Le site des Moulins de France
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La ville néerlandaise de Bergen op Zoom s’enorgueillit de compter encore, sur son ancien canal du Oude Vissershaven, un moulin dit « à marée »( ill.1). La région, située sur la frontière belgo-néerlandaise, recense encore plusieurs de ces types de moulins ou de leurs vestiges. On en trouve dans les villes de Rupelmonde, Middelburg, Goes et de Sas van Gent. Le moulin de Bergen est non seulement le plus ancien d’entre eux mais il est aussi, du point de vue architectural, une construction particulière puisqu’on le doit au célèbre maître d’oeuvre malinois Anthonis Keldermans. La restauration du moulin est le sujet de la présente étude.

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Illustration. 1 – Les eaux du moulin et le moulin à eau vus depuis l’ouest, par Valentijn Klotz, 1672

Les bâtiments
L’an 1493 est marqué par des discussions portant sur la nécessité d’un nouveau moulin à marée. Sa situation doit lui garantir suffi samment d’espace mais également de protection. L’endroit retenu se situe sur le port, lieu qui, entre 1484 et 1488, est encore à l’intérieur des fortifi cations ( ill.2). Le moulin est construit sur une crique d’un des bras de l’estuaire. La partie située à l’avant du moulin est élargie pour former le bassin. Derrière le moulin, c’est une grande retenue qui est creusée. Elle se situe hors les murs. Le moulin est terminé en 1503. Il sera mis en service le 26 septembre de cette même année à quinze heures.
Le complexe de ce moulin à eau se compose du grand bâtiment du moulin proprement dit, orné de ses deux pignons en escaliers placés perpendiculairement à une maison d’habitation, elle aussi décorée d’un pignon en escalier. Du côté de l’eau, se situent deux écluses avec roues à aubes, un bâtiment abritant la vanne de fond, également avec deux pignons en escalier, et, sur l’eau, un local aux vannes, qui abritait les vannes d’arrêt destinées à réguler les débits d’eau des roues à aubes. La présence de ces deux roues à aubes augmentait la capacité du moulin et permettait de mener simultanément deux procédés de meunerie différents. La grande roue servait à entraîner le moulin à seigle, la plus petite à entraîner le moulin à blé. Deux couples de meules à entraînement par le dessous étaient également présents.

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Illustration. 2 – Détail de la carte établie par Jacob van Deventer, ca. 1545

L’extérieur du complexe est, lui, bien connu. Non seulement la façade est en grande partie bien conservée, mais il en existe aussi bon nombre de représentations anciennes. Les façades de briques à nuances jaunes – bâties sur plinthes en pierre de Gobertanger – alternent  parements en pierre de Lede, plates-bandes et pierres d’angles. Les fenêtres d’origine ont toutes été remplacées à une période plus récente. Les portes en chêne du porche d’entrée, encore conservées actuellement, sont vraisemblablement authentiques mais ont peut-être été remplacées après 1552.

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Illustration. 3 – Détail de la maquette de Bergen op Zoom, vers 1750, Musée des Plans-Reliefs Paris

Un dessin de Valentijn Klotz, de 1672, représente clairement le moulin lui-même, l’habitation et les vannes (ill.1). Il semble que, par rapport au projet initial, peu de choses aient véritablement changé. Un autre dessin, également de 1672, mais cette fois de Bernardus Klotz représente, lui, l’autre côté. La maquette conservée au Musée des Plans Reliefs et datant de 1750 donne une bonne vue générale de l’ensemble (ill. 3).
Le moulin est érigé sur des fondations sur pilotis, une nécessité absolue étant donné la mauvaise qualité du sous-sol. Pourtant, il s’agit ici encore d’une source supplémentaire de délabrement. En effet, les vibrations engendrées par le fonctionnement du moulin génèrent également un léger tremblement des pieux. L’adhésion [la friction entre la surface du bois et le sable] entre les pieux et le sol diminue, créant ainsi plus d’espace pour le mouvement de l’eau. Il en résulte que le sol fi nit par être emporté, générant ainsi des risques d’effondrement supplémentaires. Ce phénomène peut, lui aussi, avoir été à la base des dégâts importants de 1509 et 1552.
 Lors de la restauration, un puits de 4 m sous le niveau du sol a été creusé sans que, pour autant, les pieux des fondations ne soient atteints. Cela étant, il est notoire que les fondations maçonnées du Moulin de Rupelmonde atteignent une profondeur de 6 m sous le niveau du sol. On est donc en droit d’estimer que, techniquement parlant, cela n’a pas dû être une mince affaire que de conserver sec et en bon état de fonctionnement un puits aussi profond, qui plus est à un endroit soumis aux va-et-vient des marées.

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Illustration. 4 – Plan de masse des bâtiments du moulin et de l’habitation, 2010. 1. Bâtiment du moulin; 2. Habitation; 3. Bâtiment des vannes; 4. Bâtiment abritant la vanne de fond; 5. Canaux de courant; 6. Puits de roue d’engrenage; 7. Bac de la machine à vapeur; 8. Plateau rond, XIX-a

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Illustration. 5 – Vue en coupe des bâtiments du moulin et de l’habitation. 1. Puits de roue d’engrenage; 2. Niveau supposé du grenier aux meules; 3. Grenier de mouture

L’intérieur du bâtiment du moulin, lui, n’est pas riche d’autant d’informations (ill. 4 et 5). Le plancher de l’étage, poutres maîtresses et solives de la construction d’origine, a été partiellement conservé. Pour la restauration du toit au XIXe siècle, les panneaux et traverses de la couverture du XVIIe siècle ont été réutilisés. On remarque également la présence d’un puits de roue d’engrenage. Celuici avait été comblé mais il a presque entièrement été dégagé. Juste au-dessus de ce puits de roue d’engrenage, un entresol desservant un grenier aux meules a dû être installé. Et c’est le premier étage qui vraisemblablement a dû servir de grenier à grain. Il existait audessus de celui-ci, deux soupentes d’entreposage. L’agencement de la maison du meunier est resté pratiquement inchangé au cours des siècles. Au rez-de-chaussée se situait, orientée au nord, la pièce principale d’habitation avec sa cheminée et son sol pavé toujours visible. À côté de la cheminée, une porte donnait accès à la cave voûtée située sous la cuisine orientée plein sud. Adossé à la cheminée de la pièce d’habitation se trouvait également un âtre. L’escalier conduisant au premier étage a dû se situer à un certain moment dans la cuisine, avant d’être déplacé dans le bâtiment du moulin. Au premier étage, se situait une chambre surplombant la pièce principale d’habitation ;  on peut encore y voir des lits clos du XIXe siècle. Au-dessus de la cuisine, un grenier original a été transformé en chambre à coucher lors de travaux de surélévation à la fi n du XIXe siècle. Le deuxième étage était occupé par un grenier dans le compartiment de la pièce principale d’habitation ; il servait aussi de remise au moulin. Ce grenier a été agrandi lors de travaux de rénovation à la fi n du XIXe siècle.

Réparations consécutives aux dégâts subis au XVIe siècle
Des tempêtes ravageuses, combinées à des marées exceptionnelles enregistrées durant cette période et régulièrement ensuite au cours des ans, ont généré régulièrement des dommages au moulin et à son bassin, dommages auxquels le site de construction tellement sensible du moulin n’était sûrement pas étranger. Les comptes de l’exercice 1517 / 1518 révèlent que le moulin, au 3 juin 1517, menaçait d’écroulement. Cette année-là, le moulin ne moulut d’ailleurs pas et ne fut donc d’aucun rapport. À partir de juillet 1518, le moulin fonctionnait à nouveau. Si des réparations importantes ont été réalisées, il ne saurait néanmoins être question de rénovations complètes en profondeur effectuées dans un laps de temps aussi court.
Le sol pavé du moulin s’étant affaissé en 1523, des travaux de pavage, tant intérieurs qu’extérieurs, furent réalisés. De longues planches furent achetées pour réaliser un soubassement sous la partie avant des vannes. Il semble donc que le sol, celui des écluses du moins, ait été réalisé en chêne et non en pierre. En 1531, le sable supportant les carrelages avait une fois encore été emporté par les eaux. Le moulin n’étant pas affermé à cette époque, l’eau coulait vers et depuis celui-ci, pendant de longues périodes, augmentant encore l’ampleur de chaque nouvelle dégradation.

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Illustration. 6 – Le port de pêche et le moulin à eau vers 1890

En 1534, un nouveau charpentage fut réalisé pour les vannes d’arrêt ; il était couvert d’ardoises. Le marquis, en effet, n’était pas franchement ravi par ces frais continuels à engager pour de grosses réparations. En 1540, il demanda l’avis du Conseil et de la Chambre des comptes sur une démolition éventuelle du moulin. Une telle décision, devait-elle être prise, aurait une incidence sur la meunerie mais aussi sur l’érosion du port. La réponse ne nous est pas parvenue et le décès du marquis survenu en 1541 a vraisemblablement mis un terme défi nitif à cette idée.
La tempête de la Saint-Pons, en 1552, fut un désastre. Il ne fallut pas moins de cinq ans pour tout réparer ! Rappelons que l’intégralité de la façade ouest, ainsi que les parties attenantes des façades nord et sud, furent détruites ainsi que la plus grande partie du mécanisme de mouture. Ceci explique pourquoi les archives évoquent la construction d’un nouveau moulin. En 1556 / 57, il était clair que les frais de réparations prévisibles dépasseraient les 2709 carolus d’or. Les dommages sont d’ailleurs toujours perceptibles sur la façade actuelle : la construction originale faisait appel aux briques de nuances jaunes tandis que celles utilisées pour la reconstruction sont de couleur rouge. La tempête de la Saint Nicolas de 1572 fut une fois encore cause d’importants dégâts.
Selon d’autres sources, il apparaît que d’autres dommages importants, survenus notamment au cours du XVIe siècle, résultèrent de ces tempêtes. Les réparations successives ont laissé de très nombreuses traces sur les façades et planchers, les plus marquantes étant celles consécutives à la tempête de la Saint-Pons.

Réparations et transformations à l’époque de la fortification de la ville
Même durant les périodes nécessitant la fortification de la cité, c’est-à-dire à compter de 1568, des réparations régulières demeuraient nécessaires. Les aménagements apportés aux enceintes au XVIe d’abord, puis surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles ensuite, jouèrent un grand rôle pour le moulin et plus principalement pour le bassin, lequel changea parfois de forme. Ce fut également le cas du Zoutevest (le fossé salé) qui en faisait partiellement partie, mais aussi pour une écluse communiquant avec l’eau du moulin. Tout ceci n’était pas très propice au bon fonctionnement de celui-ci car les fortifi cations avaient tendance à s’ensabler. Lors des travaux de transformation, il fallait parfois arrêter le moulin pendant de longues périodes.

Le moulin devient propriété privée
En 1795 les biens du marquis furent confi squés ; le moulin lui aussi, par conséquent. Sa gestion en revint au surintendant du gouvernement français, plus tard, batave. En 1799, le mauvais état d’entretien des façades côté eau était fl agrant. Ce manque d’entretien jouait bien sûr un rôle, mais la cause des dégâts se situait plutôt du côté des travaux de déplacement du mécanisme de mouture (effectués avec l’accord du marquis en 1792) vers le plancher du grenier. C’étaient là les transformations concomitantes à la démolition précitée d’une roue à aubes et de l’engrenage des deux couples de meules par la grande roue restante du moulin à seigle. Le mécanisme fut alors remplacé par un engrenage par le haut. L’ensemble du bâtiment, mais surtout sa façade sud-ouest, fut dès lors soumis à de puissantes vibrations à chaque fois que le moulin entrait en action. Pour mettre un terme à cela, le système d’engrenage devait être redescendu à sa place initiale. Les étais qui furent installés en 1800 ne furent d’aucune aide pour arrêter les dommages en cours et, en 1802, le système d’engrenage fut donc redescendu à sa place initiale. Le mécanisme de mouture fut transformé de manière à ne plus nécessiter qu’une seule roue. Comment ? Nul ne le sait. En 1806, la façade sud-ouest du moulin fut rénovée, puis le complexe fut vendu en 1813. En 1825, un moulin à huile fut autorisé à s’installer, suivi, en 1828, par un moulin à écorces. Parallèlement, l’ensemble fut surmonté d’un moulin à vent. Où et comment un tel moulin à vent a pu être intégré dans un tel complexe, n’est hélas pas visible à la lumière de traces présentes sur les bâtiments ou même sur des documents d’époque. Il est tout de même notable que notre moulin ait pu combiner moulin à marée et à vent comme celui de Dunkerque. Suite à la vente de 1862, le moulin à écorces et à huile fut remplacé par un moulin à farine. Le moulin à vent, quant à lui, sera démoli à ce moment-là. Il est tout à fait possible que, lorsque la hauteur des charpentes a été modifi ée et que les façades ont été surélevées, le toit du bâtiment du moulin
ait été rénové. On peut donc imaginer que le sol du rez-de-chaussée a également été surélevé, de même que le terrain adjacent. Les plinthes en pierre naturelles, elles, ont donc disparu sous le niveau du nouveau sol. Il est également envisageable que les façades aient alors été légèrement enduites, et que la façade située à l’est ait été ouverte aux endroits où se situent les fenêtres encore existantes. Le mécanisme de mouture a sans doute été, lui aussi, remanié puisque, dans tous les cas, ce sont trois couples de meules qui ont alors été installés.

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Ill. 7 – Le moulin à eau vu depuis le sud-ouest, 2009

Un dessin de 1861 montre que le bâtiment du moulin a été couvert d’un toit en croupes et que le bâtiment d’habitation, lui, a conservé son pignon en escalier. Le système d’écluses a été largement modifi é ; il ne reste plus qu’une seule roue à aubes puisque la seconde a été démontée vers 1792. Les meules, depuis cette époque, ne sont plus entraînées que par une seule roue. Sur une photographie des années 1890, le bâtiment d’habitation est clairement recouvert d’un toit en croupes, et la roue à aubes a déjà été retirée (ill. 6). Son démontage doit se situer vers 1889, peu de temps avant la vente à la commune de Bergen op Zoom, mais longtemps après l’installation d’une machine rie à vapeur en 1869. Une cheminée de 20 m de hauteur a été construite pour le fonctionnement de la machinerie à vapeur et ce, même si elle ne fi gure sur aucune illustration connue à ce jour. Ses fondations, néanmoins, se retrouvent au côté nord du bâtiment du moulin.

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Illustration. 8 – Le moulin à eau vu depuis le nord-est, 2009

Décrépitude et réhabilitation
En 1889, le moulin fut donc cédé à la commune de Bergen op Zoom. L’expansion de la navigation nécessitant l’agrandissement du port – dès 1882 le bassin avant du moulin avait été aménagé en port de pêche – celui-ci pouvait donc poursuivre son développement vers l’est. Parallèlement, le Zoutevest pouvait être comblé ; il avait servi de réservoir pour le moulin à marée et était demeuré intact, jusque-là. Vers 1904, le bâtiment du moulin fut réduit d’une travée pour permettre l’installation d’un petit train le long du quai au profi t de l’industrie sucrière. Malgré des réparations provisoires effectuées vers 1990, la décrépitude s’est poursuivie de sorte que la charpente dans le grenier du bâtiment du moulin à même fi ni par s’effondrer en partie. En 2002 l’ensemble architectural a été racheté par M. Hans Smeenk, qui, avec soin et souci du détail, a entamé les travaux de réhabilitation (ill. 7 et 8). Étant donné le caractère tellement particulier de l’ensemble comme témoignage de ce que furent les moulins à marée, mais également vu l’état de dégradation avancée du complexe, il a été opté pour une reconstruction des volumes originaux dans une réalisation aisément reconnaissable comme contemporaine mais néanmoins respectueuse du monument
primitif. Les niveaux d’origine des sols ont été ramenés à leurs hauteurs premières ainsi que le niveau du terrain. Pour la reconstruction des toitures, il a été fait appel aux matériaux déjà utilisés et réutilisés dans le passé.
Depuis, les terrains adjacents des ateliers municipaux ont été déménagés. Le plan provisoire d’occupation des sols prévoit de reconstruire partiellement un bassin à la place de la retenue. Il est également envisagé de reconstruire, du moins dans les grandes lignes, les ouvrages hydrauliques et les vannes, afi n de permettre une meilleure visualisation des fonctions primitives du moulin.

Bergen op Zoom >> zie ook: Jan Weyts, “De Watermolen te Bergen op Zoom”, in: De Waterschans, Geschiedkundige Kring van Bergen op Zoom, deel 1, 2011

Jan. Weyts – Article paru dans le Monde des Moulins – N°44 – avril 2013

Catégories : Etranger

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