Le Fram dans les années 1915
Au cours des XVIIème – XIXème siècles, le sciage du bois aux Pays-Bas se faisait presque exclusivement au moyen de l’énergie éolienne plutôt que par la force de l’eau. Ceci est clairement refl été par le nombre de moulins. Le pays n’a connu que 7 scieries hydrauliques, dont l’une existe encore à Denekamp, province d’Overijssel. Quant aux scieries actionnées par le vent, il y en a eu au moins 1050 dont 26 ont survécu, heureusement pour la plupart en état de fonctionnement.
On peut se demander pourquoi la Hollande a connu tant de moulins à scier du bois. Le pays manque de bois de dimension suffi sante et ne dispose pas de forêt importante. Pourtant, la demande de bois a été énorme durant les derniers siècles pour la construction de maisons, de bateaux et de moulins à vent. Le bois a donc dû être importé. Une partie de ce bois provenait d’Allemagne, fl ottant sur le Rhin vers la Hollande, tandis que d’autres venaient de Scandinavie et des Pays Baltes.
Le premier moulin à vent – scierie en Hollande a probablement été construit en 1595 à Alkmaar, lorsque Cornelis van Uitgeest a breveté son idée de construire l’arbre-moteur comme un vilebrequin, transférant ainsi
la puissance de rotation des ailes du moulin en un mouvement alternatif du châssis. En outre, il avait découvert le moyen de passer le tronc (ou grume) automatiquement vers le châssis pendant le processus de sciage. Il était désormais possible de mécaniser le processus de sciage à l’aide de l’énergie éolienne. Bien qu’ Amsterdam fut le centre économique de l’époque, les moulins – scieries à vent ne pouvaient pas y être établis en raison de la forte opposition de la corporation des scieurs à main. Mais dans la zone rurale avoisinante du Zaan, des scieries éoliennes se construisaient rapidement. En 1630, il y avait déjà 53 scieries en activité, et un siècle plus tard, il n’y en avait pas moins de 162 dans cette seule zone ! Pendant longtemps , la zone du Zaan était de loin le plus important centre de sciage de Hollande. Après 1627, lorsque la corporation des scieurs à main d’Amsterdam a renoncé à leur opposition, Amsterdam est également devenue un important centre de scieries à vent, mais n’a jamais pu rivaliser avec le secteur du Zaan. Vers 1700, Amsterdam comptait un peu
plus de 80 moulins à scier du bois. Contrairement à la baisse qui s’est produite dans la région du Zaan après 1740, un siècle plus tard, le nombre de scieries à Amsterdam était encore à peu près le même. Mais avec l’introduction de la vapeur, à partir de 1850, une baisse était devenue inévitable ici aussi. En 1900, la plupart des scieries avaient disparu de la capitale.
Le Fram (1926)
En général il y avait trois types de moulins à vent pour scier le bois. Le plus répandu était le moulin-tour en bois avec revêtement en chaume ou parfois en planches (de forme octogonale ou, plus souvent, hexagonale),
généralement en haut d’un atelier de sciage et équipé d’une galerie. Ce type de moulin a été aussi utilisé pour de nombreuses autres fonctions industrielles. Un type particulier de moulin à vent en Hollande, exclusivement utilisé pour scier le bois, est le moulin « paltrok », développé entre 1600 et 1630. Il y a eu quelque 400 moulins de ce type, dont il ne reste que 5 exemplaires. Enfi n, une minorité des moulins-scieries étaient des petits moulins, normalement du type à pivot creux, montés sur un atelier, et utilisés pour des sciages légers (lattes, etc.). Dans le secteur du Zaan et d’Amsterdam, certains des moulins étaient d’une construction plus forte qui leur permettait de scier le bois le plus lourd.
Outre les concentrations dans le secteur du Zaan et d’Amsterdam, de nombreuses villes et même des villages avaient leurs propres scieries. Habituellement, les moulins-scieries dans les villes avaient été exclusivement utilisés pour ce travail, tandis que ceux dans les villages combinaient souvent le sciage du bois avec d’autres fonctions, en particulier avec la mouture du blé et le décorticage de l’orge. La plupart de ces moulins-scieries ont été fondés après 1700, beaucoup d’entre eux, même après 1830, lorsque la liberté d’entreprise a été introduite. Ces moulins ont été généralement maintenus en activité jusqu’à peu après 1900.
Un bel exemple de moulin à scier de village est le Fram à Woltersum. Le Fram est le seul moulin à vent de sciage de bois en état de fonctionnement dans la province de Groningue, dans le nord des Pays-Bas. En 1900, 30 moulins-scieries fonctionnaient encore dans cette province. Le Fram est un exemple typique d’une scierie de village, alliant le sciage du bois à la mouture du blé (une paire de pierres bleues, ø 1,40 m) et de décorticage de l’orge (à l’origine deux pierres de ø 1,60 m, maintenant déplacées). Un seul autre moulin à vent existe encore aux Pays-Bas qui combine exactement ces trois fonctions : le moulin De Zwaluw (« L’Hirondelle ») à Birdaard dans la province de Frise. Le moulin de Woltersum a été construit en 1867 sur l’ordre de W. Evenhuis par les charpentiers de moulins J. Ritsema et J. Dreise. Ils ont construit un moulin tour en bois octogonal avec galerie montée sur un atelier de sciage, et d’une volée de 19,4 m. M. Evenhuis était un grand admirateur de l’explorateur norvégien Nansen et a nommé son moulin « Fram » d’après le navire de Nansen. Fram signifi e Vers l’Avant. Comme de coutume en Hollande, ce nom et l’année de construction sont peints sur une planche d’ornement placée directement sous l’arbre-moteur.
Evenhuis était un homme d’affaires intelligent et bientôt il eut une entreprise fl orissante sur la rive du petit fl euve Aa de Woltersumer. L’eau était couverte de troncs de bois, attachés ensemble en radeaux. Ces radeaux étaient amenés au village par un remorqueur et de là simplement poussés vers le moulin avec une perche.
En 1900, après avoir travaillé au moulin utilisant exclusivement de l’énergie éolienne pendant 33 ans, Evenhuis a installé un moteur à vapeur à côté du moulin qui a été utilisé pendant les périodes de calme. Ensuite, en 1922, il a mis un moteur électrique. L’un des châssis en bois a été remplacé par un châssis rapide. L’un des chariots de bois sur lequel les arbres ont été pris à travers le châssis, a été remplacé par des rails de fer avec des roues de fer. Mais quand les scieurs avaient à faire un travail de sciage de précision, ils préféraient toujours utiliser le chariot en bois d’origine.
L’énergie éolienne a servi pour la dernière fois en 1931; le moulin s’est progressivement détérioré. En 1946, les ailes ont été retirées. L’entreprise a fi nalement fermé ses portes en 1955. Quatre ans plus tard, la municipalité de Ten Boer, dont Woltersum fait partie, a acheté le moulin et l’a sauvé ainsi de la démolition. En 1961, une restauration a été effectuée, qui a coûté 20.000 fl orins (9.000 €). Le Fram a reçu des ailes et un arbre-moteur en fer (le précédent étant en bois) et l’extérieur, en particulier, a été rénové. Le 15 novembre de la même année, le moulin fut offi ciellement ouvert par M. Nanninga, président des marchands de bois de la province de Groningue.
Le Fram, profi l longitudinal
Peu après, le 5 décembre 1961, un coup de vent de force 11 se mit à souffl er. Les ailes commencèrent à tourner à l’envers et s’emballèrent. Heureusement, quelques hommes forts réussirent à mettre les ailes hors du vent et à mettre le frein. Cet acte courageux a sans doute sauvé le moulin, sinon il aurait pris feu et brûlé.
Pendant les années 1975-1980 une seconde restauration a été effectuée. Le moulin avait besoin d’un nouveau toit et de nouvelles verges en acier pour remplacer les vieilles verges en fer rivetées, faites par la célèbre
compagnie Pot à Kinderdijk. Cette fois, la machinerie, y compris le mécanisme de sciage complet, a été remplacée et remise en activité. Le coût total a été d’environ 500.000 fl orins (227 000 €).
Une équipe de scieurs / meuniers volontaires travaille au moulin régulièrement, effectue l’entretien et fait de petites réparations si nécessaire. Le samedi, le moulin est normalement ouvert au public. Adresse: Kollerijweg
5, 9795 PL Woltersum. Woltersum est un petit village situé à environ 12 kilomètres au nordest de la ville de Groningue.
Spécifi cations du mécanisme de sciage
Il y a trois châssis, mus par le vilebrequin, distants de 120 degrés les uns des autres ; afi n d’obtenir un bon équilibre, le poids de chaque châssis a été ajusté.
Mesures :
Châssis 1 : 61 cm de large et 61 cm de haut
Châssis 2 : 79 cm de large et 61 cm de haut
Châssis 3 : 39 cm de large et 61 cm de haut
Le chariot : 11,1 m de longueur
Chaque châssis dispose de son propre treuil pour amener les troncs à l’intérieur. Chaque châssis aussi a son propre dispositif d’avance.
Le diamètre de la roue d’avance est de 1,5 m et celui du pignon engrenant est d’environ 10 cm. Le nombre de dents de la roue d’avance est de 314, tandis que le pignon en a 8.
Les lames de scie ont une longueur de 1,54 et 1,43 cm. Leur épaisseur minimale est d’environ 3 cm.
Leo VAN DER DRIFT, secrétaire de la TIMS – Article paru dans le Monde des Moulins – N°34 – octobre 2010
0 commentaire