J’apporte mon point de vue de géologue pour présenter ici une analyse critique de la « continuité sédimentaire » telle qu’elle nous est imposée à partir de préconisations de l’ONEMA, alors qu’elles se fondent sur une vision scientifique contestable.
Je constate que le volet de la loi sur la continuité écologique relatif au transport des sédiments est construit autour d’un principe, au nom d’une « théorie » géomorphologique qui consiste à mettre tout en œuvre pour que dominent les sédiments grossiers dans la phase en transit.
Pourquoi donc ? Parce que la fraction grossière de fond participe à la constitution des frayères… Les sédiments fins sont bannis. Dans cette « théorie », les sédiments fins n’intéressent personne (si ce n’est pour fustiger leur impact négatif sur la vie aquatique) et ne sont pas pris en compte, en dépit de leurs multiples autres rôles plutôt ou très bénéfiques.
Les conséquences de cette « théorie » vont très loin, jusqu’à une inconscience gravissime : les auteurs et défenseurs de cette théorie nient l’intérêt du programme de RTM*1 et pire, recommandent la destruction des obstacles, freins à l’érosion, pour permettre la fourniture de matériaux grossiers à l’aval. Pour les mêmes raisons, ils déplorent la déprise agricole qui conduit à la reforestation.
Autrement dit, ils voudraient substituer un régime généralisé de rhexistasie au régime de biostasie là où il est présent.
En régime de biostasie, les éléments fins dominent. Les processus d’altération, facilités par l’existence d’un sol et de la végétation, sont actifs et transforment les roches du substrat en les ameublissant et en libérant par attaque chimique des éléments qui se retrouvent en solution dans les eaux de percolation, puis dans les nappes aquifères qui alimentent les sources. Les eaux des rivières sont donc riches en ions qui vont être selon les circonstances à l’origine de précipitations chimiques (ex : concrétionnements calcaires). Arrivées à la mer, ces eaux permettront la formation de roches sédimentaires d’origine chimique ou biochimique.
Quant aux fractions détritiques, elles correspondent aux argiles, aux silts, aux limons, aux sables, parfois aux graviers et très rarement aux galets. La forêt et les sols jouent le rôle de filtre et empêchent les fractions les plus grossières d’atteindre la rivière. Les crues, peu intenses, véhiculent au plus des graviers, voire des galets, mais les fractions plus fines ne sont pas très abondantes (bien que dominantes) car le couvert végétal protège les sols de l’érosion.
En régime de rhexistasie, la forêt et le couvert végétal en général, sont détruits, soit par une réactivation de l’érosion par augmentation des pentes en lien avec des mouvements tectoniques, soit par une modification climatique (ou les deux). Le sol est mis à nu et rapidement emporté par les eaux courantes. L’érosion s’attaque alors aux roches du substrat par désagrégation mécanique qui peut libérer des éléments de grande taille. Vont donc se retrouver à la rivière des fractions surtout grossières, mais aussi fines, par attaque des sols ou des roches meubles de certains substrats (argiles par ex.). Les crues souvent violentes véhiculent des tonnages considérables d’éléments de toute granulométrie.
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Les effets bénéfiques de la biostasie
Souvenons-nous que les haies de bocage favorisaient la biostasie ; leur destruction par le remembrement a abouti à une rhexistasie dont on s’aperçoit seulement maintenant de l’importance des dégâts qu’elle a causés et de leur irréversibilité à l’échelle de plusieurs générations humaines. Mais à l’époque, la plupart des scientifiques présentaient le remembrement comme la panacée…
C’est pourtant la rhexistasie que les inventeurs de la « théorie géomorphologique » veulent réinstaurer, et ils sont en voie d’y parvenir par le biais de la loi dont ils sont les têtes pensantes. Les leçons du passé, support de l’expérience, ont bien peu de poids face à de purs théoriciens !
La raison ? Parce qu’ils estiment que cela sera bénéfique car propice à l’augmentation des surfaces de frayères qu’ils comptabilisent (la politique du chiffre ?). Mais bénéfique au profit d’un intérêt catégoriel, celui des pêcheurs, et contre l’intérêt général menacé par les ravages pour la société de la rhexistasie.
Ils oublient une chose : c’est que la biostasie a un avantage : elle joue aussi sur la variable de contrôle qu’est le débit liquide. En ralentissant les écoulements, en favorisant les écoulements diffus et en diminuant, voire annulant, le ruissellement concentré sur les versants, la quantité d’eau qui arrive à la rivière est étalée dans le temps (effet de freinage par la végétation, puis de restitution lente par les sols qui ont pu se reconstituer). Le débit instantané est donc bien moindre ; les pointes de crue sont lissées. Pour une pente de lit donnée, la puissance de la rivière est moindre, donc ses capacités destructrices. On n’insistera jamais assez sur le rôle de la végétation, en particulier du couvert forestier, sur la réduction du débit maximal de crue. Ainsi, la comparaison de deux bassins versants bretons, aux caractéristiques semblables, sauf le maillage bocager, l’un boisé à 87%, l’autre à 33%, montre un débit de pointe de crue au débouché des bassins 10 fois moindre pour le bassin boisé !
Or, pour rétablir le transport de la charge grossière dans un tronçon décrété en déséquilibre hydromorphologique, les scientifiques de l’ONEMA proposent (exigent ?) de limiter voire supprimer (brèches, arasement ou dérasement de seuils) les obstacles car, ne pouvant jouer sur le débit liquide qui actuellement leur est imposé (variable de contrôle) mais qu’ils voudraient augmenter (politique générale d’augmentation des flux), ils en sont réduits à s’attaquer à ces obstacles qui, selon eux, entravent ou interdisent le transit. Pourtant, il est possible d’avoir prise sur le débit solide et sur ses fluctuations (crues) en agissant sur le long terme, à condition d’engager une politique diamétralement opposée à celle qui est en marche : favoriser et généraliser la biostasie, ce que ne font pas suffisamment les orientations de la trame verte, et presque pas celles de la trame bleue. Pour y parvenir, il faudrait laisser la Nature reconquérir en montagne les espaces abandonnés par la déprise agricole (tout en permettant à l’Homme de s’y maintenir, ce qui n’est pas inconciliable), multiplier les obstacles sur les rivières dans un objectif de gestion des crues qui n’est pas celui qui a été à tort choisi, réinstaller des paysages bocagers et bannir les méthodes culturales actuelles nuisibles à l’environnement et génératrices d’érosion (donc de perte) des sols.
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Qu’est-ce que le « transport suffisant » ?
Au sujet du vocabulaire utilisé dans les textes, je soulignerai que la notion de transport suffisant des sédiments qu’il convient d’assurer, selon les termes de la loi, (la Nature en serait-elle seule incapable ? Quelle prétention anthropocentrique !) est d’une imprécision qui ouvre la porte à tous les excès d’interprétation, et qu’elle ne repose sur aucune étude scientifique digne de ce nom. Vraisemblablement, le Législateur, et c’est ce qu’il faut retenir, a fait preuve de prudence en ajoutant le qualificatif « suffisant », flou à dessein, dans l’attente d’études à venir qui valideraient éventuellement la nécessité d’un tel transit (tel que le conçoit l’ONEMA) en tant qu’élément indispensable à l’atteinte du Bon État Écologique. Comme, pour le moment, la preuve n’en est pas apportée (et je doute qu’elle le soit un jour), l’Administration n’est par conséquent pas en position d’exiger à ce titre2 la destruction plus ou moins totale d’une chaussée. Pourtant, elle ne se prive pas de faire pression sur son propriétaire.
Enfin, il faut réaffirmer qu’une chaussée de moulin établie de longue date n’interdit pas un transport sédimentaire normal, qui s’effectue essentiellement en crue, et que par ailleurs l’ouverture règlementaire des vannes le facilite. Elle répond tout à fait aux recommandations de la DCE* : permettre « le bon déroulement du transport naturel des sédiments », moins restrictives que l’exigence d’un « transport suffisant » selon le droit français, et encore moins de celle de « libre transit sédimentaire » selon l’ONEMA.
Il en va tout autrement des grands barrages…
L’aveu par l’ONEMA, que les chaussées anciennes dont le remous est comblé par les sédiments n’empêchent pas le transit, n’occupe qu’une seule ligne sur la publication citée en référence : « une relative « transparence » de l’ouvrage peut être atteinte au bout de quelques années ou décennies »… suivie aussitôt après par la description des mesures souhaitées d’arasement ou de dérasement des seuils qui, doit-on comprendre, ne devraient s’appliquer qu’aux ouvrages récents qui constituent provisoirement des pièges à sédiments. D’où la conclusion qu’aucun nouvel ouvrage ne peut être construit puisqu’il ne permettrait pas aussitôt la continuité sédimentaire. Ce qui est en contradiction avec certaines déclarations rassurantes de l’Administration rappelant que la loi L214-17 CE n’interdit pas3 tout nouvel ouvrage sur les cours d’eau de la 1ère liste… à condition qu’il ne fasse pas obstacle à la continuité écologique. Mais comme l’article R214-109 CE indique que le bon déroulement du transport naturel des sédiments est une composante de la continuité écologique, l’Administration aura tendance à suivre la position maximaliste de l’ONEMA qui considère de plus que la seule manœuvre des vannes pour le dégravement peut ne pas être suffisante ! Idem pour les cours d’eau de la 2ème liste : la loi cite cette fois explicitement l’obligation de satisfaire à la continuité sédimentaire.
Ainsi, en supposant qu’un ouvrage neuf ait été autorisé, il devrait être détruit dans la foulée selon l’optique de l’ONEMA, car il piègera les sédiments dans son remous et entravera leur transit normal tel qu’il s’effectuait auparavant ! Rappelons aussi que dans l’optique de l’ONEMA, la notion de transport normal des sédiments, qui concerne par définition l’ensemble de la charge solide, est abusivement interprétée comme s’appliquant à la charge grossière, ce qui est très différent.
Que dire alors des grands barrages ? Le législateur les a exclus du champ d’application de ces lois censées défendre l’écologie, en raison de leur enjeu économique. Nos moulins seraient-ils sans avenir économique ? C’est ce qui a été clairement écrit au sujet de leur potentiel hydroélectrique jugé insuffisant ! Pourtant, on m’a appris que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières, et que chacun devait contribuer à sa mesure, tel le colibri de Pierre Rabhi.
Où est la cohérence dans le discours écologique quand il est bafoué dans les faits ?
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La problématique de l’incision du lit mineur
C’est l’autre point noir stigmatisé par les chercheurs de l’ONEMA.
En régime de biostasie, l’altération prévaut ; en régime de rhexistasie, c’est l’érosion (mécanique). Par conséquent, dans le premier cas, le profil d’équilibre des rivières évolue peu, le lit étant peu attaqué. Dans le deuxième cas, le profil s’abaisse plus rapidement car le mécanisme de l’érosion favorise l’incision.
L’incision fréquemment constatée dans nos rivières est le fait de la période de rhexistasie contemporaine de la déforestation qui a commencé au Moyen Âge et s’est considérablement accentuée avec l’exploitation du bois pour les forges, jusqu’au XIXe. Sauf cas locaux (extraction excessive de granulats en lit mineur, maintenant interdite), elle n’est plus actuelle, et lier les phénomènes d’incision considérés comme préjudiciables (c’est le plus souvent vrai) à un déficit actuel de charge grossière qui ne transiterait pas correctement, est à mon avis une erreur. Elle ne justifie pas les actions préconisées que la Loi entend mettre en œuvre.
Actuellement, nous sommes dans une période intermédiaire pas encore franchement biostasique malgré la reforestation en cours de nos montagnes : l’érosion des sols nus cultivés s’apparente à la poursuite d’un régime rhexistasique. Mais cette fois, la cause est essentiellement anthropique : c’est l’Homme qui détruit sciemment le couvert végétal pour la mise en (grande) culture, et le laisse à nu entre les rangs à grand renfort d’herbicides. L’érosion entraîne alors beaucoup de particules fines, tandis que les fractions grossières alluviales sont en majeure partie héritées. Dans pareil cas, favoriser le transit de cette charge grossière est encore une erreur. Car ce qui transite de l’amont vers l’aval est perdu à l’amont. À terme, il y aura un déficit chronique de charge grossière aux amonts, non remplacée. Pour le moment, cela ne se voit pas trop, car ce qui est perdu à l’amont est remplacé par ce qui existe encore, plus à l’amont de cet amont. En outre, l’érosion toujours active (nous sommes encore en rhexistasie dominante) permet la recharge latérale à partir des stocks considérables d’alluvions grossières des lits majeurs mises en place par les eaux de fonte des glaciers du Quaternaire. Il n’y a donc pas aujourd’hui d’incision généralisée malgré cette rhexistasie car le débit solide résultant de la remobilisation de ces alluvions anciennes ne permet pas aux rivières, compte tenu des débits liquides actuels, de libérer une puissance nette suffisante pour éroder significativement leur lit mineur sous forme d’incisions. Mais jusqu’à quand ? À moins que la biostasie ne reprenne le dessus grâce à une agriculture vertueuse (on en est loin), la poursuite des incisions anciennes et la création de nouvelles incisions nous guettent.
Voilà pourquoi il est souhaitable de freiner l’inexorable migration vers l’aval de la charge solide de fond existante en maintenant les ouvrages « bloquants » (qui ne le sont pas tous vraiment, hormis les grands barrages), car ils laissent passer la part de charge solide juste nécessaire pour éviter les incisions à l’aval, tout en conservant un stock encore appréciable.
Créer de nouveaux ouvrages, ce que certains cherchent à interdire en vertu de cette continuité écologique « élargie », serait au contraire intéressant pour accroître le ralentissement de ce transit (outre l’intérêt hydroélectrique).
C’est l’inverse qu’exige la Loi, même si prudemment il est question de transport suffisant ou de bon déroulement du transit, ce qui est très vague. Tout est question d’interprétation. Malheureusement, celle qui est suggérée aux préfets et aux agents territoriaux qui la relaient, est celle de l’ONEMA, scientifiquement contestable. Elle aboutit à des recommandations, apparemment de bon sens dans un certain contexte, mais pour certaines, totalement inadaptées et même dangereuses, pour peu que l’on appréhende différemment les problématiques. C’est une autre vision que je défends, fondée sur une approche géologique que l’ONEMA semble bien avoir négligée.
Il suffit de peu pour basculer d’un régime générateur d’incision à un régime non générateur ou encore restaurateur (réparation par comblement). L’occurrence du phénomène d’incision est sous la dépendance d’une combinatoire multifactorielle complexe qui varie au cours des temps, selon les conditions climatiques, les matériaux disponibles, les modes culturaux, les choix d’aménagement du territoire. Les hypothèses simplificatrices, la mise à l’écart délibérée de certains facteurs, ne peuvent raisonnablement conduire dans un contexte si sensible, si labile, si difficilement paramétrable, à une modélisation fiable des phénomènes.
Dans ces conditions, on peut se demander ce que valent les recommandations de l’ONEMA relatives à la prévention des risques d’incision dans les tronçons à seuils, qualifiés d’hydromorphologiquement perturbés, et où certains (ou la totalité) des seuils seraient en partie (ou en totalité) responsables de dysfonctionnements supposés actuels.
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Des erreurs monumentales qui engagent l’avenir
Penser remédier au phénomène d’incision en favorisant, là où il se produit, un alluvionnement, par la restauration du transport de la charge grossière selon les modalités préconisées – restauration de la production primaire, traitement des obstacles, mobilisation du stock alluvial de lit majeur – est une aberration lorsqu’on considère la dimension géologique du problème. En effet, les solutions retenues ont toutes pour conséquence ou pour implication l’augmentation de puissance du cours d’eau : soit à débit constant par augmentation de la pente (suppression des seuils et des ouvrages de RTM), soit par une augmentation du débit (suppression du filtrage par la végétation, qui résulte directement de la restauration de la production primaire selon les moyens souhaités). Le sapement des berges, qui est un processus selon eux à privilégier, peut s’obtenir par augmentation de la pente et/ou par augmentation du débit :
l’augmentation de puissance est compensée par une modification de variables de contrôle comme l’élargissement du lit ou la sinuosité de la rivière, l’érosion de la berge elle-même conduisant à l’accroissement du débit solide, autre variable de contrôle.
Or, les remèdes aux prétendues sources d’altération du transport solide que l’ONEMA « pense pertinent de proposer » (selon ses propres termes) et qui ont tous été intégralement repris dans les textes, tant au niveau législatif que règlementaire, ce qui serait effectivement légitime s’il s’agissait de certitudes au lieu d’intimes convictions, vont se traduire par la mise en place de conditions rhexistasiques. Lorsqu’on raisonne globalement, ces conditions vont entraîner une érosion d’ensemble qui, à terme, va condamner les alluvionnements locaux que les mesures prises, généralement à grands frais, et souvent contraignantes voire incompatibles avec d’autres usages à fort enjeu économique, avaient permis de provoquer.
Les mécanismes invoqués par l’ONEMA ne valent que pour le court terme. Ils témoignent d’une méconnaissance des phénomènes fondamentaux à l’échelle de l’ensemble d’un réseau hydrographique et à une échelle de temps au moins égale à une génération humaine. Quand on modifie l’équilibre biostasique, on joue aux apprentis sorciers. Ses variations, souvent brutales, ont des conséquences géologiques considérables qui amènent à des bouleversements que les géologues connaissent bien sur la sédimentologie (variation des faciès, taux d’accumulation des sédiments), la chimie des eaux, les variations microclimatiques, les modifications faunistiques et floristiques ainsi que de la répartition des populations, etc.
Ainsi, les transformations se feront sentir non seulement au niveau du transit alluvial et de la morphologie fluviale, mais aussi sur la biodiversité et la nature des peuplements, dans un sens qui ne sera pas celui initialement espéré.
Attention, des millions d’années ne sont pas nécessaires. La révolution désastreuse du remembrement est un exemple d’atteinte à l’équilibre biostasique qui n’a demandé qu’à peine un demi-siècle. Comme dans le cas de la continuité écologique, on a légiféré pour imposer un modèle, une « théorie ». Mais on s’est trompé…
Évidemment, les notions de biostasie et de rhexistasie que les scientifiques de l’ONEMA doivent certainement connaître sont absentes de leur « théorie géomorphologique ». On ne saurait s’en étonner, car elles sous-tendent l’abandon de leur politique d’ensemble de gestion des bassins versants et à l’échelon local, de suppression de certains « obstacles » (nos chaussées), et de création d’espaces dits de « mobilité ».
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Justice pour les moulins !
Enfin, une réflexion à méditer. En France, la peine de mort a été abolie, et on ne décapite plus sur la foi de l’intime conviction. Nous en sommes fiers et voulons servir d’exemple. C’est pourtant cette même intime conviction qui conduit à assassiner légalement un petit moulin en dérasant sa chaussée, surtout si, circonstances aggravantes, il est sans usage ou en ruine. Aurait-on osé condamner plus facilement à la peine capitale un chômeur ou un grand malade sous le prétexte que son état l’aurait rendu sans utilité pour la Société ?
C’est pourtant ce même argument que l’on met en avant quand il s’agit d’un moulin, sans lui laisser la possibilité de se relever de sa ruine et de retrouver une fonction. Quel gâchis !
Et de rappeler que l’intime conviction n’a jamais empêché l’erreur judiciaire.
Nous ne demandons pas pitié pour les moulins… Simplement justice, et reconnaissance pour les bienfaits qu’ils ont rendus, rendent encore, et rendront toujours à la Société si elle comprend la nécessité de les conserver, les réhabiliter, et d’en construire de nouveaux.
biostasie, rhexistasie : notions introduites par le géologue H. Erhart.
*RTM : Restauration des Terrains en Montagne
*DCE : Directive Cadre sur l’Eau (européenne)
1 Pourtant la Direction de l’eau et de la biodiversité, dans un document de travail de 2010 sur la circulaire relative à l’application des classements de cours d’eau, admet que « la conformité à l’obligation d’assurer le transport suffisant des sédiments dans le cas de ces ouvrages [RTM] ne peut pas être du même ordre que dans le cas des autres ouvrages. Leur objectif de retenue de sédiments doit être pris en compte …». Mais il est précisé «…dès lors qu’il n’est pas remis en question par…l’évolution du contexte du bassin versant ». Doit-on comprendre que l’évolution actuelle vers la reforestation amènerait à ne plus le prendre en compte ? Par ailleurs, comme « il sera difficile d’imposer une transparence sédimentaire à ces ouvrages tant qu’ils répondent toujours effectivement à cet objectif… [une mesure envisageable consistera en] …un transfert de sédiments pour les ouvrages RTM qui [ont pour objectif] d’éviter un transfert brutal et incontrôlé de la charge solide sur des enjeux humains vers l’aval » On voit que leur rôle bénéfique est reconnu, mais plutôt que les conserver, ce qui est contraire au dogme, on va imaginer une solution (le transfert de sédiments) qui est totalement irréaliste et irréalisable en raison de son coût exorbitant.
2 De plus le MEEDDM (Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer) considère un peu vite dans sa circulaire du 25/2/2010 que dans l’esprit des textes juridiques, « le transport suffisant des sédiments concerne les sédiments grossiers, suivant en cela la position de l’ONEMA
3 Pourtant, la DEB, dans ce même document de travail de 2010, déclare non recevable l’argument selon lequel un nouvel ouvrage pourrait être construit sous prétexte que par ses aménagements il ne constituerait plus un « obstacle à la continuité écologique ». L’interdiction est bien totale… Qui croire ?
Les termes spécialisés sont explicités dans la brochure éditée par l’ONEMA : « Eléments de connaissance pour la question du transport solide en rivière » qui sert de référence à la Direction de l’Environnement, et dont le présent article commente les points sujets à discussion.
Consultable sur www.onema.fr , rubrique publications, ou sur htpp://www.documentation.eaufrance.fr/ « les documents techniques sur l’eau ».
Marc Meurisse, Conseiller FDMF
Paru dans le Monde des Moulins 65 de juillet 2018
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