Le site des Moulins de France
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Chaque année, parfois de façon répétitive, les inondations font la une de l’actualité. Le réchauffement de la planète est souvent mis en cause. En 2003, année caniculaire, il a été avancé que la température de la Mer Méditerranée s’est élevée de quelques dixièmes de degré de plus que d’habitude. L’air venant du sud s’est réchauffé et humidifié à son contact et a rencontré des masses d’air venant de Sibérie. Il en est résulté des pluies importantes qui ont noyé le sud de la France. Les prévisionnistes nous promettent des catastrophes de plus en plus fréquentes pour les prochaines années. Lors des inondations, les journalistes interrogent les personnes qu’ils ont sous la main, sinistré lambda ou ministre. On peut entendre tout et
son contraire quand elles se prononcent sur les remèdes à retenir. Certes, des situations variées entraînent des avis différents. A défaut de pouvoir les traiter toutes, essayons de donner quelques lignes directrices.

Les crues

Tout d’abord, définissons les crues. Pour un meunier, il existe deux types de crues : les moyennes et les exceptionnelles. En ouvrant ses vannes, le meunier fait en sorte que la rivière ne déborde pas à l’amont lors des crues moyennes. Par contre, lors des exceptionnelles, l’ouverture des vannes n’empêche pas les inondations de se produire.
Comment limiter l’importance des crues ? En ralentissant la descente de l’eau. Avant d’arriver dans la ville, l’eau tombe d’abord sur le sol puis coule vers la rivière. Pour retarder l’arrivée de l’eau à la rivière, les experts sont à peu près d’accord entre eux :
• L’eau doit s’infiltrer dans une terre absorbante et gagner lentement les nappes phréatiques,
• La suppression des talus réalisée lors du remembrement a été une erreur. Rappelons que les talus sont constitués d’une levée de terre et d’un fossé et qu’il ne faut pas les confondre avec les haies qui ne freinent que le vent. Il faut donc en refaire.
• Le financement par l’Etat du drainage des zones humides doit être stoppé, Les sillons parallèles à la ligne de plus grande pente et toutes pratiques qui augmentent la vitesse de descente doivent être évités.
• Les forêts et les friches doivent être conservées voir développées.

Pour les villes elles-mêmes, Bernard Chocat écrit : “Ce n’est pas l’imperméabilisation des sols mais l’accélération des écoulements qui est d’abord responsable des inondations en ville”. Cette accélération est liée aux réseaux d’eau pluviale, au bétonnage des rus et rivières qui, tout en réduisant considérablement le lit mineur, provoquent localement des sur-débits. Enfin, quand l’importance des crues est particulièrement redoutée, on stocke une partie de l’eau. Ainsi, dans quelques bassins versants, on réduit les crues en remplissant des barrages EDF, s’ils ne sont pas déjà pleins, et des barrages réservoirs. C’est le cas des barrages situés sur la Marne, l’Aube, la Seine et l’Yonne qui protègent Paris. On relargue l’eau en période d’étiage.

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Moulin de Pen an Coat (Côtes d’Armor) – photo d’Odile Gau

Comment réduire les inondations ?

Tout d’abord, un rappel. Une rivière envahit son lit majeur quand son débit instantané ne peut s’écouler dans son lit mineur. Quand la rivière déborde, que peut-on faire pour réduire les risques d’inondation ?
Une réponse souvent entendue est de recommander le nettoyage des rivières ? Pas si simple !
Sachant que plus la rivière est propre, plus l’eau descend vite, ce qui est contraire au but recherché de ralentir la descente, il n’y a pas de réponse toute faite.
Deux critères principaux sont à prendre en compte : largeur et zone à protéger.
En premier, la largeur. Les inondations provoquées par un fleuve important comme la Seine ne paraissent pas dépendre de l’entretien de la végétation des berges. Ce ne sont pas les arbres arrachés qui bouchent les ponts de Paris. Quant à la Loire, il est difficile de lui préparer un bon lit tant les atterrissements sont importants. Pour une rivière de 5 à 10 mètres de  large, c’est la zone à protéger qui doit guider la prévention. Les citadins seront d’accord pour dire que les villes doivent être protégées prioritairement par rapport aux zones agricoles. Il faudra donc que l’aval de la rivière soit très entretenu afin que l’eau ne puisse s’accumuler dans la ville. L’amont pourra simplement être purgé des arbres et autres embâcles risquant de venir obstruer les arches des ponts. Pour les petites rivières et rus, qui ne font pas courir de risque aux populations campagnardes, on aura intérêt à laisser la nature en état afin que l’eau mette le maximum de temps à descendre dans les zones à risques. Bernard Chocat, professeur en hydrologie urbaine à l’INSA cite un principe plein de bon sens : “On ne peut lutter contre les inondations sans inonder”. En application de ce principe, certains bassins versants sont équipés debarrages écrêteurs. Ils sont installés dans le talweg et disposent d’un déversoir en V qui permet d’inonder progressivement une partie du lit majeur et de stocker ainsi une quantité importante d’eau.

Monsieur Nedelec écrit dans la revue du CEMAGREF : “Ce type d’aménagement participe au ralentissement dynamique. Ralentissement parce que les débits sont écrêtés, et dynamique parce que ces zones tampons ne servent qu’au-delà d’un certain niveau de débit. Ces aménagements sont bénéfiques à deux titres :
• Ils favorisent la recharge des nappes,
• Ils n’induisent pas d’effet pervers à l’aval”.
Cependant, quand le barrage est plein, sa vidange rejoint en totalité la rivière et les problèmes de l’aval réapparaissent. Quand il tombe 150 à 200 mm d’eau en 5 heures sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, les volumes à stocker sont tels qu’aucun système ne permet de se garantir des inondations.

Quand toutes les mesures de réduction des crues se sont montrées insuffisantes, que peuvent faire les collectivités des villes de plaine pour limiter les inondations ?
Elles peuvent augmenter les dimensions de l’exutoire aval. On drague ainsi certains fleuves, travail qui bénéficie également à la circulation des bateaux. Il a ses limites car la quantité de sédiments à déplacer est considérable.
Ajoutons que la pression foncière a souvent suscité l’autorisation de constructions dans le lit majeur rendant difficile l’élargissement du lit mineur.
Une autre technique consiste à construire des digues de hauteur supérieure à la crue centennale, crue parfois remise en cause par les précipitations actuelles. Il n’est pas impossible non plus que des travaux de canalisation réalisés à l’amont et réduisant les zones d’expansion augmentent l’importance des crues. Cependant, les responsables des villes inondées se contentent parfois d’être satisfaits si leurs services d’alerte et ceux de l’Etat ont averti à temps leurs administrés de la nécessité d’évacuer leurs maisons et si la Sécurité Civile a bien ravitaillé les réfractaires au déménagement. Ils passent prudemment sous silence les autorisations de construire que leurs prédécesseurs ont signées dans des zones inondables et rejettent la responsabilité des inondations sur le remembrement agricole, sur les surfaces étanches qui ne retiennent pas l’eau, etc.

Rôle positif des seuils des moulins ?

Quand l’eau passe par-dessus leur déversoir, les meuniers vont ouvrir les vannes de sécurité pour maintenir leur niveau réglementaire. Si la crue est exceptionnelle, les seuils (chaussées) sont submergés et ont les mêmes effets que les barrages écrêteurs. L’eau s’écoule alors facilement dans le talweg, lit d’origine de la rivière, à la condition que des promoteurs immobiliers et les élus, avec la bénédiction des urbanistes, n’aient pas profité de quelques années sèches pour y construire des logements, ce qui est arrivé trop fréquemment. A noter cependant des différences sensibles entre les seuils et les barrages écrêteurs. Ces derniers ne retiennent pas d’eau en été alors que les seuils conservent en toutes saisons de l’eau à l’usage des pompiers, des agriculteurs pour leurs animaux et naturellement des poissons. Ils rechargent aussi les nappes phréatiques. On s’aperçoit alors que les seuils rentrent parfaitement dans le cadre de la Circulaire du 24 janvier 1994, adressée aux fonctionnaires, relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables qui précise : “Le second principe qui doit guider votre action est la volonté de contrôler strictement l’extension de l’urbanisation dans les zones d’expansion des crues, c’est à dire les secteurs non urbanisés ou peu urbanisés et peu aménagés où la crue peut stocker un volume d’eau important. Elles jouent en effet un rôle déterminant en réduisant momentanément le débit à l’aval, mais en allongeant la durée d’écoulement.
La crue peut ainsi dissiper son énergie au prix de risques limités pour les vies humaines et les biens. Ces zones d’expansion jouent également le plus souvent un rôle important dans la structuration du paysage et l’équilibre des écosystèmes”.
Même si les seuils des moulins n’ont pas, en majorité, des zones d’expansion très importantes, leur nombre leur donne une efficacité globale non négligeable. Ajoutons qu’ils limitent l’érosion des berges.

En conclusion, signalons que certains agents de l’Etat prennent argument de l’article L 432-6 du Code de l’environnement pour obliger les propriétaires à détruire le seuil de leur moulin pour satisfaire les demandes des associations de pêcheurs. Il ne faudrait pas, cependant, que la suppression des seuils contribue à rendre les prochaines inondations plus conséquentes en y ajoutant le phénomène d’érosion régressive.

Article paru dans le Monde des Moulins – N°8 – avril 2004

Catégories : Législation

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