Le site des Moulins de France
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Il était une fois un moulin vieux de plus de trois siècles, comme en témoigne l’acte du
23 août 1696 par lequel « messire Louis de Launay, chevalier comte d’Antraygues, a bailhé et bailhe par le présent acte à Pierre Peruchon, fils à feu Jean, du lieu de Fraissinet, paroisse de Juvinas, la faculté et la permission de faire et construire un moulin à blé en une pièce de pré appelé le pré du four ». Des générations de Peruchon, meuniers de père en fils, se sont succédé et ont fait farine en ce moulin jusque dans les années soixante.
Des anciens du village se souviennent encore y avoir transporté blé, seigle et noix. Pour atteindre le moulin construit sur la rive gauche de la Besorgues, il leur fallait s’aventurer sur l’étroit et périlleux pont de pierre qui fut longtemps le seul accès au moulin.

Façade Ouest du Moulin de Charrier – Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Ce moulin est équipé de deux rodets : l’un actionnant la meule à farine et l’autre, le moulatou (meule pour les noix et le colza). Le cassage des noix se faisait au cours des veillées, avec la famille et, parfois, les voisins. Les cerneaux de noix étaient portés au moulin pour y être écrasés dans le moulatou. La cuisson de la pâte ainsi obtenue requérait la plus grande attention. La pâte devait être tournée continuellement pour ne pas brûler. Insuffisamment cuite, elle ne se conservait pas ; trop cuite, elle avait mauvais goût. La pâte de noix chaude était ensuite versée dans la pierre du vieux pressoir à coins pour en extraire l’huile. L’huile de noix et l’huile de colza étaient utilisées pour assaisonner les salades. Deux kilos de cerneaux étaient nécessaires pour produire un litre d’huile de noix.

Les rodets du Moulin de Charrier
Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

La salle des meules avec Colette Véron et Alain Mazeau
Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Roger Perruchon, le dernier meunier, est mort vieux garçon en 1983, et le moulin « aux meules dormantes » a sommeillé jusqu’en 1987, date à laquelle une famille, venue de Belgique, a décidé d’acquérir le site et de lui donner une nouvelle destination. Baigné par les eaux de la tumultueuse Besorgues, implanté dans un magnifique cadre de moyenne montagne au cœur des Cévennes ardéchoises et du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, le Moulin de Charrier disposait de nombreux atouts :
7 ha de forêts de châtaigniers et de landes, dont 1 ha de prairie en bord de rivière, une bâtisse de 160 m² habitables et un moulin à l’abandon. Le nouveau propriétaire, artisan ébéniste, et sa famille n’avaient plus qu’à retrousser leurs manches pour réaliser leur projet de développement touristique du site en aire naturelle de camping, chambres d’hôtes et auberge. Les travaux effectués pour la mise en place de la structure d’accueil touristique ont permis au moulin de poursuivre son sommeil en toute tranquillité, tout en servant d’atelier et de débarras à son nouveau propriétaire.
Coïncidence certaine, c’est à partir du 1er mai 2006 que le moulin sera prié de sortir de sa longue période de « dormance ». En effet, il est mis en vente par son propriétaire, las d’arpenter les ingrates terrasses escarpées de nos Cévennes, et nos chemins se sont croisés :
nous sommes tombés sous le charme de la Besorgues, de ses jacuzzis naturels et de son moulin qui ne demandait qu’à tourner à nouveau. Depuis quatorze ans, nous menons parallèlement deux activités complémentaires : en tant qu’hébergeurs, nous développons notre structure d’accueil touristique qui se compose aujourd’hui d’une petite aire naturelle de camping de 18 emplacements, d’une auberge et d’un gîte de groupe pouvant accueillir 15 personnes. En tant que propriétaires d’un moulin dont nous habitons la fenière, située juste au-dessus de la salle des meules, nous réalisons petit à petit notre rêve un peu fou de remettre au travail les vieux rodets.

La Besorgues au Moulin de Charrier – Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Le bassin, adossé au moulin, était alimenté par une béalière, nom donné en Ardèche au canal d’amenée. La prise d’eau est située 300 m en amont. Le barrage n’a jamais été maçonné. Il consistait en un tronc d’arbre soutenu par deux arceaux toujours en place. Lorsqu’une crue emportait le tronc, il suffisait de le remplacer. L’acte du 23 août 1993 en poche, grâce aux recherches fructueuses de Brigitte Bonnefoi, généalogiste familiale, nous avons cru naïvement que notre droit d’eau était fondé en titre. Que nenni !
La police des eaux a déclaré le droit perdu du fait de « la ruine du barrage », bien que l’ouvrage n’ait jamais été maçonné. Nous avons la chance de pouvoir alimenter le bassin par une source et de disposer ainsi de l’eau nécessaire pour remplir l’écluse sans puiser dans la Besorgues.

La façade Est et le bassin avant les travaux – Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Construction du bassin – Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Nous avons bénéficié des conseils de Colette Véron et d’Alain Mazeau qui nous ont aidés à concevoir la réhabilitation de l’écluse d’origine en bassin naturel. Les premiers essais seront tentés dès que le forgeron aura réalisé les trompes et les augets détériorés. Nous attendons avec impatience le moment où les Bastidois et les touristes pourront enfin voir le moulin tourner à nouveau, ce qui renforcera encore le potentiel attractif de notre village et de notre structure d’hébergement touristique.

Le bassin et sa fresque en mai 2019
Photo Patricia Fournier et Bernard Cros

Patricia Fournier et Bernard Cros
Moulin de Charrier
Association Moulins et Canaux 07-26

Paru dans Le Monde des Moulins n°77 – juillet 2021

Catégories : Zoom

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