aujourd’hui mues par un moteur électrique. Il conviendrait donc d’optimiser à nouveau le potentiel énergétique du ruisseau pour faire fonctionner le moulin. Les visiteurs, d’ailleurs, nous posent souvent la question de l’utilisation de l’hydraulique et nous ne pouvons que signaler la roue verticale du moulin…qui tourne à vide. Nous avons envisagé de faire fonctionner les meuletons en les reliant par une courroie. La commission de sécurité a refusé. Un tel projet nécessite une réfl exion en termes de fi nancement, de sécurité et de fonctionnement.

Revenons à l’organisation des ateliers pédagogiques qui semblent monter en puissance dans le fonctionnement du site.
MTM : En effet ce type d’ateliers prend de plus en plus d’importance. Dans un premier temps, ils étaient destinés aux scolaires (écoles, collèges, lycées). Nous organisons maintenant aussi des ateliers pour les adultes, durant les vacances scolaires ou l’été, sur des thématiques variées. C’est une évolution incontestable et durable. L’expérience de week-end où se tiennent des stages d’ateliers d’écriture avec un écrivain
dessine une nouvelle orientation autour de la thématique du livre et de l’écrit. Le papier fabriqué au moulin prend sens dans le cadre de ce type d’atelier comme support privilégié. Nous avions hier et pour la première fois au moulin, une soirée « CoqueliContes » qui se tient d’habitude en d’autres lieux. Les cinquante personnes réunies dans le séchoir prévu à cet effet, autour  de l’écrivain, ont trouvé là, sous la charpente, un lieu intimiste chargé d’histoire, un peu magique et propice à la création. Ce type d’activité permet à des personnes venant parfois de loin pour un atelier culturel de découvrir aussi le moulin. Nous touchons ainsi un nouveau public qui ne vient pas forcément pour visiter mais qui souvent envisage de revenir en famille ou entre amis pour découvrir le moulin et son histoire.

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Moulin du Got, papier spécifique – Photo A.Eyquem

N’êtes-vous pas en train de défi nir ce qui pourrait s’apparenter à une sorte de centre culturel ?
MTM : Effectivement la dimension culturelle s’impose de plus en plus dans l’animation du site.

Etes-vous en contact avec d’autres structures locales, départementales voire régionales qui permettraient au moulin de s’intégrer à des réseaux ?
MTM : Nous avons en effet plusieurs réseaux de références. L’approche autour du livre se fait par l’intermédiaire des correspondants régionaux du « Centre National du Livre » qui nous sollicitent car le site est très apprécié. Nous sommes aussi intégrés au réseau « Pays d’Art et d’Histoire » à l’échelle du Pays comme certaines villes sont « Villes d’Art et d’Histoire ». Des journées visites sont organisées sur différents sites dont
le moulin. Le Conseil Général inclut le moulin dans le programme touristique du département. Il est donc très important et indispensable d’être présents dans ces différents réseaux et profi ter ainsi de touristes, visiteurs, désireux de découvrir et de se cultiver.

Votre point de vue correspond tout à fait à ce que l’on voit se développer en divers lieux et à l’idée que nous essayons de promouvoir en conseillant d’intégrer les moulins dans la politique culturelle touristique développée par les collectivités territoriales. La Fédération des Moulins De France se veut très offensive dans ce domaine.
MTM : Il est intéressant pour le public que le site soit inséré dans un circuit culturel. Nous avons la chance d’être à proximité de Peyrat-le-Château (Maison des Moulins) et de Saint-Léonard-de- Noblat. Je rêve de pouvoir amener nos visiteurs à trois kilomètres du moulin de Got où se trouve un moulin à farine encore en l’état mais qui n’appartient pas à la commune. J’espère qu’une opportunité se présentera avant qu’il ne se retrouve en ruines. Ce pourrait être le futur maillon d’une chaîne cohérente d’un circuit touristique.

Combien y a-t-il de personnes qui travaillent actuellement au moulin du Got ?
MTM : Il y a actuellement huit salariés dont deux à mi-temps et il faut compter autant de bénévoles.

Ce sont des salariés de l’association ?
MTM : Oui car c’est l’association qui est gestionnaire. Toute l’administration interne est réalisée par l’association. La commune nous héberge pour un loyer très, très modique qui ne correspond pas au montant des loyers en vigueur. Sans cette aide nous ne pourrions pas fonctionner Nous assurons donc le fonctionnement du lieu : accueil, visites, ateliers, animations,… L’entretien nous incombe, la commune de Saint Léonard se rend bien compte maintenant de l’importance du site du moulin du Got.

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Moulin du Got – Photo A.Eyquem

De fait il revêt maintenant une importance économique avec les emplois locaux et l’apport potentiel des visiteurs dans le domaine de l’hébergement, restauration, commerces.
MTM : Nous avons eu quatorze mille visiteurs l’an dernier ce qui représente un chiffre relativement important pour le tourisme local. Il y a peu, au Pont-de-Noblat, il y avait des moulins rachetés par un particulier qui s’est lancé dans leur réhabilitation. Deux avaient ainsi leur roue. Ils étaient ouverts au public pour la restauration et la vente de souvenirs. Nous avions inventé , « les Dimanches aux Moulins » : le moulin du
Got ouvrait deux dimanches par mois et lorsque les gens venaient déjeuner aux moulins de Pontde- Noblat, ils avaient accès au moulin du Got, le prix de la visite était inclus dans le prix du repas. Cette connexion était aussi intéressante. Le propriétaire étant décédé nous sommes actuellement en contact avec de nouveaux partenaires.

Il est peut-être plus facile pour des biens publics et des sites importants comme le vôtre de s’associer avec d’autres structures et se mettre en réseau que pour un simple propriétaire de moulin isolé et sans moyen.
MTM : Bien sûr, mais c’est peut-être le rôle des associations de moulins de mettre en réseau les particuliers et les structures plus importantes.

Vous défi nissez là l’un des axes prioritaires actuellement à la FDMF. Ce rôle fédérateur peut réunir les compétences et conseils lors de l’achat, de la restauration, de la réhabilitation du moulin mais aussi par la suite pour son animation et son intégration à des réseaux de développement touristique et culturel. De nombreuses collaborations fructueuses voient le jour actuellement.
MTM : Une association départementale ou régionale des moulins pourrait nous aider en ce sens et je verrais bien une Assemblée Générale au Moulin du Got. Je pense que pour une association il est parfois diffi cile d’agir car il faut savoir qu’elle est l’optique du propriétaire de moulin : en faire une résidence, ce qui est légitime, ou jouer le jeu du patrimoine et l’ouvrir  sous certaines conditions au public. Pour nous association locale il faut tout de même toujours se battre pour défendre l’aspect culturel du projet. Le danger pour une association à l’origine de la réhabilitation d’un moulin est de devenir une sympathique amicale de membres fondateurs. Il s’agit de gérer le site et c’est un autre projet qui demande à nouveau énergie, idées, investissements humain et fi nancier. Au moulin du Got, il a fallu se lancer dans la gestion et devenir en quelque sorte professionnels. Le fait d’avoir des salariés a décuplé nos actions. Une fois la collaboration bénévoles – salariés mise au point, il faut savoir qu’en deux ans les salariés comme Marie Claire ont accompli un travail énorme en matière de promotion. L’exposition sur les robes de mariées réalisées en papier par de jeunes créatrices d’un lycée de Limoges, nous a valu deux émissions de télévision qui ont eu un impact très fort et nous profi tons encore de leur retentissement. Il est clair que l’on a personne en visite si l’on ne va pas chercher les gens. Il faut prendre du temps pour aller les chercher. « On n’a rien sans rien » se vérifi e chaque jour.

Lorsqu’on gère un tel site se posent donc des problèmes d’orientations, de décisions parfois diffi ciles à prendre au sein de l’association gestionnaire .
MTM : Bien sûr. Lorsque nous étions ensemble à la rencontre européenne de Courtrai en Belgique avec EFaith sur le patrimoine industriel, nous avons bien senti l’importance de la dimension culturelle et économique des projets qui nous ont été présentés, et la diversité des approches culturelles des différents sites patrimoniaux. C’est vrai que l’intérêt que je portais à cette démarche n’était pas forcément comprise par tous les membres de notre bureau. Par contre nos animatrices et en particulier Marie-Claire ont bien compris la richesse de la diversité des initiatives, de la multiplicité des contacts. Elle était hier soir encore à onze heures ravi de la richesse de la soirée avec le groupe et l’artiste. 

Nous voilà au terme de notre entretien et nous vous remercions d’avoir expliqué pour nos lecteurs les actions que mène l’association Moulin du Got et développé les idées qu’elles sous-tendent. La Fédération des Moulins de France tient à vous féliciter et tenait à vous dire combien nous partageons largement votre point de vue.

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Moulin du Got, robe de mariée – Photo A.Eyquem

Marie-Claire, animatrice culturelle au moulin du Got, a bien voulu répondre à nos questions.

La FDMF travaille tout particulièrement à ce que les associations qu’elle fédère, soient mises en lumière et que leurs témoignages soient autant d’idées à confronter, à propager. Il convient de donner ainsi une plus grande notoriété à toutes ces initiatives. Nous nous devons de rendre hommage à tous ces acteurs du patrimoine trop souvent ignorés et qui travaillent dans l’ombre.
Le moulin est un lieu touristique où tous les publics sont reçus. Le papier et l’imprimerie rassemblent tout le monde car le papier fait partie de notre vie comme l’imprimerie et le livre. Nous recevons donc un public nombreux et divers. Mais c’est plus qu’un lieu touristique, c’est un lieu de production, de conservation et de transmission de savoir-faire, d’activités pédagogiques et artistiques. On y accueille des artistes qui viennent
exposer, qui viennent travailler autour du papier, du livre. Pour un écrivain se retrouver dans ce lieu où se fabrique le papier, support essentiel de  ’écriture où l’histoire du papier côtoie celle de l’imprimerie ne manque pas d’intérêt. Ce weekend nous organisons avec le Centre Régional du Livre en Limousin, la bibliothèque et l’association Princesse Camion les premières rencontres régionales autour des ateliers d’écriture. Ces deux jours ont permis de rassembler des auteurs, des animateurs et des « écrivants » d’ateliers d’écriture. Le lieu est adapté et créé une atmosphère particulière qui convient au sujet. 

Faire de ce lieu un lieu d’animation toute l’année, c’est beaucoup de travail. Il faut mettre en place des ateliers pour les enfants, pour les adultes, rechercher des intervenants, élaborer un programme d’animations et d’expositions. Les visiteurs peuvent devenir à leur tour acteurs. Ils viennent fabriquer leur papier, écrire de courts textes qu’ils impriment. Ils font de la marbrure, de l’enluminure, de la calligraphie. Il y a donc un programme important dans le domaine culturel en plus de la partie plus touristique que sont les visites du moulin en tant qu’objet patrimonial et de la partie production papier et imprimerie. Nous nous insérons aussi aux  manifestations liées aux moulins en recevant des associations de moulins avec qui nous avons le souhait de communiquer d’avantage pour faire connaître notre site au-delà du Limousin. 

Nous serions ravis que vous puissiez relayer nos initiatives et communiquer notre programme d’animation à vos lecteurs.

Je voulais aussi vous proposer une rapide visite. Le moulin du Got a produit du papier de chiffon durant plus de trois siècles, papier chiffon fabriqué main à la cuve. Il était destiné principalement aux imprimeurs parisiens. Il est intéressant d’imaginer le cheminement d’une feuille de papier depuis Saint-Léonard-de-Noblat, le temps de fabrication et de séchage qui prenait plusieurs jours quand le papier séchait bien jusqu’à l’expédition à Paris en charrette. Au XIXe siècle, le moulin du Got suit les mutations économiques et abandonne le chiffon pour la paille. Nous avons encore les machines comme vous pouvez le voir qui sont arrivées vers 1860 et n’ont jamais quitté le moulin, Le site est resté au stade préindustriel ! Ce fut une très grande chance pour nous car la plupart du temps lorsqu’ un moulin fermait le matériel était vendu. Certes avant la restauration, il était en piteux état mais l’on a pu produire  nouveau. C’est vrai qu’au départ ce fut un projet plus qu’ambitieux ! Les porteurs du projet, les bénévoles de l’association étaient avec le recul un peu inconscients des problèmes à affronter et de l’ampleur du travail. Ce moulin a donc fabriqué du papier paille destiné aux boucheries. Les meules écrasaient la paille, la pile hollandaise raffi nait la pâte et la machine forme ronde fabriquait en continu les feuilles de papier. Après la Deuxième Guerre Mondiale, le matériel restera pour produire un carton destiné à la confection de jouets (têtes de poupées, chevaux de manège …). Avec l’arrivée du plastique le moulin sera contraint de fermer défi nitivement jusqu’à sa réouverture par l’association et la mairie en 2003. 

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Moulin du Got, pile hollandaise – Photo A.Eyquem

Aujourd’hui les meules servent à la production de papiers spécifi ques. Nous avons travaillé par exemple avec des viticulteurs pour produire du papier-rafl e, transformé ensuite à l’imprimerie en étiquettes pour leurs bouteilles. Ce sont des expériences de ce type que l’on peut réaliser ici. Nous avons la chance de pouvoir prendre le temps de créer, d’inventer. C’est un plaisir de faire de belles choses en prenant le temps, en petite quantité, à la demande. Vous avez là du papier recyclé. C’est un nouveau projet que l’on nous a proposé . Nous incorporons des graines dans le papier que vous pouvez ensuite mettre en terre. Vous arrosez et les graines vont germer et vous aurez ainsi des fl eurs à partir de bandes de papier ! A ce moment du projet nous ne savons pas du tout ce que cela va donner. Notre fabrication principale c’est avant tout un papier pour l’aquarelle, la gravure, la calligraphie et l’imprimerie à partir de chanvre, lin et coton.

Vous utilisez donc une pile hollandaise ?
Cet outil arrive à la fi n du XVIIème siècle aux Pays-Bas et va permettre aux Néerlandais de faire un papier beaucoup plus rapidement. En effet, avant elle, on utilisait les piles à maillets en bois. Trois semaines
de pourrissoir durant lesquels les chiffons restaient dans l’eau, étaient nécessaires avant de triturer les chiffons dans les piles à maillets pendant une trentaine d’heures. Lorsque cette machine arrive, c’est une véritable révolution technique, les néerlandais produiront leur pâte en six heures à partir de chiffons sans les faire pourrir au préalable. Il s’agit d’une cuve munie d’un cylindre avec des lames qui va raffi ner la
pâte. Cette machine n’est arrivée qu’en 1865 au moulin du Got pour faire du papier paille. La pâte épaisse dans la pile hollandaise est ensuite diluée dans une très grande quantité d’eau pour que les fi bres soient séparées et indépendantes avant d’être envoyées dans la machine à papier. La machine à papier « forme ronde » date de 1872. C’est sans doute la plus ancienne machine à papier qui produit encore aujourd’hui. La pâte est puisée par la forme ronde (un tamis cousu sur un cylindre). La feuille de papier va ensuite se coller et être transportée par le feutre. Les papetiers ont la possibilité de sortir des feuilles très fi nes en continu, de laisser se superposer plusieurs feuilles sur le cylindre en bout de machine ou de le froisser quand il est humide pour faire du papier smocks. Trois techniques pour des utilisations très diverses. Le papier fi n en continu a servi à la création de robes de mariées en papier réalisées par des étudiantes modélistes de Limoges. Le carton à l’enrouleuse constitué d’une dizaine de couches est utilisé pour la fabrication de masques, pour l’aquarelle, pour la lithographie et le gaufrage d’art. Quand au papier smocks il sert surtout à la confection d’abat-jour en partenariat avec des artisans créateurs de luminaires. En dehors de la machine, nous travaillons la fabrication de papier à forme, c’est-à-dire à la main en utilisant les « formes » plates. C’est l’outil du papetier qui nous a donné le mot « format » toujours employé pour qualifi er les dimensions de feuilles de papier. On plonge la forme dans la cuve pour récupérer les fi bres, on laisse égoutter puis on va coucher la feuille sur un feutre, presser et mettre à sécher.

Avez-vous retrouvé le filigrane du moulin ?
Oui, nous avons retrouvé le fi ligrane du XVIIIème siècle dans des ouvrages de cette époque « veuve I Tandeau ». Techniquement le fi ligrane est constitué d’une marque cousue sur la forme plate. Un édit royal obligea chaque moulin à avoir un fi ligrane tout simplement pour faire payer un impôt sur leur production. Il correspondait à une date de production, au format du papier (pour le format « raisin », c’était une grappe
de raisin) et le nom du propriétaire.

L’atelier imprimerie tient-il aussi une place dans votre système de production ?
Bien sûr c’est un des éléments essentiels avec la papeterie. C’est l’ensemble papeterie – imprimerie typographique qui fait de ce moulin, un lieu unique. Nous utilisons et nous présentons au public, un atelier tel qu’on pouvait en trouver dans les années 50. Ce qui nous permet de transformer sur place le papier du moulin. Nous réalisons des travaux de ville tels que des fairepart, menus ou cartes pour des particuliers mais aussi des livres pour des éditeurs ou auteurs. Dans cette imprimerie nous travaillons avec des caractères mobiles, composant lettre après lettre, mais aussi avec une linotype, une machine qui fabrique des lignes entières. Les impressions sont ensuite réalisées sur différentes presses dont la plus ancienne date de la fi n du XVIIIème siècle. Une presse lithographique et une presse taille-douce complètent l’atelier. Nous pouvons ainsi recevoir des artistes. Nous travaillons actuellement avec un auteur qui réalise de A à Z son ouvrage. Avec l’aide des imprimeurs c’est elle qui imprime feuille à feuille son livre. Il s’agit bien entendu d’un tirage limité.
Elle est ravie bien sûr car nous lui offrons la possibilité d’enfanter son ouvrage. 

La gestion économique du site vous paraîtelle viable ?
Comme vous le savez la commune n’a investi dans le bâtiment, grâce bien sûr à des aides des collectivités territoriales et européennes, qu’à la condition que le fonctionnement soit autofi – nancé. L’association a donc cette responsabilité. Pour pérenniser les emplois, il nous faut progresser dans tous les domaines : nombre de visiteurs, productions, animations et stages, adhésions, mécènes. Six emplois et deux mi-temps c’est déjà beaucoup sans compter les nombreux bénévoles qui participent pleinement à la gestion et à l’activité mais le travail et les idées ne manquent pas ! J’ai confi ance car nous progressons chaque année, le public est émerveillé et revient avec des amis, de la famille. Les enfants accueillis dans le cadre scolaire sont prescripteurs ensuite et nous amènent leurs parents. Notre plus grande qualité je crois, c’est la passion qui nous anime tous, bénévoles et salariés et ce plaisir de la partager avec nos visiteurs. Nous démontrons que créer des emplois dans le domaine culturel en milieu rural c’est possible.

Entretiens avec Alain Eyquem – Article paru dans le Monde des Moulins – N°30 – octobre 2009

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