Le site des Moulins de France
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Imperceptible au regard du voyageur pressé, il est là, blotti au coeur du petit village des Pyrénées.

Moulin de Sinsat : vue extérieure. Cliché Carole Marfaing

Seul indice extérieur de sa présence : le canal d’amenée qui court depuis l’Ariège toute proche et se précipite sous la vieille bâtisse. Poussez la lourde porte en bois, une surprise vous attend.
Dans la fraîcheur procurée par les vieux murs, au gré du clair-obscur de petites fenêtres, deux imposantes meules de pierre se révèlent dans leur environnement de bois. Ces respectables vieilles dames sont les descendantes d’une vénérable lignée de travailleuses infatigables.

Moulin de Sinsat : l’intérieur du moulin. Cliché Caroline Delatre

Comme la plupart des moulins à eau d’Europe occidentale, le Moulin de Sinsat trouve vraisemblablement son origine au Moyen Âge.
À cette époque, les populations paysannes se regroupent en villages structurés. Les récoltes s’améliorent et le moulin à eau collectif remplace les simples meules à usage familial, activées à la seule force des bras.
Ce type de moulin utilise la force motrice de l’eau, ressource naturelle abondante ici, dans les Pyrénées. Comme le plus souvent dans le sud de la France, le Moulin de Sinsat est actionné par une roue horizontale. Celle-ci était certainement en bois, dans les temps anciens.
Vers le XVIe siècle, elle est remplacée par une roue en fer, plus solide, même si l’ensemble du mécanisme de transmission demeure en bois.

Moulin de Sinsat : le rouet. Cliché Caroline Delatre

Un aménagement moderne, dans le plancher de l’actuel moulin, permet aujourd’hui de voir cette roue, située sous une voûte bâtie dans le soubassement. L’eau y circule toujours et le « meunier » occasionnel peut encore déclencher la rotation de la roue et le travail de la meule. Si celle-ci est très ancienne, l’existence du Moulin de Sinsat est attestée de façon certaine par un écrit de 1670. Conservé aux Archives Départementales de l’Ariège, ce texte fait état d’un moulin à trois meules de pierre, possession du seigneur de Gudanes.
En son château tout proche, ce noble personnage exerce sa suzeraineté sur les villageois, en échange de sa protection.
Le Moulin de Sinsat est dit « banal ». Les paysans ont donc stricte obligation d’y faire moudre leur grain. Ils rétribuent, le plus souvent en nature, par un prélèvement sur leur farine, l’usage du moulin seigneurial et les services du meunier.
Le moulin de 1670 est, pour l’essentiel, semblable à ce qu’il est aujourd’hui mais possède à cette époque trois meules. La force hydraulique requise alors est par conséquent plus importante, et le canal d’amenée sensiblement plus large que celui d’aujourd’hui. On retrouve quelques traces à l’extérieur.
Cette organisation féodale s’exerce jusqu’à la Révolution. Devenu alors bien public, le Moulin de Sinsat est vendu à un meunier indépendant.
Généralement moqué pour sa roublardise par des usagers qui se disent parfois « roulés dans la farine », le meunier se rémunère en prélevant normalement un seizième de la farine. Il est un personnage important de la communauté villageoise, et le moulin un lieu d’échange des nouvelles au quotidien. Ainsi va la vie dans ce coin de Haute-Ariège où les meuniers se succèdent sans interruption jusqu’en 1950.
Jusqu’à cette date, on moud ici blé, seigle et maïs.
Dans les années 30, le moulin produit même, en parallèle à son activité principale, l’électricité nécessaire à l’éclairage domestique des habitants de Sinsat et de deux autres villages : Aulos et Larnat. Une ou deux ampoules font la fierté des foyers qui bénéficient de ce progrès notable.
Comme partout ailleurs, la deuxième guerre mondiale entraîne un effondrement des récoltes.
L’occupant allemand réquisitionne largement la production persistante. Les paysans, bravant de possibles représailles, parviennent toutefois à en cacher une partie. Les anciens de Sinsat racontent encore comment le Moulin de Sinsat fonctionnait nuitamment, à la barbe de l’ennemi.
La guerre finie, symboles du progrès industriel, les minoteries supplantent rapidement la petite meunerie ancestrale.
Durant quelques années, le Moulin de Sinsat se reconvertit en petite scierie, utilisant toujours la force hydraulique. Il cesse ensuite toute activité.
Bien qu’habité jusqu’à son décès en 1980 par le dernier de ses meuniers, le Moulin de Sinsat s’endort inexorablement.
Consciente de la valeur patrimoniale du bâtiment, la commune l’achète en 1996 et procède à des travaux de sauvegarde. Les locaux attenants sont aussi rénovés, l’habitation du meunier transformée en gîtes communaux.
Toujours dans son décor ancestral préservé, la plus grosse des meules, encore en état de marche, fonctionne lors des Journées du Patrimoine, mais le moulin sommeille. C’est en 2013 qu’une jeune entrepreneuse s’intéresse à ce patrimoine collectif. Carole Marfaing recherche des locaux où installer l’activité qu’elle veut créer.

Moulin de Sinsat : Carole Marfaing. Cliché Muriel Cavanhac

Le Moulin de Sinsat lui paraît tout indiqué pour développer sa biscuiterie, et elle reçoit un accueil très favorable de la municipalité. Les locaux sont donc loués à la biscuiterie du moulin. Cette activité nouvelle prend tout son sens, en continuité de la tradition meunière du bâtiment. L’accord conclu avec la municipalité permet à la petite entreprise de créer quatre emplois, dédiés à la fabrication et la commercialisation de biscuits artisanaux. En même temps, l’équipe assure la visite permanente et gratuite du vieux moulin. Sorti de sa torpeur, le bâtiment retrouve une nouvelle vie. Petit clin d’oeil à l’histoire, les biscuits du moulin sont élaborés à partir de farine bio de petit épeautre cultivé localement et moulu par le producteur lui-même, avec des meules de pierre.

Les délicieux biscuits  » lantounets » du Moulin de Sinsat. Cliché Muriel Cavanhac

Venir au Moulin de Sinsat, c’est désormais la découverte d’un patrimoine préservé et son corollaire : une visite gourmande !
À déguster sans tarder, toute l’année au moulin, à commander sur le site internet ou plus malin, lors des Journées Européennes des Moulins (troisième week-end du mois de mai) ou des Journées Patrimoine (troisième week-end de septembre). À cette occasion, le vieux moulin reprend du service pour produire sa belle farine complète lors de la démonstration.

LES BISCUITS DU MOULIN
Avenue Paul Berdot – 09310 SINSAT – tel 0561653745
www.lesbiscuitsdumoulin.com

Article paru dans le Monde des Moulins n°64 d’avril 2018

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