Avant de participer au Congrès 2017 de la FDMF, une quarantaine de congressistes ont visité le Musée de l’Ardoise de Trélazé, musée qui comprend sur son site le Moulin de l’Union, moulin à vent en cours de restauration. Cette visite a été complétée par celle du Moulin du Poirier, moulin à manège situé dans le Parc du Vissoir, moulin d’exhaure comme le précédent, mais entraîné par un cheval (un article lui sera consacré dans un prochain numéro).
Alain Roger, Président de l’Association des Amis de l’Ardoise, nous présente ci-dessous son association (qui gère le Musée de l’Ardoise de Trélazé) et le projet de restauration.
Ensuite, c’est Anne-Marie Lohéac , de l’Association des amis de l’Ardoise, qui nous précise la définition d’un moulin d’exhaure, et les différentes phases de la restauration du Moulin de l’Union .
L’association des amis de l’Ardoise (Alain Roger)
Le site ardoisier de l’Union et du Petit-Pré à Trélazé, exploité aux XVIIe et XIXe siècles, a été classé par arrêté du 7 mai 1993 pour son caractère historique et pittoresque. Cet ancien site d’extraction de l’ardoise, jalonné d’anciennes carrières à ciel ouvert, de monticules de stériles et d’une flore remarquable qui s’étendent sur 3 hectares, constitue un lieu emblématique de l’Anjou.
L’Association des Amis de l’Ardoise, depuis 36 ans, gère le musée installé sur ce site. Classé Musée de France, celui-ci s’attache à préserver la mémoire industrielle liée à l’exploitation et à la transformation du schiste en ardoise de couverture.
Ce sont les bénévoles et adhérents qui s’investissent pour garder cette mémoire que l’on doit entretenir et perpétuer. Il s’agit des valeurs d’un savoir-faire ancestral.
Le site du musée possède ce potentiel susceptible de montrer les diverses activités qui, jadis, marquaient l’exploitation des carrières ardoisières.
Nous accueillons tout au long de l’année des milliers de visiteurs venus de toute la France et de l’étranger, dont un grand nombre de scolaires. Nous leur proposons la visite de nos salles d’exposition et reproduisons devant eux les gestes de la fente d’ardoise à l’ancienne.
C’est avec l’appui de la Fondation du Patrimoine de France que nous avons envisagé ce projet unique de restauration de ce moulin d’exhaure.
Soucieux de restaurer cet édifice dans les règles de l’art, nous avons établi une reconstitution sur plans et archives. Il nous reste maintenant à poursuivre les travaux de restauration complète, avec le concours financier de mécènes.
Une souscription est ouverte (www.fondation-patrimoine.org/33099)
Définition d’un moulin d’exhaure (Anne-Marie Lohéac)
Pour extraire l’eau des carrières, on employait des machines d’épuisement, dites « engins ». Un cheval tournait autour d’un arbre de roue, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre sens.
Lorsque la carrière était peu profonde, ces machines enlevaient une grande quantité d’eau par jour. Mais à mesure que l’on descendait, l’eau devenant plus abondante, le transport devenait plus lent. Il fallait multiplier le nombre des engins pour venir à bout de l’épuisement de l’eau. Mais on augmentait trop les dépenses, au détriment du produit fini. Chaque engin coûtait beaucoup à construire et encore plus à entretenir.
Deux chevaux étaient employés à faire mouvoir un engin, 2 à 3 heures de suite. Le moulin tournait 24 h / 24, d’où un nombre important de chevaux en réserve et une dépense énorme en nourriture.
Les chevaux utilisés étaient robustes et résistants. Durant les heures de travail (rotation de l’arbre à roue), on leur bandait les yeux ; on employait de préférence des chevaux borgnes ou aveugles, moins chers à l’achat.
Pour remédier à tous ces inconvénients, les propriétaires de carrières avaient imaginé ingénieusement d’employer des moulins à vent à la place des précédentes machines.
Ils prétendaient en retirer deux grands avantages :
- plus d’entretien des chevaux
- pouvoir, dans le même temps, évacuer des masses d’eau beaucoup plus importantes. On peut cependant penser que les moulins pouvaient présenter certains inconvénients, comme lors de manque ou d’absence de vent pour entraîner les machines. De ce fait, l’eau ne pouvant être pompée, la carrière était noyée.
Il y eut plus tard les machines à feu (vapeur) qui donnèrent l’énergie pour actionner les pompes.
Moulin d’exhaure à Trélazé : le moulin de l’Union (Anne-Marie Lohéac)
Le moulin de l’Union, ancien moulin de l’industrie ardoisière, a été édifié durant la première moitié du XIXe siècle. Ce moulin cavier est caractéristique de l’Anjou et reste aujourd’hui le seul exemplaire du département à vocation d’exhaure, propre à l’industrie extractive ; très rare en France, pour ne pas dire exceptionnel, car ces moulins caviers ne sont recensés qu’en Anjou.
Cet édifice, typique de l’industrie d’extraction des carrières de schiste, servait à remonter l’eau grâce à la force éolienne.
Le massereau (soubassement) est en moellons de schiste joints à la chaux. Ce massereau a déjà été consolidé de manière artisanale par les bénévoles de l’association dans les années 1990. Mais la partie supérieure de l’édifice a disparu aujourd’hui !
Soucieux de restaurer ce moulin dans les règles de l’art, nous avons confié ces travaux de maçonnerie au chantier d’insertion « Muret de schiste » porté par la Régie de Quartier d’Angers, sous la direction d’Angers Loire Métropole.
Ils rénovent aussi, sur le site ardoisier, de nombreuses ruines. Ils ont commencé à déconstruire une partie des travaux réalisés en 1990, pour trouver les traces anciennes d’un escalier intérieur, puis à remonter le mur d’enceinte.
Enfin, ils ont effectué le façonnage d’un linteau en plaques de schiste et reconstruit l’escalier.
Cela a nécessité 1345 heures de travail en 2014. Une seconde tranche de travaux est prévue fin 2015 sur 5 semaines, soit environ
700 heures.
En 2016, il est prévu 3 tranches de travaux, soit presque 9 semaines, d’avril à septembre, pour finir le massereau et le mur d’enceinte autour de la butte.
Le projet le plus important est la reconstitution complète du moulin, dans un but pédagogique : réalisation complète avec son cône en bardage d’ardoise, la hucherolle et les ailes, et enfin l’installation de la pompe.
Vestiges. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Vue d’ensemble en août 2013. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Déconstruction de la base. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Mur d’enceinte, durs durs les travaux. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Apparition d’un escalier. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Départ de reconstruction d’un escalier. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
En cours de travaux- Novembre 2014. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Escaliers terminés-2016. Photo Musée de l’Ardoise de Trélazé
Pour compléter ces informations, nous pouvons consulter les « Observations sur le moulin de l’Union – Trélazé » (Recherches historiques effectuées en 2014 par Christian Cussonneau, de l’Association de Sauvegarde des Moulins d’Anjou), document demandé et édité par le Musée de l’Ardoise de Trélazé. En voici quelques extraits :
Proposition de restitution architecturale et mécanique
Si l’on admet l’hypothèse que le moulin de l’Union fut bien un moulin d’exhaure, on peut supposer qu’il devait être identique à celui de la carrière des Grands-Carreaux, connu par la photographie du troisième quart du XIXe siècle…Le moulin-pompe des Grands-Carreaux nous paraît avoir la même composition qu’un moulin-cavier. La cage, perchée sur le cône, capte l’énergie éolienne grâce à ses ailes ;
le renvoi d’angle (rouet sur lanterne) contenu dans la cage transmet le mouvement giratoire par un axe vertical en métal (gros-fer, ou ferfût) jusque dans la tour, en traversant la pièce de bois creuse (la huse) qui porte la dite cage.
Pour imaginer le mécanisme qui transforme le mouvement giratoire en mouvement de va-et-vient servant à actionner une pompe, on peut s’inspirer de l’exemple des moulins-pompes qui alimentaient en eau les jardins du château de Meudon, assez bien documentés. Ils sont connus par deux gravures du XVIIIe siècle ; l’une montre leurs cages en écorché, avec leurs mécanismes de renvoi d’angle (Cf. Planche 4), et l’autre, de la fin du XVIIIe siècle, publiée dans l’Encyclopédie, qui détaille le système de pompage de l’un d’eux, contenu dans la tour qui supporte le moulin (Cf. Planches 5 et 6).
Planche 4 à voir en dernière de couverture de ce numéro
Chaque moulin comptait quatre pompes qui puisaient l’eau dans sa partie basse. La figuration en coupe de l’encyclopédie en montre deux (Planche 6) ; le gros-fer descendant de la partie haute du moulin vient pivoter dans le boîtard (Q) et fait tourner une manivelle horizontale (R). Cette dernière entraîne deux axes horizontaux qui font basculer d’avant en arrière deux équerres (S), pivotant dans le plan vertical sur les axes de rotation (T). La branche inférieure de chaque équerre fait mouvoir verticalement un levier faisant aller et venir un piston aspirant et faisant remonter l’eau dans un corps de pompe (V).
Planche 5 : Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers […]. Paris, Liège, 1782. Planches, t. 1, 1782.
Planche 6 : Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers […]. Paris, Liège, 1782. Planches, t. 1, 1782. Détail.
Il nous semble que les leviers horizontaux et verticaux observés à l’extérieur de la tour du moulin de la carrière des Grands-Carreaux pourraient appartenir à un mécanisme de pompage proche de ce que nous venons de décrire.
… Sont ensuite proposés : … deux croquis schématiques figurant deux solutions techniques envisageables. La première (Planche 7), reprend le système de transformation du mouvement rotatif en mouvement de va-et-vient, observé aux moulins de Meudon, par le moyen d’une manivelle horizontale et d’une bielle actionnant une équerre pivotante qui elle-même fait mouvoir un piston dans un corps de pompe vertical. L’eau est évacuée du corps de pompe par une conduite munie d’un clapet de non-retour.
Planche 7. Proposition de mécanisme de pompage, entraîné par un moteur éolien, inspiré des moulins du parc de Meudon et de celui des Grands-Carreaux de Trélazé. Dessin, C. Cussonneau, janvier 2014.
Pour la deuxième solution technique proposée … nous avons tenu compte de l’évolution technique intervenue dans les transmissions mécaniques en Angleterre, dès la fin du XVIIIe siècle, et en France au cours du deuxième quart du XIXe siècle, en introduisant des engrenages métalliques pour le renvoi d’angle…
Christian Cussonneau, historien de l’art et des techniques, spécialiste des Moulins d’Anjou
Paru dans le Monde des Moulins N°61 – Juillet 2017
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