Le site des Moulins de France
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Situé rive droite du Dourdou, dans le Rougier du vallon de Marcillac, à proximité de Villecomtal, fondé en 1295 par Henri II, comte de Rodez, le site de Malbosc fut au XIXe siècle un lieu de rencontre des fidèles de La Petite Église anticoncordataire.

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Site de Malbosc – Photo Jacky Jeandot

1. Repères historiques
Le 15 juillet 1801, après d’âpres négociations, Bonaparte, Premier Consul, et le Pape Pie VII, nouvellement élu au trône de Saint Pierre, signèrent un pacte qui mettait fin au schisme de la Constitution Civile du Clergé, promulguée en juillet 1891 par l’Assemblée Constituante.
Ce Concordat ne fut publié en France qu’en 1802 pour permettre au Premier Consul d’y insérer, à l’insu du Pape, les articles dits « Organiques », dont certains étaient contraires à la doctrine ou aux canons de l’Église romaine ; d’autres encore supprimaient de nombreuses fêtes chômées, qui pourtant servaient de repères aux actes importants de la vie civile.
Dans une quarantaine de diocèses et en Wallonie (la région de Liège était alors département français), ces dispositions unilatérales furent rejetées par des groupes de paroissiens localement soutenus par des prêtres ou des religieux au lourd passé d’insoumis aux divers gouvernements révolutionnaires.
Bien qu’appelée La Petite Église, ce mouvement ne fut jamais une organisation hiérarchisée, et aucun des évêques favorables à sa résistance n’a cru bon de lui consacrer de nouveaux pasteurs pour la faire perdurer. La région de Villecomtal en était un centre des plus actifs, au point d’être considérée comme la Petite Rome, sous l’impulsion des abbés Delhom et Régis, les derniers prêtres de la dissidence en Rouergue.
Le retour de Louis XVIII et la publication de sa Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 ne modifièrent en rien la conviction des adeptes de La Petite Église surnommés « les enfarinés » car, pour assister à leurs cérémonies religieuses, les hommes poudraient leur chevelure avec de la farine.
Le Concordat de 1801 fut abrogé par Louis XVIII et le Pape Pie VII qui, dans la Convention du 17 juin 1817, déclarèrent qu’il était intégralement remplacé par les dispositions du Traité signé le 18 août 1516 à Bologne par François Ier, roi de France, et le Pape Léon X. C’était là un retour à l’Ancien Régime royal qui aurait dû satisfaire les dissidents.
Après le décès tragique d’Antoine Régis, dernier prêtre de la dissidence rouergate, les femmes organisèrent, devant une chasuble, des réunions de prières sans prêtre pour perpétuer les rites. Les certitudes s’affaiblissant avec le temps, l’absence de prêtres, donc de sacrements, et le vieillissement des fidèles incitèrent certains Enfarinés à demander conseil au pape Pie IX. La réponse du pontife rassura pleinement les auteurs de la démarche (Félix Costes, Arnal, Combettes des villages de Mouret, Sénepjac, Villecomtal), et ce fut la fin de la dissidence rouergate. Mais dans le Cantal, à Cassaniouzes, une famille entière, les Malbert du hameau de La Bécarie, fit sa soumission à l’évêque de Saint-Flour quelques années plus tard, et la tradition orale veut qu’en 1934, un vieillard du village de Muret-le-Château (en Aveyron) aurait dit sur son lit de mort : « Soy Enfarinat » pour refuser les secours spirituels d’un prêtre catholique.

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Réponse pontificale – Photo Jacky Jeandot

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Gravure sur une des deux portes du moulin – Photo Jacky Jeandot

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Le site de Malbosc – Photo Jacky Jeandot

2. Le moulin
Malbosc se trouvait desservi, avant l’ouverture des routes départementales n°13 et n° 9 en 1826, par trois chemins vicinaux d’intérêt local. Les phénomènes météorologiques remarquables (évoqués par le Bureau de Charité dans ses procès-verbaux des années fin 1870, début 1880 : violents orages répétitifs, pluies surabondantes prolongées), ont peut-être provoqué la ruine du bâtiment primitif, reconstruit en 1880 plus en amont, à proximité de la maison du meunier.

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Plan cadastral Napoléon. En encadré rouge, le site de Malbosc – Photo Jacky Jeandot

Cette reconstruction s’est faite en partie avec des matériaux récupérés, dont deux portes en bois brut : l’une couverte de dessins au charbon de bois relatant maladroitement certains épisodes vécus par les abbés Delhom et Régis, l’autre présentant les noms gravés au couteau des principaux meneurs des Enfarinés, sans qu’il soit possible de les dater faute de sources indiscutables.
Le moulin figure dans l’état récapitulatif des usines en activité au 31 décembre des années 1922, 1923 et 1924. À cette date, l’exploitant était un certain Mouysset.
Un réservoir d’eau comprenant cinq vannes à crémaillère pourvoyait aux divers besoins d’énergie par l’intermédiaire d’arbres de transmission verticaux mus par des turbines qui ont toutes disparu. La machinerie comprend encore deux grosses meules en grès et les accessoires qui y sont liés.
La configuration en place permettait de turbiner environ 5m3 sous 1,80 m de chute.
La puissance maximale brute était donc de 88 kW.

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Le site de Malbosc. Vannes d’entrée – Photo Jacky Jeandot

3. Les exploitants
Un certain Marcel Foulquier y était meunier en 1669. On retrouve sa descendance en la personne d’Antoine (1770-1854), époux de Marie Galtier, décédée en 1838, qui lui a donné deux filles et trois garçons. Cet Antoine devait être prospère, car son nom figure sur la liste des plus gros contribuables de Villecomtal (conseil municipal du 25 août 1850).
L’aîné des garçons, Antoine (1802-1871), meunier à Malbosc, figure également dans la même liste (conseil municipal du 4 juin 1854). De son mariage avec Antoinette Breguin, il eut sept enfants, et cinq autres de ses deuxièmes noces avec Marguerite Besse. La lignée des Foulquier (Foulquié), meuniers à Malbosc, s’est éteinte en la personne d’Olga Mouysset, épouse de Raoul Jules Étienne Albespy.

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Intérieur du moulin – Photo Jacky Jeandot

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Intérieur du moulin – Photo Jacky Jeandot

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Intérieur du moulin – Photo Jacky Jeandot

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Graffiti sur machine – Photo Jacky Jeandot

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Canal d’évacuation – Photo Jacky Jeandot

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Axes des turbines – Photo Jacky Jeandot

4. La Porte des Enfarinés
La découverte de ce document exceptionnel : des dessins au fusain sur une des portes du moulin, des noms gravés côté extérieur, des dates en partie illisibles, fut le fait du hasard lorsque, au cours d’une nouvelle visite des lieux, les yeux d’une participante se portèrent sur le nom de Félix Costes, Enfariné notoire. Jusqu’alors, ces graffitis, connus par de nombreuses personnes, passaient pour avoir été faits par des enfants traçant le trajet qu’ils devaient emprunter pour se rendre à l’école.

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Porte des enfarinés – Photo Jacky Jeandot

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Détails de la porte des enfarinés – Photo Jacky Jeandot

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Gravures – Photo Jacky Jeandot

Avec le nom de Félix Costes, on peut lire également ceux d’Arnal (surmonté d’une croix), autre Arnal, celui de Jean Combette, qu’on retrouve dans l’acte de décès de l’abbé Delhom (20 juin 1837), et celui d’Eugène Cambon. Un des deux derniers acquéreurs de ce moulin, Christophe de Bonneville, a su sauvegarder les bâtiments. Et l’actuel propriétaire, David Wall, comprenant l’intérêt historique de cette découverte, a fait don de cet unique témoignage des Enfarinés à la commune de Villecomtal.
Désormais, cette porte est présentée dans un musée « l’Espace des Enfarinés », situé place de la mairie, ouvert au public en juillet-août et sur demande auprès de la mairie.

Pierre Roudouly, président de « Terre des Enfarinés »
Paru dans le Monde des Moulins n°58 – Octobre 2016

Catégories : Histoire

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