Le site des Moulins de France
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Lors de l’assemblée générale de la Fédération, les 25, 26 et 27 Avril 2003, nous aurons l’occasion de visiter le moulin du Ressec. Nous vous le présentons ici.

Depuis quelques décennies, les moulins à grains de nos vallées se sont tus. Au début du vingtième siècle, les eaux du Garbet et des ruisseaux qui y affluent actionnaient les rouets de pas moins de dix moulins, chacun avec deux ou trois paires de meules, qui transformaient les céréales en farine.
L’ère industrielle avait sonné le glas de nos activités montagnardes, la désertification commencée vers 1800, s’est accélérée avec la triste saignée de 1914-1918. Après 1945 ils ne sont plus que trois ou quatre moulins à tourner sur le Garbet, en deçà de leur capacité de transformation. Le silence a fait oublier, et pour longtemps, les tac tac caractéristiques à chaque unité de mouture des moulins. Ils étaient les révélateurs de leur vie.

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Roue par en dessous actionnant la scierie. Moulin de Ressec (09) – photo Eric Charpentier

Le bon entretien du moulin de Ressec par ses propriétaires a sauvé celui-ci du désastre des ruines. La bâtisse est en granite. Le moulin à grains s’est implanté à côté du moulin à scier (en patois, ressec=scierie) qui existait.
Depuis quand existait-il? A la fin des années 1500, la scie était en activité. Depuis combien de temps: un siècle?
Deux? Actuellement, la scie est une battante (alternative) à une lame, animée par une “roue en dessous”, verticale de diamètre 80cm x largeur 70cm qui transmet son mouvement par l’intermédiaire d’un système bielle- manivelle à un châssis portant la lame. Vitesse: de quelques dizaines à une centaine d’allers-et-retours par minute, course: 50 cm, course du chariot: 4,50 mètres (on l’appelait l’échelle: éra ecalo), avance par roue dentée et chaîne.Quand a-t-on mis en route une meule à côté de la scierie? On ne peut le dire avec exactitude. Certains indices nous font penser au XVIIème siècle. Des modifications et agrandissements ont eu lieu au cours des XVIII et XIXèmes siècles. En 1791, deux meules ont été mises en route. Des meules usées se trouvent dans les fondations de la soute, dans le seuil de la porte d’entrée, dans l’âtre de la cheminée, etc… 
Les céréales moulues étaient le maïs, le seigle, un peu de blé et le blé noir ou sarrasin. La farine de sarrasin était destinée aux crêpes ( pescajous dé blatch nèr) et pour la pâtée des volailles.

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Le propriétaire, Monsieur DUPONT – Moulin de Ressec (09) photo Eric Charpentier

En 1972: fermeture définitive du moulin, faute de grain.

La force motrice est l’eau du Garbet, amenée d’en amont par un canal de plus de deux cents mètres de long, ce qui permet une chute de trois mètres.
L’eau derrière le moulin forme une petite réserve d’équilibre (boutas). La prise d’eau sur la rive droite du Garbet se fait par une chaussée, au lieu-dit Anglade, (rive gauche, la chaussée est près de l’ancienne forge, Angladure).
Derrière le moulin, trois vannes permettent d’alimenter trois rouets (roudets)(9) qui actionnent, chacun, une paire de meules. Les rouets sont des roues à augets ou cuillères, horizontales à axes verticaux. Ces roudets étaient en bois de hêtre, de 1 ,20m de diamètre et 15 centimètres d’épaisseur. Actuellement, deux rouets sont en ciment armé (fait  sûrement rarissime) construits dans les années 1950. Le troisième rouet est en acier. Deux rouets sont frappés par la force vive de l’eau, amenée sur les cuillers par un gros tube conique. Le troisième reçoit l’eau par une rayère (un fond et deux côtés). Une paire de meules en silex avec un quart de granite pour la tournante était alimentée en sarrasin et
maïs. Une autre paire est en granite monobloc (diamètre: 1,45m) réservée pour la mouture du maïs. La troisième paire en silex blanc (quartiers cerclés) était réservée pour moudre le seigle, le sarrasin et le blé. Poids des tournantes: 1200
Kg et de 1100 à 1500 Kg pour les gisantes (siètis). Vitesse de rotation: de 60 à 120 t/mn.
Le grain est versé dans la trémie (13) par le meunier et distribué avec précision par l’auget (14) petit récipient suspendu à la trémie par des ficelles et secoué par le frayon (2). Le frayon, ou martinet ou traquet, est une pièce
en bois usinée par tournage, de 80 cm de haut, vers le milieu des barres (3) de fer parallèles à l’axe, celles-ci secouent l’auget lorsque la meule tourne. Le frayon est entraîné en rotation par la tête de l’arbre de meule. Ce distributeur appelé “baille-blé” est le premier régulateur connu, mis au point au XVIème siècle. Composé de deux éléments, il ne  supporte ni ne fournit aucun effort, contrairement aux autres pièces en mouvement. Avant sa découverte, des systèmes archaïques à vibrations existaient. Le tac-tac est le résultat du contact des barres de fer du frayon avec la tête de l’auget (canalet) (5).
L’espacement des barres de contact de précision relative, le contact avec du bois, du cuir ou du fer, le faux-rond éventuel, donnent des sons différents en intensité et régularité, ces tac tac tous différents sont les cartes d’identité sonores pour tous ces moulins et une aide précieuse pour le meunier.
Dans une des trois unités où l’on moud le sarrasin, le contact fer/fer est très utile pour la surveillance sonore. La
trémie chargée, le meunier libère l’eau vers le rouet par l’ouverture de la vanne (respaoumo). Celui-ci entraîne l’arbre de commande (8) et, par l’intermédiaire de l’anille (15), la meule de dessus (16) se met en route lentement jusqu’à
atteindre la vitesse de travail de 60 à 120 t/m. Les grains véhiculés par l’auget, tombent dans I’oeillard de la meule tournante, et deux petits balais en genêt, des battants attachés à l’anille, projettent les grains vers la périphérie des meules, une promenade en spirale commence entre les deux meules. Les grains écrasés entre les meules se transforment en farine, celle-ci sort du coffre (appelé archures) (17) qui entoure la tournante, par une anche (7) et tombe dans la huche (farneiro) (6).

Le meunier dispose de trois réglages pour affiner plus ou moins sa mouture:
1- écarter ou serrer les meules en descendant le levier (4), on soulève le sommier (12) et la meule tournante (16) s’écarte de la gisante (18) le levier est tenu en position par l’enroulement d’une corde munie d’un contre-poids.Un montage simple de leviers permet de soulever ou d’abaisser la meule de dessus appelée courante ou volante. (anciennement: boulant).
2- incliner plus ou moins l’auget qui amène plus ou moins de grains entre les meules.
3- régler la vitesse de la meule par la quantité d’eau admise par la vanne. 

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Un bon équilibre entre ces trois réglages permet un rendement maximum en respectant la demande du client. Pour 100 litres de maïs transformés en farine panifiable, une heure et demie est nécessaire, pour du concassage, quelques dizaines de minutes. Pour moudre le blé noir, la vitesse est particulièrement à surveiller, car la fleur de farine envahit tout le moulin. Moins de problèmes pour le seigle et le blé. On n’arrête pas la meule entre deux clients. La trémie vide, on vide l’auget à la main, on puise la farine et les opérations recommencent.
La meule pour le maïs peut tourner plus de quinze heures sans arrêt. Début de l’hiver il y a presse pour le maïs, très utilisé pour le millas (pain de maïs) et le liouret (galette que l’on appelle à tort actuellement: millas) mais surtout pour la nourriture des cochons qui seront tués en janvier février.

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Le banc de scie – Moulin de Ressec (09) – photo Eric Charpentier

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Les rouets – Moulin de Ressec (09) – photo Eric Charpentier

Comme pour tout outil, l’entretien des meules est important. Il faut raviver la partie active; cette opération s’appelle piquer les meules (pica éras peyros). Cela consiste à redonner du mordant à la pierre sans trop de tranchant. Contrairement à beaucoup d’autres moulins, il n’existe pas au moulin du Ressec de dispositif de levage mécanique pour retourner la meule tournante et avoir accès aux faces de travail.
On agit avec simplicité, précision, effort et prudence. On déplace la meule vers l’arrière, trois rouleaux la soutiennent, puis en deux manoeuvres on la retourne, le dessous dessus, afin de pouvoir piquer la face de travail avec un marteau à pointes. Les deux meules sont côte à côte. Il s’agit d’un travail sérieux et très important sur les deux meules, qui doit être mené dextrement et rapidement afin d’en réduire l’immobilisation. La remise en place s’accompagne d’un nouveau réglage du parallélisme des deux meules (très important) du remplacement des battants (petits balais) du rattrapage du jeu de l’arbre vertical, du graissage du palier et de la vérification du pivot et de la crapaudine (11 ).

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La salle des meules – Moulin de Ressec (09) – photo Eric Charpentier

Bien entendu, au cours des décennies, l’usure des meules amenait à des travaux plus importants que le piquage. Pour l’entretien, les meuniers du moulin du Ressec ne faisaient pas appel à la main-d’oeuvre extérieure. Ils devaient savoir tout faire dans et pour le moulin.
L’entretien s’étendait également au canal, à la chaussée (païchère) qui a été reconstruite fin XIXème, aux vannes, aux rouets de hêtre (durée de vie: 10 à 20 ans) exposés aux cailloux et au sable, à tout le mécanisme des trois unités, sans oublier l’entretien de l’ensemble des mécanismes de la scie battante, très sollicitée. Vide incommensurable et silence,
poignants et nostalgiques, ont investi le moulin du Ressec, sans possible retour.

D’après Mr Dupont – propriétaire du moulin du Ressec – Article paru dans le Monde des Moulins – N°4 – avril 2003

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