En attendant que nos spécialistes nous fassent découvrir Cucugnan, son moulin, son château cathare et ses environs …
Comme partout, les hommes de cette région tout aussi ingénieux, ont su utiliser l’énergie éolienne, hydraulique ou animale pour améliorer leurs conditions de vie. Tout en respectant la terre nourricière, ils s’organisaient sur
place, surent s’adapter au relief, aux ressources naturelles, au vent d’Autan, Marin et de Cers. Ils produisaient localement, et consommait les produits sur place.
Apparus très tôt dans l’Aude, un grand nombre de moulins subirent les aléas de l’histoire. Construits, reconstruits, fortifi és, à eau, à vent comme en témoignent de nombreux ouvrages, tel que « Histoire du Pays de Sault, les Moulins » et bien d’autres signés : Mercier, Rivals, Armengaud.
Il fallait se nourrir; des moulins fariniers s’implantèrent un peu partout. L’homme a besoin de planches, de fers, de clous, de tissus. On transforme les sites de moulins fariniers, ou on ajoute une autre unité de production au fi l des ans, des besoins, des évolutions (foulon, scierie, forge, martinet, fi lature, papeterie) comme dans le pays de Sault dans la vallée du Rebenty. Un récent travail de la Société d’Etudes Scientifi ques de l’Aude (2007) signale près de quarante-cinq « usines » recensées le long du Rebenty, rivière modeste mais nerveuse : dix-huit moulins à farine, quinze moulins à scier, trois moulins à fer (forges à la catalane) deux moulins à huile, deux moulins foulons et cinq usines électriques dont la plus ancienne fut construite en 1900.
Moulin fortifi é de Canet. Photo D.Charpentier
Les moulins fariniers du Rébenty ont utilisé la roue horizontale ou rodet. Les scieries, les forges, les fi latures et les tissages de cette région ont utilisé aussi la roue verticale. Il y avait onze forges en 1785 dans le diocèse d’Alet.
À partir de 1889, la haute vallée de l’Aude connaît un essor important de l’hydroélectricité. Elle fut même un des premiers départements dans le domaine du transport et la production d’hydroélectricité grâce aux usines d’Alet et de Quillan.
Moulin de Canet vers 1893. Collection JPH Azéma
Moulin de Canet vers 1900. Collection JPH Azéma.
L’enquête de 1809 annonce 287 moulins à vent. L’Aude offre encore quelques sites :
• les forges à la catalane de Sainte-Colombesur- Guette, de Gincla, de Roquefort-de- Sault, de Padern…
• les anciennes scieries de Puylaurens, d’Axat, de Roquefeuil, de Belfort-sur-Rebenty, de Bize-Minervois…
• les manufactures drapières des XVIIème et XVIIIème siècles de Montolieu, de Conquessur- Orbiel, de Cuxac-Cabardès, de Bize-Minervois, de Cennes-Monestiés, de Villardonnel, de Carcassonne, de Saissac,…
• les anciennes fi latures de Saint-Denis, de Chalabre, de Limoux, de Sainte-Colombesur- l’Hers, de Carcassonne, de Cenne-Monestié…
• l’ancienne usine textile «Rabier» de Lastours,
• le moulin à papier de Brousses ;
• les anciennes minoteries de Naurouze à Montferrand, de Saint-Roch à Castelnaudary, de Puichéric, de Canet, de Lézignan- Corbières, d’Espezel, de Trèbes,…
• les moulins à vent de Villeneuve-la-Comptal, de Castelnaudary, de Villasavary, de Pexiora, de Laurabuc, de Mireval-Lauragais, de Pecharic-et-Le-Py, de Saint-Amans, de Pech-Luna, de Les Cassès, du Mas-Saintes- Puelles, de Baraigne, de Ribouisse, de Villesiscle, de Montréal, de Villeneuve-Minervois, de Félines-Minervois, de Saint-Laurent-de- La-Cabrerisse, d’Ornaisons, de Roquefortdes- Corbières, de Feuilla, de Sigean, de Lapalme, d’Albas, de Coustouge, de Nébias, de Fontcouverte, de Cucugnan…
• les moulins hydrauliques de Saint-Martin- Lalande, de Labécède-Lauragais, de Belpech, de Moussan, de Narbonne, de Limoux, de Montolieu, de Cenne-Monestiés, de Brousses-et-Villaret, de Fontiers-Cabardès, de Montazels, de Sainte-Colombe-sur- L’Hers, de Rivel, de Montfort-sur-Boulzane, de Quillan, d’Espezel, de Belfort sur-Rebenty, de Rodome, de Niort-de-Sault, de Camurac, d’Arques, de Campagne-sur-Aude, d’Albas, de Luc-sur-Orbieu, de Termes, de Lagrasse, de Saint-Pierre-des-Champs, de Lanet, de Tuchan…
Moulin de Canet – Photo D.Charpentier
Vestige des meules encore en place – Photo D.Charpentier.
• les centrales hydroélectriques de Saint- Georges à Axat, de Quillan, de La-Fajolle, de Niort-de-Sault, de Joucou, de l’étang de Marseillette. Aujourd’hui, le département de l’Aude est le premier département en ce qui
concerne le nombre d’éoliennes installées. Il existe cent treize éoliennes en fonctionnement. Elles produisent environ 91 MW ce qui représente la consommation domestique d’électricité d’environ 100 000 personnes
• la vallée du Faby, fabrication du plâtre à travers la carrière de gypse et le moulin à plâtre aux meules de grès. (Mas Ste Puelles).
Pas de moulin farinier, à plâtre, à papier, à aiguiser, sans meule et sans carrière de meules. Si le coeur vous en dit, si vous aimez « crapahuter », si la géologie ne vous rebute pas quelques centres d’extraction meulier fournissaient les moulins environnants. Peut-être serez-vous alors guidés par des noms évocateurs tels que : Meulière, Moulières, Molières, Morlières, Merlières. Sur la commune de Cucugnan, essayez d’approcher le site de Las Molhes. La meulière de Parahou, dans les Corbières, mentionnée dès 1160, est accessible et présente de beaux vestiges: à Moleville au lieu-dit les Moulières on signale un site en rive nord du lac artifi ciel de la Ganguise.
Moulin de Canet – Escalier intérieur – Photo JL.Zerr.
Moulin de Canet – Escalier intérieur – Photo JL.Zerr.
Quel avenir pour le Moulin de Canet ?
Ce moulin fortifi é, classé monument historique (I.S.M.H 1948), est situé dans la commune de Canet, département de l’Aude, à une douzaine de kilomètres de Narbonne (canton Narbonne Ouest), région du Languedoc-Roussillon, Communauté de Communes de la région lézignanaise. Le moulin est situé à quatre kilomètres de la commune.
Le moulin de Canet appartenait aux archevêques de Narbonne en vertu d’une donation attribuée à Charlemagne. Il était, à ce titre, noble et donc exempt de redevances, mais aussi banal, c’est à dire d’usage obligatoire pour les habitants de Cantet et de Ventenac. Son importance est attestée par le montant du bail : 1900 livres et dix paires de chapons en 1752 après les travaux de construction. Vers 1855, il est agrandi et transformé en minoterie par la famille Barthez. Au XXème siècle la famille Ponrouch l’abandonne après un incendie en 1928, pour le moulin de Saint Nazaire. A côté du moulin proprement dit, une tour fortifi ée hexagonale, de 24 mètres sur 10, pour une hauteur conservée de 17m, servait probablement de grenier et de réserve. La salle de rez-de-chaussée de forme pentagonale est encombrée par du limon de crue. Son angle ouest sert d’éperon. Elle se
compose d’une voûte en berceau plein cintre avec deux séries de trois arcatures en arc brisé.
Moulin de Canet – Salle voûtée – Photo JL.Zerr.
Les murs ne sont percés que par des baies très étroites. La corniche en quart de rond, située à la naissance de la voûte, supportait un plancher divisant en deux ce volume haut de 6m. Les trous de solives très rapprochés indiquent une recherche de solidité sans doute à cause des lourdes charges qu’il était destiné à supporter. Cet étage intermédiaire possède ses propres ouvertures.
Moulin de Canet – Photo JL.Zerr.
Au-dessus une seconde salle est couverte par deux travées en berceau brisé portées par trois arcs doubleaux. Les murs sont percés d’une douzaine d’archères. La terrasse sommitale conserve les restes d’un garde-corps crénelé. Dans « la Meunerie Française » n°96 d’août 1893 on peut lire : « C’est là que Marc Boyer (propriétaire exploitant) a installé sa minoterie dans d’anciennes constructions qui ont conservé l’aspect de vieilles forteresses… C’est principalement à Narbonne que M. Boyer écoule sa fabrication ; là, il y a une population de presque 30.000 habitants un débouché naturel… La minoterie de Canet est restée fi dèle à ses traditions de travail et de culte de progrès. L’outillage y est moderne et si la fabrication journalière n’atteint pas le gros chiffre de celles qui peuvent l’environner, on y travaille bien, avec des outils qui montrent par leur variété et leur provenance le savoir-faire du maître de l’usine.
Moulin de Canet – Photo JL.Zerr.
C’est ainsi que nous rencontrons dans le nettoyage une laveuse système Alibert et Cie, munie de son nouveau cuvier-épierreur, un épurateur complet de Lhuillier frères de Dijon. La mouture s’effectue avec un fendeur Rose frères de Poissy, un comprimeur Muzey d’Auxerre, un broyeur Hignette de Paris, deux appareils à cylindres de Bulher d’Uzwill. En ajoutant à cela des sasseurs système Rose frères de Poissy, et des bluteries à pans, nous constatons que Marc Boyer est parfaitement bien outillé pour travailler ses 400 kilos de blé à l’heure et fournir à sa clientèle une excellente farine ».
La dernière visite que nous avons effectuée fi n février au moulin de Canet nous laisse sans voix. Nous sommes tristes de constater que le classement d’un tel monument ne veut rien dire fi nalement. Si des mesures ne sont pas prises pour conserver la ruine même en l’état, nous ne tarderons pas à contempler un tas de pierres qui portera toujours la mention I.S.M.H.
Sur la terrasse sommitale, un fi guier a élu domicile et essaie de trouver de quoi se nourrir entre les briquettes de la voûte. La salle du rez-dechaussée est inaccessible tant le limon des crues répétées s’est déposé.
Ce site appartient à un propriétaire privé. Peutêtre pourrions-nous étudier un projet de chantiers annuels pour enrayer la dégradation et consolider les ruines ?
Jean Louis Zerr, Association Moulin d’Ici et d’ailleurs 82 – Article paru dans le Monde des Moulins – N°29 – juillet 2009
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