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J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article sur les farines talquées qui a paru dans le Chasseur Français du 1er juillet. Il serait grand temps que l’on traque impitoyablement tous les fraudeurs et en particulier ceux qui fraudent les farines. Le mal est plus grand qu’on ne pense; aujourd’hui, il y a bien peu de minotiers et de boulangers qui ne pratiquent cette fraude; car, ils réalisent ainsi, au détriment de la santé publique, un bénéfice considérable. Le talc, le sulfate de baryte, la poudre de marbre ou d’albâtre sont employées suivant les régions .On vend cette farine 3 francs les 100 kilogr., de sorte que le minotier qui fait 100 sacs par jour réalise ainsi un bénéfice quotidien de plus de 400 francs. Comme on ne les a jamais poursuivis jusqu’à ce jour, peu nombreux sont ceux qui ont résisté. Dernièrement, je causais avec un ancien minotier, il me raconta que, pendant longtemps, il avait refusé les offres des voyageurs de commerce qui venaient lui offrir des farines de marbre. Mais ceux-ci ne se décourageaient pas; ils lui disaient : “Cette poudre ne nuit pas à la santé; ce qui le prouve, c’est que voilà plus de trente ans que notre maison en vend et jamais la justice n’a poursuivi; vous pouvez en mettre sans crainte; d’ailleurs, tous vos confrères des environs en mettent ainsi que les boulangers”. A la fin, il se laissa convaincre et pendant les dix dernières années qu’il a exercé, il en a mis le 5% et jamais on ne lui a rien dit. Celuilà est cependant un homme qui passe pour être honnête; que doivent faire ceux qui ne le sont pas ! Dernièrement, notre juge de paix va mettre les scellés chez un boulanger décédé, il trouva cinq sacs de farine de marbre et demanda aux personnes présentes ce que c’était que cela, et on lui répond sans fausse honte: “C’est de la farine de pierre qu’on mélange à celle de blé pour donner du poids, et tous en mettent”.

J’ai connu le premier qui a fabriqué cela, il y a environ 35 ans, et un jour il me raconta la première tournée qu’il fit chez les minotiers pour placer sa marchandise. Il leur disait : “Voilà une farine très lourde que je vous vends 4 francs les 100 kilogr., vous pouvez en mettre 6 à 7 kilogr. par sac et personne ne s’en apercevra, au contraire, elle rendra le pain plus blanc et vous réaliserez ainsi de très grands bénéfices”. Presque tous me mirent à peu près à la porte en me traitant d’empoisonneur. Je ne m’intimidai pas et partis, laissant mon prospectus. De retour chez moi, je fus très agréablement surpris en recevant des commandes de ceux qui m’avaient le plus mal reçu. Depuis, le mal n’a fait que grandir ici, tout près, nous avons un moulin qui ne fait que broyer du marbre blanc ; nous en avons un autre qui fait de la farine de noyaux d’olives et de coquines d’amandes. A Marseille, il y a 5 à 6 moulins qui font soit du talc, soit de la farine de marbre ; à Saint-Raphaël, il y en a 3; enfin, il y en a plusieurs dans la Savoie et les Pyrénées. Consulté au sujet du talc introduit dans le pain, un illustre médecin dit : “Le talc est un constipant énergique, il occasionne des troubles graves dans l’organisme.” II faut ajouter à ces inconvénients: l’insuffisance nutritive du pain contenant du talc et le défaut de ce minéral, qui ne peut qu’encombrer l’estomac et le détraquer. Il est réduit en farine qui paraît impalpable, eh bien examinée au microscope cette farine présente des angles coupants ; ils sont tout à fait semblables aux pierres cassées qui servent à empierrer les routes ; introduits dans l’estomac, mêlés aux aliments, ils sont roulés dans tous les sens et déterminent une irritation ayant des effets nocifs et dont la continuation peut amener les plus graves désordres : constipation opiniâtre, neurasthénie, appendicite, coliques hépatiques ou néphrétiques, etc. Le talc sert aux cordonniers et aux gantiers pour faire glisser les chaussures et les gants, il sert aussi à mettre dans les pneus et à faire des cosmétiques. Son usage légal est donc peu limité. Par contre, il est pour la fraude d’un usage considérable. On en met dans les bougies, dans le savon, dans le papier, dans le sucre, dans la céruse, etc. Son usage devrait être proscrit et si, au nom de la liberté, on ne peut en empêcher la fabrication, on devrait exercer les fabricants et l’imposer de 0 fr. 50 par kilogr. On serait ainsi sûr qu’on n’en mettrait plus dans le pain et M. Caillaux trouverait là des ressources qui ne seraient pas à dédaigner. Vous donnez un moyen pour distinguer la farine qui contient du talc ; mais il ne peut être utilisé que pour la farine où les minotiers en mettent. Les boulangers, eux, font le mélange dans le pétrin, il faudrait donc indiquer le moyen facile de découvrir la présence du talc dans le pain. Si vous voulez bien insérer ces quelques lignes, probablement un de vos nombreux lecteurs nous indiquera un moyen facile. Tous les braves consommateurs, toujours trompés, pourront alors faire l’expérience eux-mêmes et on arrivera ainsi à traquer les fraudeurs dans toutes les régions.

 

SASSAUD, Receveur des finances Montélimar (Drôme) – Article paru dans le Monde des Moulins – N°12 – avril 2005

Catégories : Technique

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