Patrimoine historique, architectural, technique et social indissociable de tous nos cours d’eau de France, les moulins à eau sont menacés de disparition totale. La programmation de la destruction de leurs ouvrages de prise d’eau, les chaussées, est engagée. L’enjeu est considérable et dépasse largement le cadre d’un quelconque corporatisme dont certains se plaisent injustement à taxer les possesseurs de moulins. Nous nous mobilisons tous, simples amateurs comme propriétaires, pour la conservation des chaussées. Il ne saurait non plus être question d’adopter une attitude prétenduement conciliatrice en proposant que seules soient démantelées les chaussées en mauvais état ou en relation avec un moulin à l’abandon ou non fonctionnel.
Ce serait méconnaître l’impact réel des chaussées. Aussi importe-t-il avant que l’irréparable ne soit commis, de rappeler le rôle essentiel des moulins hydrauliques et de leurs chaussées dans notre environnement actuel et notre histoire nationale.
1 – Les chaussées de moulins, en harmonie avec la rivière.
Les moulins hydrauliques font partie intégrante du paysage des rivières du continent européen. Les ouvrages de prise d’eau submersibles qui les équipent, appelés chaussées, ont donné naissance à la physionomie des cours d’eau tels que nous les connaissons. La chaussée est construite dans le lit mineur du cours d’eau, le barrage occupe le lit mineur et le lit majeur et permet de stocker un volume d’eau considérable. Contrairement à la chaussée, le barrage est en période de crue rarement déversant (ce rôle est dévolu à l’évacuateur). Les chaussées sont des ouvrages écologiques, conçus avec intelligence, à la suite de très nombreuses années d’observation du milieu naturel. Construites en matériau végétal ou en maçonnerie, ces
prises d’eau dérivent l’eau vers les moteurs hydrauliques des moulins, leur permettent d’actionner diverses machines aux applications variées. L’eau retenue en amont de l’ouvrage détermine une zone où l’eau s’étale sur plusieurs dizaines ou centaines de
mètres, voire un kilomètre (ou davantage) dans les secteurs à faible pente : c’est la zone du remous. L’épaisseur de la lame d’eau y varie de quelques dizaines de cm à plus d’un mètre.
Sémalens, la chaussée – collection J.P.H Azéma
2 – L’enjeu de la sécurité agricole.
La très forte sécheresse de l’été 2003 a révélé un des aspects fondamentaux de l’utilité des chaussées de moulins. Durant cette période critique, sur les grandes rivières ou sur les petits cours d’eau, les chaussées de moulins restaient quasiment les seuls ouvrages à retenir la majeure partie de l’eau d’écoulement et la conserver. Les mini-plans d’eau constitués étaient autant d’oasis, dont le rôle stratégique reste inconnu du grand public. Ces stocks d’eau ainsi préservés ont permis aux agriculteurs de disposer d’un lieu de puisage pour l’abreuvage de leur cheptel. Sans les chaussées, il y a fort à parier que des milliers de têtes de bétail auraient dû être vendues, ou abattues, pour réduire les troupeaux.
3 – La lutte contre les incendies.
Autre fonction stratégique redécouverte : la lutte contre les incendies. Les moulins disposant de remous importants, ceux équipés de grands réservoirs ou au débouché d’étangs, assurent une fonction très précieuse, pour la sécurité civile. Ainsi, par exemple, le 26 juillet 2003, à Durenque (Aveyron), les pompiers du lieu intervinrent pour combattre un départ d’incendie, au sud du village. C’est dans l’étang du Moulin de Roupeyrac qu’ils sont venus remplir le réservoir de leur camion-citerne. En France, cette situation s’est reproduite plusieurs centaines de fois durant cette période. Face à la multiplication préoccupante des incendies, la préexistence de ces points d’eau utilisables est une aubaine : elle limite d’autant la création à grands frais de citernes. A ce point de vue, on ne peut que regretter la situation antérieure, avec ces dizaines de milliers de moulins souvent bien répartis dans notre zone méditerranéenne particulièrement sensible, dont il ne reste maintenant que bien peu de choses.
4 – L’irrigation.
Toutes les chaussées ne desservent pas un moulin. Certaines en particulier dans le Midi, ont été bâties en vue de l’irrigation qui s’effectue traditionnellement par un réseau de canaux et rigoles. Depuis le simple arrosage des prairies de quelques parcelles riveraines jusqu’au vaste réseau desservant la commune entière (régions viticoles, arboricoles ou maraîchères) tous ces systèmes ont leur importance économique et aussi paysagère. A l’heure où l’on parle de réhabilitation de certains d’entre eux plus ou moins bien entretenus, voire abandonnés et dont on redécouvre le caractère patrimonial remarquable, il serait impensable de détruire les chaussées qui les alimentent et donc de perdre à jamais cet héritage exceptionnel. Ce serait tout aussi grave pour les petits ouvrages d’irrigation car ils ont façonné notre paysage et concourrent à son maintien, au bon entretien de notre nature campagnarde sinon inexorablement vouée à la friche.
Les chutes du Viaur à Pampelonne – colelction J.P. Azéma
5 – L’alimentation en eau potable.
Ce rôle peut paraître tout à fait marginal, il ne l’est pas. Les plans d’eau des chaussées contribuent de manière moins spectaculaire que certains grands ouvrages de retenue, mais non moins réelle à la recharge des nappes phréatiques exploitées pour l’alimentation en eau potable. Les chaussées peuvent être nombreuses et mieux espacées sur le cours d’eau, favorisant ainsi l’alimentation de certains aquifères locaux ou multicouches grâce à une surface d’absorption cumulée plus importante. De plus les grands ouvrages ne sont pas habituellement prévus pour cette fonction. Production électrique, irrigation et soutien à l’étiage, écrétage des crues, sont des objectifs non vraiment conciliables et la gestion des ouvrages mixtes relève souvent d’un difficile compromis pour la maîtrise de l’eau. La recharge des nappes nécessite la réalisation de vastes stockages sur sites perméables couplés avec un barrage en rivière (dont le site est rarement favorable) ou bien elle s’effectue le long du talweg aval à condition d’optimiser l’infiltration (régulation des débits). Ce que ne peuvent faire parfaitement ces quelques grands ouvrages, une multitude de petites chaussées peuvent y parvenir, sans jamais présenter les effets pervers inhérants aux barrages et ceux liés de manière générale au gigantisme, à un coût pour la collectivité défiant toute concurrence, et avec une qualité environnementale inégalable. Quitte à être provocateur, qu’attend- on au lieu de menacer d’effacer les chaussées, d’en surélever certaines, ce qui aurait pour effet ainsi que cela a été démontré par modélisation de rehausser significativement le niveau piézométrique dans les basses plaines alluviales à grande concentration urbaine où les nappes sont très sollicitées par pompage.
6 – Les risques d’inondation des grandes villes et l’attitude face aux crues ;
Indispensables pour la gestion des basses eaux, les chaussées sont essentielles dans la lutte contre les inondations des ensembles urbains. Il est vain de penser qu’un endiguement de rivière à la traversée d’une ville est un moyen de lutte efficace contre les inondations. Il ne fait qu’accélérer la vitesse du courant et rend la crue plus catastrophique encore à l’aval, au détriment des villes qui s’y trouvent. Il s’agit d’une fausse solution qui ne rassure que les élus locaux convaincus d’avoir fait le nécessaire auprès de leurs administrés dès lors qu’ils ont respecté les procédures d’alerte mais en aucun cas une réelle prévention. De plus, les digues peuvent céder (mauvais entretien, dimensionnement insuffisant, estimation incorrecte de l’aléa) avec les ravages que l’on connaît .
La seule prévention est celle qui intègre dans leur globalité les divers facteurs à l’échelle du bassin versant. Elle nécessite donc une concertation avec tous les acteurs qui évoluent dans ce contexte. Elle signifie aussi une gestion d’ensemble de l’espace et non ponctuelle et au coup par coup. C’est là qu’interviennent les chaussées de nos moulins, modestement mais efficacement car l’union fait la force…Elles cassent le courant et multiplient les opportunités d’étalement de la crue dans le lit majeur avec ses conséquences éminemment favorables : baisse de vitesse, stockage tampon de l’eau, infiltration retardée, maintien au delà de la période de crue d’un écosystème exceptionnellement riche et indispensable à l’homme, apport de limon fertile rapidement
envahi par la végétation (donc susceptible de le dépolluer). Il ne servirait à rien de s’opposer à la nature sous le prétexte fou de récupérer ces zones humides, malsaines pour en faire après drainage des terres agricoles productives à coup d’engrais et de pesticides ou encore des lotissements et des voieries qui imperméabilisent le sol et surtout augmentent le ruissellement concentré et accélèrent le flux. Tôt ou tard la nature reprend ses droits sous une forme ou une autre et l’homme le paie toujours cher à long terme. La sédimentologie des formations alluviales nous apprend qu’il ne saurait y avoir de plaines alluviales (si appréciées par l’homme moderne qui dédaigne à tort les coteaux rocheux) sans crues donc sans levées dont le destin est de crever, sans zones d’expansion, sans divagations de chenaux. Les chaussées favorisent cette évolution naturelle bénéfique. Elles sont l’illustration d’un aménagement raisonné qui l’accompagne au lieu de la contrecarrer. Sachons retrouver cette humilité chère à nos anciens, patients et fin observateurs de la nature qu’ils ont modelée sans l’agresser. Rappelons-nous qu’autrefois chaque commune riveraine avait un ou plusieurs moulins et que les rivières étaient intelligemment domestiquées. Souvent à une chute succédait immédiatement le bief du moulin aval. Cet état contribuait grandement à la régularisation des cours d’eau et à la minimisation des effets destructeurs des crues. Qu’attend-on au lieu d’effacer les chaussées de reconstruire celles qui ont disparu.
7 – Le concept erroné de « la remise à l’état naturel »
Laisser faire la Nature n’implique pas pour autant qu’il faille remettre nos cours d’eau en l’état initial comme le voudraient les « effaceurs ». L’état initial ne signifie rien dans un système en perpétuelle évolution. L’état naturel procède d’une succession d’états d’équilibre transitoires, le plus souvent instables, mais qui ont cependant mis un certain temps à se constituer, et qu’il est dangereux de rompre brutalement. De plus, cet état initial, celui de « l’avant-chaussées » il y a près de 1000 ans, s’est progressivement modifié et adapté en connivence avec l’Homme lui-même un élément parmi d’autres de cette nature. Nos chaussées ne sont donc pas un état contre nature mais en font maintenant partie intégrante ; elles participent à l’état d’équilibre actuel. Les détruire aurait des conséquences désastreuses et insoupçonnées car pour la plupart non immédiatement perceptibles en raison de l’inertie du système. La destruction de 5 500 chaussées sur le bassin Seine-Normandie mettra réellement en danger les grandes agglomérations. Alors que l’on prépare déjà les esprits à l’occurrence possible d’une crue majeure de la Seine à Paris en prenant enfin la réelle mesure du rôle (limité) des grands aménagements du haut bassin, il serait criminel de se priver de celui, manifestement sousestimé, de cette multitude de chaussées dans l’étalement des pointes de crues. Naïvement, nous nous laissons aveugler par les réalisations grandioses de génie civil dont nous sommes maintenant capables, au point
d’ignorer l’héritage efficace, même vétuste, légué par nos anciens. Quand cessera-t-on de penser : « c’est vieux donc c’est nul, ça ne sert à rien ».
Environs de Byans (Doubs) – Moulin de la Froidière – collection JPH Azéma
8 – L’érosion et le devenir des berges
Le principe général de la lutte contre l’érosion linéaire en fond de talweg consiste à faire tendre le profil longitudinal des cours d’eau vers une succession de ressauts et de paliers. C’est précisément la géométrie induite par les chaussées. L’érosion s’exacerbe lors des crues. Les chaussées tempérant la violence des crues limitent donc l’érosion. Mais les détruire serait pire que si elles n’avaient jamais existé. Chaque chaussée supprimée va être le point de départ d’une érosion régressive qui progresse très vite et accroît l’effet dévastateur des crues par une remise en mouvement massive des matériaux sédimentés derrière les chaussées, mais aussi par la destruction des berges avec libération d’un tonnage considérable de fines, le tout augmentant la charge de la rivière et donc sa capacité érosive et de transport. Corrélativement le déracinement des arbres et arbustes des berges affouillées aboutira à la formation d’embâcles plus fréquents et importants, majorant le risque de rupture des ponts alors assimilables à des digues. Et de manière chronique, l’érosion régressive posera de réels problèmes d’entretien des ouvrages (déchaussement des fondations de piles de pont par exemple) . L’érosion des berges rendue plus facile se reproduira plus souvent car le temps de retour des crues dites « exceptionnelles » aura tendance à diminuer, se combinant avec l’effet de réchauffement climatique qui risquera fort d’être invoqué pour masquer l’impact négatif de la destruction des chaussées. Les berges n’auront pas le temps de se recoloniser correctement et de se stabiliser, et il faudra avoir recours dans les zones les plus sensibles à des solutions artificielles de fixation, très onéreuses et disgracieuses. Ailleurs, la périodicité de l’entretien nécessaire sera raccourcie ; cet entretien sera plus délicat et par conséquent les coûts augmenteront. A moins qu’on s’en désintéresse comme cela est trop souvent le cas, les conséquences en seront alors bien plus graves. A noter qu’un bon entretien de rive est un savant dosage : pas trop de végétation exubérante, ou mal enracinée, ou vieillissante ou malade, pour ne pas alimenter les embâcles ; et suffisamment de végétation pour freiner le courant en crue et favoriser la sédimentation en décrue. En outre il faut permettre le développement des ripisylves dans les zones inondables. Notons encore que les meilleurs et les plus assidus nettoyeurs de berges sont les propriétaires de moulin, livrant ainsi un accès aisé aux adeptes du tourisme vert et aux pêcheurs euxmêmes ! Quant aux autres propriétaires riverains, ils oublient très généralement leurs devoirs et sont responsables des détériorations de chaussées creusées par le choc des arbres dérivants.
Crécy-en-Brie – le Moulin de Serbonne – collection JPH Azéma
9 – Le faux alibi de la disparition des poissons
Il s’agit là d’un thème récurrent présenté par certains pêcheurs pour pousser l’administration à rédiger de nouveaux textes dont l’application aboutirait à la destruction des chaussées. Il est aussi le plus facile à dénoncer avec un argument qui tombe sous le sens ! Tout ce qui est reproché aux possesseurs de moulins est caduque : les moulins existent depuis le Moyen-Age et ils étaient alors bien plus nombreux. Or, à suivre ces pêcheurs dans leurs raisonnements ils ne devrait plus subsister de poissons depuis fort longtemps. Les vraies causes du dépeuplement des rivières sont à rechercher ailleurs. Mais elles sont dérangeantes car elles incriminent l’Homme et sa gestion irresponsable de la planète, c’est à dire tout le monde…et donc personne ! Il est plus aisé hypocritement, de rechercher un bouc émissaire. Ce sera le propriétaire du moulin que l’on va affubler de tous les maux : une chaussée sur deux est infranchissable par les poissons migrateurs, les turbines sont causes de mortalités, les moulins aggravent l’envasement et l’eutrophisation nuisibles aux poissons, les chaussées élèvent la température de l’eau ce qui est préjudiciable aux salmonidés, les poissons n’ont plus assez de radiers pour frayer. Aucun de ces arguments n’a de justification ou de base scientifique solide. Ils sont même presque tous des contre vérités, jusqu’à l’affirmation que les chaussées aggravent les crues. Malheureusement, ils font facilement mouche auprès d’un public non averti ou partial, car ils paraissent tout à fait crédibles en première analyse. Ils ne résistent cependant pas à une étude sérieuse de la part des scientifiques compétents. Tant d’inepties feraient simplement sourire si la minorité qui les énoncent n’était pas en passe d’être suivie dans son jeu d’apprenti sorcier. Elle fait peser un risque gravissime sur notre environnement, d’autant plus stupide que les désordres qui en résulteraient iraient à l’encontre du but recherché. En effet il porterait atteinte à la vie aquatique durant les périodes très sévères de sécheresse mais aussi au cours de crues plus violentes et plus fréquentes. Or cette vie aquatique est déjà en sursis précaire pour de multiples raisons qui n’ont rien à voir avec l’existence des chaussées. Cette minorité a déjà sévi en parvenant à imposer l’obligation à bien des propriétaires de chaussées de créer des échelles à poisson dont l’inutilité dans la majorité des cas, le rôle néfaste sur la vie piscicole, la laideur, et le coût exorbitant y compris pour la collectivité (subventions) avaient pourtant été dénoncés. Estimant maintenant que les passes à poisson ne sont pas assez efficaces, cette même minorité préconise tout simplement d’effacer les chaussées ! Le Législateur a rédigé le Code de l’Environnement et la Loi sur l’Eau en prenant soin d’y introduire une certaine souplesse et une latitude d’interprétation en permettant à l’ensemble des acteurs concernés de faire valoir leurs droits. Il serait regrettable qu’une minorité édicte sa loi en totale contradiction avec cet esprit et au mépris des intérêts vitaux de la collectivité.
10 – Le moulin hydraulique fondateur du développement durable
Les moulins, élément du patrimoine historique hydraulique français, occupent les rivières depuis au moins le Xème siècle. Le niveau de vie dont nous bénéficions aujourd’hui n’aurait jamais pu exister sans le développement des moulins et des usines hydrauliques qui ont servi tous les métiers connus. Plus de 130 professions ont fait appel à l’énergie de l’eau pour assurer les tâches les plus complexes et les plus harassantes. Le moulin, c’est l’utilisation d’énergie renouvelable depuis plus de 1000 ans. Quoi de plus moderne ? Il est à l’origine du développement de l’énergie électrique sans laquelle notre vie quotidienne serait purement impossible. Les petites usines hydroélectriques, qui desservent précieusement nos campagnes en électricité, nous
rappellent qu’au XIIème siècle l’Usine se définissait comme toute machine utilisant la force de l’eau pour son fonctionnement. La destruction des chaussées de moulins et d’usines ressemble à s’y méprendre à un acte d’éradication d’un pan majeur de notre
histoire économique, et de la mémoire des rivières de France.
En conclusion et pour une réhabilitation des moulins vivants
Si aujourd’hui les moulins sont dans une phase conjoncturelle moins favorable, il demeure vital pour notre pays de les conserver dans le meilleur état possible, même si certains ne fonctionnent plus. Demain sera différent avec, à très cours terme, une pénurie mondiale d’énergie à laquelle nous ne sommes pas préparés, car nous avons toujours privilégié les sources d’approvisionnement centralisées au détriment des sources éclatées dont la gestion est pourtant plus souple, plus sûre, plus accessible, et donc beaucoup mieux adaptée à une population disséminée, occupant au mieux l’espace. Les concentrations urbaines et leur accroissement démesuré sont un non sens écologique et économique. Or bientôt nous devrons faire des économies d’énergie drastiques et capter le moindre kilowatt-heure où qu’il se trouve. Les engagements européens nous poussent encore trop timidement dans ce sens. Nos élus et responsables politiques se doivent donc d’imaginer un avenir respectueux de notre histoire et de tous les acteurs de l’eau. Ils devraient cesser d’accorder une trop grande audience à ceux des « défenseurs » des poissons qui se bornent à voir dans les chaussées un obstacle à leurs déplacements : ils ne prennent pas en compte les facteurs qui au delà de cette analyse simpliste, se révèlent en réalité très favorables et même indispensables au développement piscicole. Les moulins peuvent et doivent encore jouer un rôle important dans le monde de demain. De ce fait, nous devons conserver les chaussées en état.
Les chaussées de moulins constituent un patrimoine historique, écologique et paysager, que nous devons tous concourir à préserver et non détruire. Les propriétaires assument trop souvent seuls les lourdes charges d’entretien. Certains y renoncent, faute de moyens. L’administration devrait prioritairement concourir à les aider, tant le rôle de leurs chaussées est vital pour l’aménagement du territoire et à l’équilibre et la vie de nos rivières. Notre sécurité et notre santé aussi. Ne l’oublions plus désormais. Il y a urgence à réagir. Tous ceux qui souhaitent se mobiliser contre ce projet (amateurs de rivières ou de moulins, lecteurs du Monde des Moulins) doivent saisir leurs élus, députés, sénateurs, conseillers généraux et conseillers régionaux, et leur demander
de mettre fin à ce massacre qui, maintenant, menace tous les autres bassins hydrographiques de France. Il y va de l’avenir de nos moulins.
Jean-Pierre Azéma – Article paru dans le Monde des Moulins – N°9 – juillet 2004 et N°10 – octobre 2004
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