Le site des Moulins de France
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Lorsque Louis XIV, en octobre 1666, autorise Pierre-Paul Riquet à construire le Canal du Midi (appelé alors Canal Royal de Languedoc), il lui accorde ce canal en fief et lui donne pouvoir de construire des entrepôts, des habitations pour le personnel et des moulins sur son fief.

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Pechelaurier

Colbert et Louis XIV voulaient intéresser Pierre-Paul Riquet à la réussite du canal en lui donnant la responsabilité de la construction et de l’entretien de la nouvelle voie d’eau. On sait d’ailleurs que Riquet et ses descendants, investirent une grande partie de leur fortune pour réaliser ce projet ; Pierre-Paul Riquet était, à sa mort en 1680, totalement ruiné ayant financé luimême à peu près 20 % du montant des travaux. Pour continuer cette oeuvre, ses héritiers durent vendre progressivement un grand nombre de parts du Canal. La réussite finale du projet, quelques 50 ans après le début des travaux, leur permit de racheter ces parts vendues et de retrouver la pleine propriété de leur fief.

Pierre-Paul Riquet, en bon financier qu’il était – il avait été receveur de la Gabelle puis avait acheté la charge de Fermier des Gabelles pour le Languedoc et le Roussillon, et s’était ainsi constitué une grosse fortune – envisageait de rentabiliser ses constructions.

En même temps qu’il creusait la première tranche du canal, le tronçon Toulouse – Carcassonne, il créa donc, sept emplacements de moulins :
• à Toulouse même : moulins des Minimes, moulin de Matabiau, moulins de Bayard ;
• à Castelnaudary : moulins de Saint- Roch ;
• à coté de Carcassonne : moulins de Trèbes ; (les Carcassonnais avaient refusé le passage du canal dans leur ville, considérant la contribution demandée trop élevée. Devant l’accroissement de la richesse de Castelnaudary, dû à la construction d’un port sur le canal dans cette ville, ils obtinrent de Napoléon, en 1810, une rectification du trajet du canal en leur faveur. Mais, en 1675, le canal n’arrivait pas à Carcassonne.)
• à Castanet, près de Toulouse,
• à Naurouze, sur la Rigole qui alimente le canal et où il avait l’intention de créer une ville.

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Emplacement des moulins des Minimes

Par contre, la seconde tranche du canal, le tronçon Carcassonne – Sète, ne donna lieu à aucune construction de moulin. Ces moulins étaient donc placés là où ils devaient pouvoir rapporter le plus à leurs propriétaires, près des grandes villes situées le long des terres à blé du Lauragais. Le Carcassonnais, le Minervois, la région de Béziers dont l’économie était plutôt orientée vers la vigne ne pouvaient rentabiliser correctement la construction de moulins sur le canal.

Plus tard, vers 1750, les héritiers de Pierre- Paul Riquet firent construire de nouveaux moulins tout en respectant les critères précédents :
• près de Castelnaudary, aux écluses de Vivier, de Gay et de Laplanque,
• près de Castanet, à l’écluse d’Ayguesvives, tous au milieu de la grande plaine à blé du Lauragais.

Les premières constructions de Riquet consistaient en l’installation de deux moulins, l’un à l’écluse amont, l’autre à l’écluse aval, de chaque coté du (ou des) sas intermédiaire(s). Ces moulins étaient petits et assez simples, dotés de deux jeux
de meules actionnées par deux roues horizontales («roudets» à cuillères), le second étage du bâtiment permettant l’alimentation des trémies. Entre les deux moulins, en aval, en amont, les canaux de fuite et d’amenée étaient à l’air libre.

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Coupe d’un moulin des Minimes à Toulouse

Ces moulins étaient gérés par des «meuniers- fermiers» choisis par adjudication publique ou, plus tard, par enchères à la bougie. Les baux étaient de un an en 1680, puis augmentèrent progressivement pour atteindre neuf ans au XIXème siècle.

Le meunier ou son aide étaient, en outre, chargés de l’ouverture et de la fermeture des écluses auprès desquelles le moulin était situé. Les meuniers n’appréciaient  pas beaucoup ce travail complémentaire et, suite à leurs récriminations, en 1810, des gardes d’écluses furent installés aux écluses voisines des moulins.

Une autre contrainte appliquée à la gestion de ces moulins sur le canal était, d’une part la priorité à la navigation (lorsque le niveau d’eau était trop bas, les moulins devaient s’arrêter de fonctionner), d’autre part l’existence d’une période de «chômage technique», lorsque le canal était asséché pour manque d’eau, révision ou réparations. Cette période variable suivant les années, était, en moyenne, de trois mois dont plus de la moitié en été. Les meuniers étaient alors dédommagés par les gérants du canal.

Le droit de mouture était, comme dans toute la région, fixé à 1/16 de la quantité de céréales apportée, le meunier en gardant pour lui à peu près la moitié, l’autre moitié étant reversée aux propriétaires (la famille Riquet jusqu’en 1790, la Compagnie du Canal du Midi ensuite). Les revenus des moulins représentaient, suivant les années, entre 0.5 % et 3.5 % des revenus globaux du canal.

Les débuts du XVIIIe siècle ne furent pas, contrairement aux espérances, très bénéfiques pour les meuniers et les moulins. Des années de mauvaises récoltes s’ajoutant aux troubles importants dans la région, dûs à la Révocation de l’Edit de Nantes (1685), juste à la fin de la construction du canal. Ces difficultés ne permirent pas le développement espéré des moulins. Certains d’entre eux furent donc fermés : Bayard, Castanet, Castelnaudary, Trèbes. Vers 1750, la restauration de bonnes conditions économiques permit la reprise. Les moulins fermés sont ouverts de nouveau, d’autres sont créés (Ayguesvives, Laplanque, Gay, Vivier). Mais il y a un changement d’organisation : presque partout où il y avait deux moulins (moulin aval et moulin amont) un seul est remis en marche, le moulin aval avec quatre jeux de meules. Par suite, les bâtiments sont agrandis. La période de chômage du Canal est prise alors en compte dans le montant du fermage et il n’y a donc plus de dédommagement.

Le XIXe siècle va entraîner beaucoup de modifications dans le fonctionnement des moulins du canal.
L’émigration des héritiers de Riquet conduit à la confiscation de leur propriété et la prise en gestion par l’Etat. La centralisation et l’irresponsabilité des gérants parisiens conduit Napoléon à créer la Compagnie du Canal du Midi et à redonner une gestion locale. Néanmoins, les décisions seront beaucoup plus lentes à prendre et leur application retardée. Heureusement les responsabilités locales, souvent conservées de père en fils, assureront la pérennité de l’entreprise.

L’essor industriel et économique va aussi modifier le fermage et la gestion des moulins. Les anciens meuniers, artisans indépendants et mobiles étaient soumis à l’administration du canal. Sans corporation pour les soutenir, ils avaient des difficultés à faire prendre en compte leurs revendications.

Les nouveaux fermiers sont des entrepreneurs, des commerçants riches et avisés, au fait des réglementations et de leurs droits, cherchant à monter des opérations rentables. Ils vont essayer de créer des minoteries importantes (mais toujours avec des jeux de meules horizontales) et de diversifier leurs activités. Beaucoup de projets sont étudiés, des scieries, des moulins à plâtre sont envisagés (Trèbes, Castelnaudary) ; en fait, peu de projets seront réalisés et, quelques fois même, les nouvelles installations seront abandonnées, le montant du fermage, évidemment plus élevé que pour les anciens meuniers car la consommation d’eau projetée était plus forte, ne permettant pas leur rentabilité.

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Plan du moulin de Saint-Roch avec l’ajout de la scie battante et du moulin à plâtre

D’autre part les ambitions de rendement des nouveaux minotiers les conduisent à améliorer leurs installations et à refuser la mouture des céréales mélangées demandées par les habitants des localités voisines du canal. Des conflits et la réouverture de moulins plus tolérants ont marqué cette période.

En pratique, ces nouveaux fermiers sont plus appréciés des ingénieurs du canal, toujours prêts à s’intéresser aux nouvelles techniques et participent plus que les anciens meuniers à la mission de transport du canal. Ainsi, l’administration est devenue plus tributaire de ses fermiers.

D’un autre coté, le XIXe siècle, devant l’augmentation du trafic sur le canal a cherché à améliorer l’utilisation de l’eau par les moulins.

Plusieurs études avaient déjà essayé de réduire la déperdition d’eau dans les écluses, en améliorant les portes (portes d’écluses en fer) et les vantelles (petites ouvertures dans les portes d’écluse), et surtout en réduisant les pertes par évaporation : plantation d’arbres le long du canal, couverture et enfouissement des canaux d’amenée et de fuite des moulins.

De nouvelles études faites sur la consommation d’eau par jeu de meules dans les différents moulins du canal avaient permis de ramener à 0.2 m3/s (soit près de 20 000 m3 par jour) le débit d’eau par jeu de meules ; les coursiers (trompes projetant l’eau sur le roudet) en bois avaient été remplacés par des coursiers en pierre de taille ; un nouveau clapet, dit «anglais», placé à l’extrémité des coursiers, avait, à son tour, réduit les pertes d’eau.

D’autres études, sur la qualité de la farine obtenue, avaient préconisé une période optimale de quinze jours pour le piquage des meules.

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Turbine du moulin de Saint Roch

Malheureusement pour ces moulins, les nouvelles techniques de meunerie (cylindres), l’utilisation de la vapeur à la place de l’eau, puis les concentrations des unités de production de la farine, ont conduit les moulins du canal à la ruine. Dans Toulouse, les besoins de construction et de circulation ont supprimé les moulins des Minimes, de Matabiau (très tôt au XIXe) et de Bayard. Les moulins des écluses de Gay, de Laplanque, de Castanet ont été rasés. Ceux de Trèbes, d’Ayguesvives, de Castelnaudary et de Naurouze sont toujours debout, mais, fermés et à l’abandon, leurs mécanismes pourrissent lentement. Seul, le moulin de Vivier, transformé en minoterie (minoterie Maury) continue à produire de la farine.

Philippe Bellan – Article paru dans le Monde des Moulins – N°27 – janvier 2009

Catégories : Histoire

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