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Lorsqu’on veut respecter la loi et agir dans les règles, on est souvent dérouté par le fonctionnement de ce qui devrait être simple… ainsi :

J’ai acquis en 2010 le Moulin de Saint-Médard, situé dans le bourg de Saint-Médard (17500), sur le ruisseau le « Pharaon ».

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Le Moulin de Saint-Médard. Photo Lionel Barré

Toutes les maçonneries au contact de l’eau étaient en état critique. Les pierres des bases des murs, les bajoyers des coursiers, les saignées des pelles, ainsi que les radiers, attaqués par les eaux depuis des décennies, étaient rongés, laissaient passer l’eau par leurs joints, rendant très difficile le contrôle des débits et mettant le bâtiment en péril, en raison des éboulements prévisibles lors des prochaines crues.

Devant engager des travaux de rénovation que je pensais réaliser à l’été 2013, et souhaitant respecter les règlements, je contacte la DDTM 5 à 6 mois auparavant, en mars 2013, demandant quelles procédures devaient être engagées pour obtenir l’autorisation de réaliser ces travaux.

Monsieur P., agent de la DDTM, vient visiter les lieux le 5 avril 2013, accompagné d’un agent de l’ONEMA, afin de se rendre compte de la situation et de ce qui allait être entrepris.

Je leur explique que je souhaite reprendre toutes les maçonneries au contact de l’eau, à l’identique, pour restaurer le moulin que je veux refaire tourner. Pour cela, je devrai, pour la durée des travaux, détourner le cours de la rivière par un fossé que je creuserai tel qu’il était décrit dans le règlement d’eau de 1875. Ce règlement n’avait jamais été appliqué par les propriétaires successifs du moulin. Il s’agissait de créer un fossé de 60 m de long permettant de rejoindre le bras historique du Pharaon, bras qui traverse la route allant de Saint-Médard à Fontaines d’Ozillac, à 150 m du moulin, par une buse de 1000 mm de diamètre.

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Le Moulin de Saint-Médard vu du côté amont. Photo Lionel Barré

Monsieur P. m’indique que, puisque je reproduis les éléments à l’identique, une simple déclaration de travaux expliquant clairement les opérations à entreprendre sera suffisante. Je pense donc alors que je ferai mes travaux en 2013…

Une semaine plus tard, Monsieur P. m’appelle, m’indiquant qu’une simple déclaration de travaux ne suffit pas, et que son responsable hiérarchique veut que je présente une demande d’autorisation de travaux accompagnée d’une étude d’incidence.

Après interrogation de plusieurs bureaux d’études, je confie le 30 avril à la société SEGI, possédant une agence à Jonzac, le soin de cette étude. Coût 2800 €.

La SEGI fait diligence pour réaliser son étude et la soumet pour avis à M. P. le 6 juin 2013, afin de gagner du temps et pouvoir fournir rapidement les renseignements qui se révèleraient insuffisants ou manquants.

M. P., questionné un mois plus tard, répond n’avoir pas le temps de consulter l’étude avant les vacances. Relancé au début du mois d’octobre, il indique n’avoir aucune objection à émettre.

Le dossier complet de demande d’autorisation est donc envoyé à la DDTM le 14 octobre 2013, en quatre exemplaires.

Le 23 octobre, la DDTM demande ma date de naissance.

Quelques jours plus tard, M. P. demande à revisiter les lieux. Le 27 novembre 2013, il revient avec un nouvel agent de l’ONEMA afin de se remémorer ce qu’il avait vu huit mois auparavant et qui est rigoureusement décrit dans l’étude de la SEGI.

Au cours de la visite, l’agent de l’ONEMA précise les caractéristiques à respecter dans la réalisation du canal central d’écoulement de l’eau (pente longitudinale, pente transversale, chute maximum et granulométrie, afin de permettre la reptation des anguilles et lamproies lors de leur remontée). Il confirme également la nécessité d’installer une grille en amont de la roue pour éviter l’engagement des poissons dans le coursier droit lors de leur descente de la rivière. Il en fournit les caractéristiques.

Est alors évoquée la possibilité de maintenir, après la fin des travaux, le fossé de dérivation créé pour la circonstance. Le maintien de ce canal de dérivation équipé d’une vanne et du déversoir, tels que décrits précisément dans le règlement d’eau du moulin de 1875, permettrait ainsi d’être enfin en conformité avec ce règlement. Cette possibilité de décharge apporterait en outre une diminution sensible du risque d’inondation du moulin, dont les capacités d’évacuation des crues, sans ce dispositif, étaient dangereusement limitées. Ce risque avait été parfaitement évalué et intégré dans le règlement d’eau qui définit les seuils et sections des composants.

Devant l’intérêt de cette solution, je décide de maintenir le canal de dérivation après la fin des travaux.

Le 20 décembre 2013, je reçois une nouvelle demande de renseignements que je fournis le jour même.

N’ayant plus de nouvelles, je relance par courrier M. P., le 28 février 2014, lui rappelant l’urgence des travaux que j’avais, au départ, souhaités en 2013, mais qui, retardés en raison des délais administratifs, doivent cependant être impérativement réalisés l’été prochain (2014), profitant de la période d’étiage, et terminés avant le retour des débits normaux, ceux-ci commençant très souvent par une crue qui peut se produire dès le début d’octobre.

Monsieur P. me rappelle quelques jours plus tard pour me dire qu’il faut produire le dossier de demande d’autorisation en huit exemplaires au lieu des quatre initialement nécessaires, et qu’il va falloir réaliser une enquête publique. « Rassurez-vous, me dit-il, l’enquêteur ne sera pas à votre charge. Vous aurez juste à supporter la publication de l’enquête. Ensuite, votre demande sera transmise avec le rapport d’enquête publique au CODERST (Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Scientifiques et Technologiques) pour avis. Celui-ci se réunit le dernier jeudi de chaque mois.

Comme je lui rappelle que j’ai besoin d’avoir l’autorisation de travaux avant l’été pour les démarrer dès que les débits seront suffisamment réduits, il m’assure : « Je ne vous l’écrirai pas, mais vous aurez votre autorisation avant la fin de juillet.»

Le 20 mai 2014, à la demande de la DDTM, le Préfet de Charente-Maritime nomme l’enquêteur et définit les dates de l’enquête publique : du 12 juin au 17 juillet 2014, laissant moins d’une semaine à l’administré pour contacter les journaux et négocier les parutions des avis d’enquête.
Les honoraires de l’enquêteur sont à ma charge. Le supérieur de Monsieur P. que j’appelle me le confirme. « Il n’a jamais été question que quelqu’un d’autre que le demandeur supporte les frais d’enquête… »

Fort heureusement, l’enquêteur, qui n’a vu personne lors de ses permanences et n’a reçu aucune remarque de quiconque, très impliqué et conscient de l’urgence des démarches, rend son rapport dans la semaine suivant la clôture de l’enquête.

Coûts de l’enquête publique : Publication de l’enquête : 1260 € heureusement ramenés à 870 € grâce à une erreur de devis d’un des journaux + Honoraires de l’enquêteur : 875 €).

Monsieur P. m’appelle dans la dernière semaine d’août pour m’informer que mon projet sera examiné par le CODERST dans sa séance du 4 septembre 2014 à la Préfecture de La Rochelle.

Le 4 septembre, après avoir plaidé ma cause devant le CODERST, j’obtiens enfin l’autorisation de procéder aux travaux dans mon moulin pour sa remise en état initial, après 17 mois de démarches administratives, d’informations erronées et 4550 € de frais, qui auraient même dû être 4950 €, si le journal avait bien rédigé son devis.

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Les avant-becs du Moulin de Saint Médard. Photo Lionel Barré

Les entreprises de maçonnerie et de taille de pierres ne pouvant fournir et organiser leurs travaux en un claquement de doigts, bien qu’elles soient beaucoup plus rapides et disponibles que l’administration, j’ai dû, pour que les travaux se fassent effectivement en 2014, prendre le risque d’anticiper, en commandant les entreprises et en démarrant les travaux avant d’obtenir un accord définitif. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais dû attendre de nouveau un an et une partie du mur du moulin, qui s’est affaissée lors des travaux, aurait été arrachée par les crues de l’hiver 2014-2015. Ne pouvant intervenir à ce moment-là, tout le mur concerné serait parti dans les flots, ouvrant une brèche de 3 m de large sur deux étages.

J’avais également contacté la Fédération de Pêche, et des membres très sympathiques de l’association de pêcheurs locale, appréciant la démarche, sont venus faire une pêche de sauvegarde dans le bief aval qui allait être privé d’eau pendant les travaux.

Peut-on réellement reprocher à ceux que le fonctionnement des administrations dissuade de les approcher, de réaliser des travaux, mineurs ou non, sans demander d’autorisation ?

 

Sigles rencontrés dans les textes juridiques
AFB : Agence Française de la Bioviversité 
CCVSA : Communauté de Communes de Vendée Sèvre Autise 
CoDERST : Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques
DDT(M) : Direction Départementale des Territoires (et de la Mer) 
ERP : Etablissement Recevant du Public 
GAL : Groupe d’Acteurs Locaux / Groupe d’Action Locale 
GAL de l’Est Audois : GAL pour un programme européen LEADER (FEADER) sur 5 intercommunalités
IGN : Institut Géographique National 
NGF : Nivellement Général de la France / Réseau de repères altimétriques dont l’IGN a la charge 
ONEMA : Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, remplacé par l’AFB (Agence Française de la Biodiversité) 
SEGI : Bureau d’Etudes spécialisé dans le domaine de l’eau

Lionel Barré
Propriétaire du Moulin de Saint-Médard (17500)

Paru dans Le Monde des Moulins N°64 – avril 2018

Catégories : Législation

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