Le site des Moulins de France
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Moulin vers 1938

La construction du moulin de Yonville sur la commune de Citerne fut entreprise en 1860 et achevée en 1865. Le meunier Adolphe Bouly, âgé de 29 ans, venait de recevoir en donation de son père un moulin qu’il avait acheté en 1848. Ne pouvant plus moudre tout le grain qui lui était confié, il décida d’édifier ce second moulin plus performant à proximité du premier, à la distance voulue par la loi, c’est à dire 150 m du chemin.

Pour son nouveau moulin, Adolphe Bouly adopta le principe traditionnel du moulin- tour octogonal à toiture tournante mais lui apporta des améliorations techniques considérables. Construit sur un socle en briques, le moulin reçut comme il était d’usage, une robe constituée d’un essentage, de bardages posés à clin, euxmêmes recouverts par des tuiles en bois, qui furent également employées pour la couverture conique. Intérieurement, le moulin contenait, comme la plupart de ses homologues, au rezde- chaussée le blutoir, au premier étage les deux paires de meules et la trémie, au dernier niveau les mécanismes.

Le système adopté pour faire pivoter automatiquement la toiture et orienter les ailes face au vent, est une particularité pour la région. Une petite éolienne appelée « le papillon » était fixée à l’opposé des ailes. Le papillon en prenant le vent entraînait une vis sans fin et une crémaillère fixe circulaire en bois qui faisait pivoter la toiture jusqu’à ce que les ailes se stabilisent face au vent. Face aux difficultés de fonctionnement
de son installation, Adolphe Bouly serait allé à Londres afin d’étudier ce système né en Angleterre, inventé par un forgeron du Lancashire, Edmond Lee qui déposa en 1745 un brevet pour une machine éolienne autorégulatrice. Ce système fut amélioré par l’ingénieur Smeaton. De l’arrière du toit sortent deux grands bras porteurs d’un axe horizontal sur lequel est monté un moulinet à l’opposé des ailes. Pour recevoir le moulinet d’orientation, la rotation du toit est obtenue par engrenage d’un pignon denté et d’un chemin tournant à crémaillère. Le moulinet reste au repos dans l’axe du vent quand le moulin travaille. Si le vent change si peu que ce soit, il atteint alors le moulinet qui, ne pouvant rester au repos, se remet à tourner dans un sens ou dans l’autre. L’engrenage monté sur son moyeu transmet le mouvement à l’axe qui pénètre à travers le toit et entraîne le pignon interne sur la crémaillère du chemin dormant. La forte démultiplication due aux inégalités des pignons entraîne la lente rotation du toit et des ailes. Le moulin n’ayant nullement interrompu
son travail, de façon précise la bonne orientation est retrouvée automatiquement, les ailes tournent d’un mouvement régulier et le moulinet redevient inerte.

Le second progrès technique apporté par Adolphe Bouly à son moulin fut la mise en place des ailes à jalousie inventées par Meickle et Cubit en 1807. Ce système remplaçait avantageusement les traditionnelles ailes flamandes entoilées. Les jalousies sont des planchettes fixées perpendiculairement à l’arbre support pouvant s’ouvrir et se fermer en fonction de la force du vent, afin de réguler la vitesse de rotation des ailes. La commande des jalousies s’opérait de l’intérieur du moulin, tandis que celui-ci continuait de tourner.

En 1888 le moulin à papillon produisait en moyenne 5 quintaux de farine par jour tandis que le vieux moulin sur pivot ne donnait que 2,5 quintaux. La force du vent cessa de le faire tourner en 1930. Philippe Bouly y installa alors un moteur Diesel qui fonctionna jusqu’en 1939 puis fut remplacé par un moteur électrique. Arthur Lecointe signale que pendant la seconde guerre mondiale le moulin Bouly servit d’observatoire à l’armée française et ensuite à l’armée allemande. Le moulin cessa définitivement toute activité en 1950.

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Juin 2000, après une tempête

Dans un article du Courrier Picard du début des années 1980, Roland Dumont interviewait le propriétaire du moulin Alex Bouly. Voici quelques extraits de leur entretien : « … quand le dieu Eole avait décidé de souffler, le magnier et son aide ne dormaient que quelques heures seulement, parfois 4 heures en 2 jours ! l’aide s’appelait Colas. Il était de Limeux et ne rentrait que rarement au village, le dimanche après-midi,
s’il n’y avait pas de vent. Du blé, il en venait de partout, des alentours et de bien loin. Avant la saison (la moisson) on écrasait le seigle avec lequel on faisait aussi du très bon pain. Puis ech magnier n’hésitait pas à aller ramasser le blé pour le moudre : on allait cacher magnée, disaiton. A la ferme Bouly, on cuisinait aussi le pain et le four existe toujours. On vendait la farine  aux cordeliers d’Abbeville (pour coller la corde). L’on vivait chichement pour l’époque, mais on travaillait ». Parlant de la sauvegarde du moulin, on relève dans l’interview : « Le sauver : oui M. et Mme Bouly, les enfants du dernier meunier et leurs deux filles sont d’accord pour cela mais pas à n’importe quelle condition. Ce qui serait bien c’est qu’une équipe de bénévoles, guidée bien sûr par des spécialistes, attaque le problème et remette en état ce merveilleux moulin qui vaut bien un sacrifice. M. et Mme Bouly ont, il y a 26 ans, eu l’idée de faire recouvrir le moulin avec des tôles par le couvreur de Mérélessart. Personne dans la famille Bouly ne tient à confier ce monument aux Beaux Arts. Evidemment ce serait la bonne méthode mais après, la liberté, la jouissance de la propriété deviennent très aléatoires. Et la liberté chez les Bouly, c’est sacré. Alex Bouly serait plutôt tenté de déplacer le moulin. La suite de l’article est élogieuse pour la famille Bouly mais force est de constater que 20 ans plus tard, absolument rien n’a été fait. Le moulin n’a subi, semble-t-il, aucun entretien de la part des propriétaires. Chaque tempête le détériore un peu plus ; à l’heure actuelle ce n’est plus qu’une ruine. Que doit en penser Adolphe Bouly ? Ses héritiers, les responsables publics et les élus n’ont pas su s’entendre pour sauvegarder une partie importante du peu de patrimoine que nous possédons dans notre communauté de communes. Maintenant, peu d’espoir demeure vu l’état du moulin. Dommage !!!

D’après un compte-rendu de la section patrimoine des Amis du Centre d’Initiation Sportive (CIS), Communauté des Communes de la région d’Hallencourt (Somme) – Article paru dans le Monde des Moulins – N°28 – avril 2009

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