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Sicaire Mazeau, né le 6 janvier 1892, au Moulin de la Pauze à Saint-Méard-de-Drône , canton de Ribérac en Dordogne.

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Le maréchal des logis Sicaire MAZEAU

États de service :
• Préparation militaire
• Incorporé le 1er février 1912 au 21e bataillon de chasseurs à cheval de Limoges
• Peloton des élèves sous-officiers, obtient le grade de maréchal des logis
• Suit la formation pour servir en tant qu’estafette à cheval
• Le 6 août 1914, rejoint la zone des combats à Valmy
• Le 22 août 1914, bataille de Belgique, citation à l’ordre du régiment
• Le 28 janvier 1916, décoré de la Croix de Guerre au Feu
• Février 1916, bataille de Verdun, dirige la résistance de la ferme Vamot
• 17 Septembre 1917, citation italienne pour bravoure sur le Piave, en Italie
• Démobilisé le 19 août 1919 avec le grade de sous-lieutenant, aucune blessure, les cheveux prématurément blancs et viscéralement antimilitariste.

Ce fils de meunier, fort de solides études techniques à l’École primaire supérieure de Ribérac, major de son groupe lors de la préparation militaire, choisit son arme et intègre la cavalerie par amour des chevaux et des femmes car il pense jouir du prestige de l’uniforme. Pendant ses quatre années de guerre, il tient des carnets de façon assez rigoureuse, aujourd’hui fortement abîmés par les intempéries, la sueur et le temps qui passe. Je vous livre ici les extraits de ses notes
brutes, concernant un meunier dans la guerre, enrichies d’extraits de correspondance et de témoignages oraux.

• Valmy : même gare de marchandises qu’à Saint-Méard, drôle de moulin à vent tout en bois, juché sur un tréteau, traversé par un gros trou de part en part.
• Plus on monte vers la Belgique, plus je vois de ces moulins en bois ou en maçonnerie. Ils sont tous abîmés par ces cons d’artilleurs « et pas que les boches ». Ils s’en servent de cibles pour régler leurs tirs !
• Hier soir, à la cantine, avec Barreau (1), on s’est colleté avec les artilleurs, moi pour les moulins, lui pour les vaches. Ils s’amusent à bousiller les deux.
• Un gars de la biffe (2) s’extasie devant ma jument, on parle un peu, il est meunier dans le Gers, ça fait du bien de parler farine. Il m’amène visiter mon premier moulin intact, dans une tour avec un ingénieux système mécanique pour ouvrir les ailes faites de lames de bois. On n’est pas très loin de Reims. Le meunier qui est là nous dit que tout près, il y a un moulin à eau qui fonctionne toujours. C’est dans le village de notre cantonnement. On y va, mais la femme qui nous reçoit refuse de nous faire entrer, son mari mobilisé ne voulait le faire voir à personne. D’extérieur, cela ressemble à une petite minoterie qui tourne avec une roue métallique.
• De retour de mission, je découvre que mes copains se sont fait canarder par des mitrailleuses allemandes (3). Dans les morts qu’on a enterrés, je n’ai pas trouvé le chasseur qui était farinier à Pompadour !
• La Belgique est dévastée, des Ardennes à Charleroi : plus une ferme, plus un moulin debout.
• Dans ma nouvelle affectation, je suis peinard, je suis le responsable des animaux (mules ou chevaux de réforme) et d’une compagnie de mitrailleuses : si Cleret (4) me voyait dans la boue, lui qui tient si propre l’écurie de la Pauze, ou le juteux de Limoges qui nous faisait cirer les sabots de nos montures !
• Au repos, j’essaie de chasser et de pêcher, mais l’eau est trop froide pour pêcher à la  » goume » (5) comme dans la Dronne, j’essaie de trouver un « tramail » (6) .
• Ils m’ont foutu dans les tranchées avec ma tenue de chasseur et ma carabine de cavalerie. J’ai un sabre et pas de baïonnette. Par contre, j’ai lancé la mode de s’abriter avec un sac de jute sur la tête en rentrant un coin comme on fait pour porter les sacs.
• J’ai dit au capitaine qui m’a décoré que dans le civil, j’étais minotier, il m’a dit ne pas connaître, je l’espère meilleur en stratégie.
• Jamais rien ne repoussera dans cette terre, pourtant quelles belles fermes, bien plus riches que chez nous. Barreau me dit que la craie est bonne pour le blé ; c’est vrai qu’il est meilleur chez nous à Verteillac qu’à Echourgnac.
• À la ferme de Pichotte, où on s’est fait accrocher, j’ai croisé, en redescendant à l’arrière, Ferdinand Caignard, de Borie-Porte (7), il est territorial (8), il m’a demandé si j’étais venu chercher le blé d’échange.
• J’ai retrouvé Lady Marie (9) et les cavaliers. On part pour l’Italie, il paraît que les Autrichiens sont moins vaches que les frisés, que les filles sont belles et qu’ils récoltent le blé en juin.

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BARREAU sur Lady Marie

• On est allé en permission à Venise, c’est merveilleux. Il y a des canaux partout, les maisons sont bâties comme de multiples moulins et les fondations sont des pieux de bois.
• On a dérouillé sur le Piave, grand fleuve dont les eaux ont l’odeur de celles de la Dronne. Il paraît que je me suis bien comporté, mais c’est Lady Marie qui a fait tout le travail en grimpant plus vite que les autres bourrins.
• Dans les positions que nous avons prises aux Autrichiens, j’ai trouvé une boîte à outils en fer, pleine d’emporte-pièces que je vais essayer de ramener pour agrafer les courroies et une paire de jumelles.
• Dans le train, en revenant, j’ai cru voir dans un bâtiment très haut, bouger des plansichters.
• De retour à Limoges, je « m’emmerde » à la caserne. Heureusement que j’ai les bouquins de meunerie, j’ai bien besoin de m’y remettre après ces longues vacances. Quand je suis dedans, j’ai moins le cafard.
• Quand je poserai le képi pour le béret à la Pauze, je crois que je vais acheter quatre appareils à cylindres en diagonale, que vient de sortir la maison Davério de Zurich, et que je suis allé voir à Aix-sur-Vienne au Grand Moulin de St-Gérald.

1. Barreau : amitié de guerre qui perdurera toute leur vie. Il est fils d’un propriétaire terrien de Charente et exploitera sa vie durant une très belle propriété à Asnières-sur- Nouère
2. la biffe : l’infanterie
3. terrible tuerie en Champagne entre Rethel et Attigny devant le petit village du Seuil, où le 21e bataillon de chasseurs à cheval perdra 90 soldats du bataillon de Sicaire
4. Cleret : palefrenier au Moulin de la Pauze
5. goume : à la main et en apnée
6. tramail : filet pour barrer la rivière
7. Borie-Porte : village de la commune de Saint-Méard
8. territorial : troupe de réservistes âgés, rappelés et en principe en dehors des zones de combats
9. Lady Marie : pur-sang anglo-arabe, cheval de course réformé, réquisitionné pour servir de monture aux estafettes

Ces notes ont alimenté quelques chapitres du roman en quête d’éditeur « La première pâquerette ». Cette histoire du Moulin de la Pauze et de ses meuniers a été écrite par le même auteur que le présent article. Quelques exemplaires sont disponibles chez l’auteur.

Alain Mazeau – Article paru dans le Monde des Moulins – N°50 – octobre 2014

Catégories : Histoire

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