En septembre 2011, ayant trouvé un éditeur pour publier ma thèse (soutenue en 1987), j’ai entrepris des recherches complémentaires pour l’actualiser. En effet, certains points n’avaient pu être traités, faute de temps. Travail de terrain et rédaction avaient été menés en un an !
Parmi les sujets à développer, il y en a un qui me tient alors à coeur : la relation que peuvent entretenir les villes avec les moulins. Pour des raisons de masse critique documentaire et d’effectifs de moulins, mes choix s’orientent vite vers deux villes aveyronnaises : Villefranchede-Rouergue (à l’ouest du département) et Saint-Affrique (au sud du département).
Les recherches sur Villefranche-de-Rouergue seront plus faciles, des articles ayant été publiés. Un séjour de trois jours permettra de compléter la documentation. En ce qui concerne Saint-Affrique, je pensais que les choses iraient aussi vite. En effet, en septembre 2007, dans le cadre des manifestations qui célébraient les 20 ans de l’Association Rouergate des Amis des Moulins, la Maison de la Mémoire du Pays Saint-Affricain, avec l’appui de Gisèle et Jacques Cros, avait présenté une exposition récapitulative très fournie.
Aussi, en novembre 2011, je me suis rendu en ce lieu pour compléter les informations et peaufiner la présentation des moulins de cette ville.
Pour ne rien oublier, le premier travail a été de repartir du Cadastre Napoléonien de 1810. Celui-ci comprend quatre gros volumes, reflétant l’étendue de la commune, la deuxième du département.Au total, nous avons trouvé trente deux moulins à eau, dont certains presque insignifiants, vu leur faible emprise au sol, mais importants économiquement, les « tournals », ou moulins à aiguiser les faucilles de moissonneurs. Je fus aidé en cela par Florian Boulet, le
directeur de la Maison de la Mémoire.
L’épluchage des matrices cadastrales nous permet de découvrir une dizaine de moulins à eau et une dizaine de moulins à manège supplémentaires. En effet, après 1810, une véritable guerre de l’eau énergie s’est déclarée sur les deux rivières portant les moulins. Les acteurs de l’économie locale se sont mis à construire des moulins sans autorisation administrative enregistrée en bonne et due forme. Moulins foulons et filatures se sont établis en certains lieux presque à touche-touche. Les recherches dans toutes les séries ont apporté de nouvelles découvertes. Bien que la commune soit très grande, les moulins se pressent presque tous sur deux cours d’eau : le Monnargues (littéralement le ruisseau des moulins), immédiatement aux confins des quartiers nord, qui, en l’espace de 2.200 m de cours, perd 155 m d’altitude et compte dix neuf moulins, soit 8 % de pente moyenne et environ 250 litres seconde. Le Galatrave, plus détaché au sud, qui en un peu plus de 3.200 m de cours et 192 m de chute, compte quatorze moulins, ce qui donne une pente moyenne de 4,62 %. C’est sur ce dernier que les « bagarres » furent les plus nombreuses. Aujourd’hui, nous en sommes à au moins cinquante deux moulins. Saint-Affrique est assurément la ville d’Aveyron à disposer du plus grand nombre de moulins et aussi une des plus importantes de France. Les recherches sur le terrain sont en cours et s’appuient grandement sur les acteurs locaux et les témoignages des descendants de ces usines hydrauliques. La phase d’archéologie industrielle se déroule parallèlement et s’annonce passionnante. Ce travail, qui ne devait durer que quelques jours, a pris une telle ampleur, que nous envisageons de le restituer sous forme d’un livre. L’histoire du Sud-Aveyron est pauvre en publications de qualité, surtout en matière d’histoire industrielle et économique, hors Roquefort.
Le travail sur papier est primordial. Il faut aussi pouvoir l’éclairer par une iconographie de qualité. Or, bizarrement, avec un tel volume de moulins, aucune carte postale ancienne traditionnelle n’a été éditée sur les usines de la ville. J’ai alors fait appel aux membres du Carto-Club 12, dont je fais partie. Jean-Claude Souyri, notre Président d’honneur, trouva une carte photo du personnel de l’usine de pâtes alimentaires Birot datée de 1917. Celle-ci, parue dans la presse, permit de rentrer en contact avec la famille Birot et de compléter les informations et photos.
Ce cliché est pris au niveau de la chaussée de l’usine. Au dos de la carte se trouve le texte suivant, dont la transcription est donnée avec l’orthographe d’époque, sans correction.
« Ma chère amie,Tu doit imaginer que je t’ai oublié o non ! Car je t’envoie ma photographie, ainsi que celle des ouvriers de la fabrique des pâtes alimentaires, je crois que tu reconnaîtra, il y a aussi la soeur de Noelie, Anaïs. Je suis vermicellière. Je te remercie des cartes que tu m’a bien voulu m’envoyer. Je suis en bonne santé. (à l’envers) J’espère que tu me feras réponse de suite, mon père est de nouveau chez Cambon. Je t’embrasse. Léa Vidal à Puech Bourillou. » Dans l’angle en haute à droite, recouvert partiellement par le timbre, écrit à l’envers : « A bien… une longue lettre de ton amie Léa. Adressée à : Gabrielle Sanch, Chez Madame Sabatier, place du Marché, Alais (Gard). »
Nous cherchons à identifier « Léa Vidal de Puech Bourillou », Anaïs et tous les autres.Les personnes qui reconnaîtraient sur cette photo, des parents ou amis, ou voisins, ceux qui auraient des informations, documents, papiers ou objets sur cette entreprise peuvent contacter la Maison de la Mémoire, 6, place Painlevé 12400 Saint-Affrique ou par téléphone au 05 65 49 07 31.
Tous ceux qui ont connu ces moulins et usinese t qui veulent témoigner et/ou partager leurs
documents et objets seront les bienvenus. La recherche continue…
Merci d’avance pour votre aide.
Jean-Pierre Henri Azéma
Paru dans le Monde des Moulins n°41 de juillet 2012
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