Coux est un charmant village au passé médiéval, perché sur un promontoire. Il domine la rivière Ouvèze qui le contourne harmonieusement. Le pont d’entrée du village, d’une seule arche très élégante, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 2 décembre 1932.
Le moulin de la Pataudée (Ardèche). Photo Janine Jail
En ce jour du 26 août 2008, suivons cette équipe armée de débroussailleuses, pioches et pelles, qui se dirige vers une longue bâtisse située au bord de la rivière à proximité de la route nationale. C’est un jour important car il marque le démarrage du sauvetage du moulin de la Pataudée. Mais il faut revenir un peu en arrière.
Notre association « Arts et Mémoires » créée en 1994, réactivée en 2005 par une nouvelle équipe, a pour but de préserver le patrimoine, de promouvoir des activités culturelles. Elle compte à ce jour plus de quatrevingt adhérents managés par un président dynamique, entreprenant et qui ne doute de rien. Elle propose diverses activités et animations dans le village afi n de récolter des fonds. Notre premier projet de restauration fut le sauvetage d’un lavoir en ruine dans un autre quartier de Coux. L’inauguration de ce lavoir communal eut lieu le 9 février 2008. Encouragés par cette expérience, nous décidons de nous impliquer dans un nouveau projet qui concerne le moulin de la Pataudée situé dans un ensemble immobilier très ancien, déjà répertorié en 1811. Deux longues bâtisses parallèles, aux pierres apparentes, le composent.
C’est en 1975 que la commune de Coux a acquis ces bâtiments. Elle installe un camping municipal, avec des gîtes, d’une part, une auberge rurale dans l’aile proche de la place qui jouxte la route nationale d’autre part. Par contre, la partie « moulin » est abandonnée. Cette partie, la plus ancienne, construite probablement entre 1700 et 1750 était à l’origine un moulinage de soie, comme il en existait beaucoup le long des rivières dans nos vallées. Le moulin à farine et le moulin à huile furent installés entre 1885 et 1889. Le moulin à farine fonctionnera, avec des hauts et des bas jusqu’en 1956.
L’inventaire que nous faisions, au printemps 2008, n’était guère encourageant :
• la végétation a tout envahi, cours, fosse de la roue, le canal,
• la grande roue extérieure, rouillée, inutilisable disparaît sous les ronces,
• la toiture et les planchers sont effondrés,
• une voûte a même cédé,
• toute la partie mécanique est encore sur place mais sous les gravats !
Malgré ce bilan un peu catastrophique, après concertation avec la municipalité et les encouragements de la Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de l’Ardèche, nous décidons de nous lancer dans l’aventure. C’est un gros chantier qui nécessitera plusieurs années de travaux, de nombreux partenaires pour le fi nancement et un engagement important de la part de notre association et de la Municipalité avec qui s’engage un partenariat très positif. Le plus urgent est de mettre le bâtiment hors d’eau et de sauver tout le mécanisme. Il faut donc dégager les ruines, recenser et mettre à l’abri toutes les pièces de la machinerie, et refaire toiture, voûte et dalles effondrées. Voilà pourquoi, ce 26 août, l’équipe qui s’est formée autour de Roger, notre président, entre en action. Pierly, Yvon, Emile, Michel, Marcel, René et Georges vont devenir les « Meuniers du Mardi ». Pierre-Yves et Jérôme, en activité, viendront les aider les jours de repos. Depuis, tous les mardis, les Meuniers se retrouvent sur le chantier. Grâce au don important d’un mécène, à une subvention du Conseil Général d’Ardèche, fi n 2008, le bâtiment est hors d’eau. Le chantier a été fermé et sécurisé avec des matériaux de récupération, les abords nettoyés. Un travail considérable a été fait dans le moulin : machineries, mécanismes recensés pour les restaurations futures, déblaiement des gravats, démontage et déplacement du vannoir mis à l’abri. L’égreneuse démontée, ses côtes répertoriées sur un plan, a dû être désolidarisée du sol pour son transport. Le vibreur a nécessité un démontage acrobatique. Ses différents composants ont été repérés et stockés dans une pièce annexe. Le démontage de la grande trémie s’est déroulé en plusieurs étapes après la mise en place d’un plancher provisoire indispensable à son démontage intégral.
En parallèle, trois locaux annexes situés sur un même plan ont été récupérés pour organiser un atelier, des sanitaires et une salle à manger car le mardi, c’est journée continue et, à tour de rôle, cantinières de l’association et amis fournissent, à leur frais, un repas à tous les travailleurs et à leurs invités occasionnels. Rencontres amicales et conviviales autour de ce projet commun. Echanges d’idées, richesses des discussions en font des moments privilégiés très appréciés.
En 2009 et depuis le début de cette année, grâce à des aides de la Banque Populaire, du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole du Conseil Général, de la Municipalité et de l’association, de nombreux travaux ont été menés à bien.
Les meuniers du mardi. Photo Janine Jail
Après la réfection du toit, la voûte a été remontée, des dalles et planchers refaits, un escalier en bois a été mis en place pour accéder au niveau inférieur, une partie des façades et la menuiserie ont transformé le bâtiment. Les remontoirs ont été refaits et installés. Trois meules ont été rhabillées et sont prêtes à fonctionner. La grande roue a été refaite par un chaudronnier. Elle est encore en pièces détachées et nous comptons l’installer avant la fi n de 2010. Notre métallo piaffe d’impatience. La fosse, le canal à l’intérieur du moulin ont été nettoyés, des tonnes de gravats éliminés. A l’intérieur du moulin, les câbles électriques encastrés ont été tirés.
Cet été, nos Meuniers n’ont pas chômé. Ils ont aménagé un vaste local ouvert à tous les vents, proche du moulin, et mis à notre disposition par la Municipalité. Ils vont ainsi disposer d’un atelier fermé pour stocker matériaux et matériel à restaurer de plus de 120 m2 et travailler dans de bonnes conditions.
Le gros chantier à venir est la réfection de la béalière, et des vannes nécessaires pour le fonctionnement du moulin. La Municipalité s’est engagée à trouver le fi nancement avec l’aide du Syndicat Ouvèze Vive et de la Région Rhône-Alpes.
Il reste encore beaucoup à faire avant que la farine ne tombe dans les sacs. Mais l’équipe ne faiblit pas. Si elle a perdu un de ses membres, avec regret, elle a gagné un super maçon : Maurice, qui connaît la truelle sur le bout des doigts et Dominique, notre jeune électricien très branché, infatigable et généreux. Le moral est toujours performant et les aides extérieures, nombreuses, ne se comptent plus :
• dons de ciment, sable, gravier, ferrailles, portails, peintures, carrelages…
• prêt de gros outillage, de bennes pour évacuer déblais et gravats, de karcher, treuils électriques, étais, marteaux piqueurs, scies électriques, bétonnières…
Au-delà du travail considérable accompli en deux ans, le plus incroyable et le plus important nous semble être cette formidable aventure humaine. Cette équipe constituée de personnes différentes, certains ne se connaissant pas, cette mise en commun de compétences complémentaires, cette volonté d’avancer ensemble pour un projet commun pour la collectivité, sans rien attendre en retour si ce n’est la satisfaction d’un travail accompli dans l’amitié et le partage, est un vrai challenge qui pouvait paraître utopique au départ. Et pourtant, malgré les aléas, les accrocs, les imprévus et les contretemps, cette aventure est bien partie pour aller jusqu’au bout avec son lot de merveilleuses rencontres de personnes passionnées et passionnantes qui nous apportent à tous une richesse insoupçonnée. Lorsque nous pourrons inaugurer ce moulin, Coux offrira aux visiteurs un ensemble culturel et touristique qui pourrait très bien s’intégrer dans un circuit très intéressant sur le plan communal avec la visite du village, des grottes de la Jaubernie et pourquoi ne pas imaginer aussi une « Route des Moulins » ? Alors ? A très bientôt… l’aventure continue.
Jeanine Jail – Article paru dans le Monde des Moulins – N°35 – janvier 2011
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