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Le numéro 12 du Monde des Moulins annonçait l’inauguration de la machine hydraulique du prince de Condé, reconstruite par l’Association du Pavillon Jacques de Manse. Revenons plus précisément sur ce bâtiment encore trop peu connu de Chantilly. Il est important de savoir que tous les travaux de restauration ont été effectués exclusivement par les bénévoles depuis 12 ans.

Les eaux de Chantilly

Le parc du château de Chantilly est ponctué de nombreux plans d’eau, et surtout par le grand canal long de 2600 m. Le creusement de ces canaux nécessite l’évacuation de 500 000 m3 de déblais. Quelques moulins seront actionnés par ces canaux, notamment un pour forer les tuyaux de bois nécessaires aux canalisations, et au 18ème siècle un petit moulin à farine (encore existant) dans un hameau précurseur de celui de Marie-Antoinette. Ces décors ne suffisent pas au prince de Condé qui veut des jets d’eau pour rivaliser avec les plus beaux parcs. Un aqueduc construit par Henri II de Montmorency permet bien quelques jets, mais insuffisants en hauteur et en nombre. Il faut donc avoir recours à une machine hydraulique, technique encore peu répandue. Celle de Chantilly, nommée le Pavillon de Manse du nom de Jacques de Manse qui participa à sa réalisation, sera l’une des premières grandes réalisations, après les deux pompes de Paris, mais 4 ans avant celles de Marly. Des pompes actionnées par la Nonette refoulent l’eau dans un réservoir situé en haut du Pavillon, d’où elle rejoint par un siphon les réservoirs construits à l’emplacement du champ de courses, 25 m plus haut que le niveau d’origine. A partir de là, l’eau est redistribuée vers les jardins par gravité. Construite à partir de 1678, elle est inaugurée en 1680. Elle pouvait élever 1500 m3 par jour.

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Vue du Pavillon, avec le bâtiment d’origine à gauche, le bâtiment du 19ème à droite, et en colombage l’abri de la turbine. photo S.Mary

Visite extérieure

Le pavillon de Manse ne comprenait à l’origine que le bâtiment situé à l’est. Un escalier permet l’accès au rez-dechaussée de grande hauteur, surmonté d’un étage couvert d’une toiture à l’impériale, autrefois surmontée d’un lanterneau qui abritait le réservoir. Lorsque l’on y pénètre, on découvre en plus un sous-sol, comprenant le bassin creusé dans le roc recevant les eaux de source et le coursier de la roue du 17ème siècle. Une telle architecture n’évoque pas les moulins, mais l’on peut retrouver une construction similaire pour le château d’eau d’Amiens construit à partir de 1751. Par la suite, un moulin destiné à la manufacture de porcelaine de Chantilly s’est élevé sur le canal de fuite, ainsi que d’autres pour des usages divers sur la rive opposée. Ces derniers bâtiments n’existent plus, et ceux sur le canal ont été repris au 19ème siècle pour créer une grande aile avec des installations techniques plus modernes et une blanchisserie. Propriété de l’Institut de France, l’ensemble des bâtiments et des machines a été classé en 1986.

La machine du Prince de Condé

Pour reconstituer la machine du Prince de Condé disparue en 1843, très peu de documents existaient sur le Pavillon: surtout des vues extérieures qui n’apprennent rien sur les mécaniques. Heureusement, lors de la visite du Comte du Nord, fils de Catherine II, le Prince de Condé offrit un album de plans en 1784 comprenant notamment 3 vues intérieures du Pavillon.

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Maquette de la machine, avec la conduite verticale de refoulement de l’eau qui était construite en tuyaux de cuivre – photo S.Mary

Ces vues, quoique très petites, ont permis une modélisation sur ordinateur de la machine par les élèves de l’Université Technologique de Compiègne dès 1996. C’est ce premier travail de restitution, complété par l’analyse des maçonneries en 2001, et une maquette en 2003, qui ont permis de pouvoir rapidement reconstituer la mécanique lorsqu’une opportunité s’est présentée en 2004. Une personne a fait don du bois nécessaire. La mise à disposition d’une scierie mobile, la participation d’un lycée professionnel et d’un compagnon du devoir ont permis avec les bénévoles habituels de construire la machine en moins d’un an. La roue en bois, d’un diamètre de 7m50 et 1m de largeur, était mue par le dessous. Chose assez rare, les 36 aubes sont inclinées. Construite à l’origine tout en bois, les rayons sont fixés sur des étoiles métalliques pour des raisons pratiques et de durée, cette partie étant quasiment invisible. Pour les mêmes raisons, l’axe est métallique, habillé de bois pour l’esthétique, et repose sur des roulements à bille. Elle est séparée de la machinerie par un mur, pour protéger les bois des éclaboussures. L’arbre moteur entraîne un hérisson vertical qui engrène dans deux lanternes horizontales.

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Engrenages et transmission en bois – photo S.Mary

Chacune est fixée sur un axe en fer coudé formant 3 manivelles. Elles entraînent autant de pompes verticales par l’intermédiaire d’un levier en bois. Les 6 corps de pompes verticaux en bronze sont immergés en partie basse dans le bassin des eaux de source. La marche des 6 pompes est légèrement décalée pour réguler au maximum la pression dans les tuyauteries. A l’origine, ces tuyauteries étaient essentiellement en bois, car celles en matériau traditionnel (grès ou en plomb) ne pouvaient convenir pour toutes les sections, et celles en fonte, une innovation pour l’époque, étaient trop coûteuses. Le canal de la roue ne pouvant être remis en eau, c’est un moteur électrique qui fait tourner l’ensemble.

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Etage inférieur de la machine hydraulique : les transmissions et les balanciers – photo S.Mary

Les machines du duc d’Aumale

Les machines hydrauliques jusqu’au début du 19ème étaient construites surtout avec du bois, ce qui entraînait d’énormes frais d’entretien et la reconstruction périodique de certaines parties. La machine conçue au 17ème siècle devenait de plus en plus désuète, et on la remplaça en 1843 par des machines métalliques. Une roue de plus petit diamètre à la place de l’ancienne, actionne une pompe verticale à balancier placée dans le bâtiment du 19ème siècle.

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Pompes horizontales de l’installation de 1876 – photo S.Mary

A son retour d’Angleterre, le duc d’Aumale souhaite bénéficier de l’eau potable, mais l’eau du bassin est trop calcaire. On va chercher l’eau dans un forage à 100 m de profondeur. C’est l’occasion en 1875 de renouveler largement les machines. La roue est remplacée par une turbine Fontaine de 2m80 de diamètre et 10 CV. Elle entraîne deux corps de pompes horizontaux qui sont liées à un réservoir d’air pour éviter les surpressions dans les canalisations, et la vieille pompe verticale conservée pour les eaux du parc. Cette installation est construite par la maison Bethouard et Brault de Chartres. Elle a fonctionné sans interruption jusqu’en 1978. Les travaux les plus importants pour remettre ces machines en route, ont été la réfection de la turbine qui s’était coincée en 1978, car la charpente de bois la soutenant s’était affaissée. Après analyse de la situation et accord des Monuments Historiques, il a fallut remplacer la structure porteuse en bois par une charpente métallique suspendue au plafond de la chambre d’eau, dans des conditions de travail particulièrement difficiles. L’ouverture au public a obligé également à fabriquer de nombreux garde-fous dans le style de l’époque, long travail de serrurerie. Ces installations ont été complétées en 1890 par une blanchisserie située dans le sous-sol, le premier étage servant d’étendage. Construite à l’origine pour l’usage du château, elle a fonctionné ensuite pour les besoins des habitants de la ville, ne s’arrêtant qu’en 1970. Elle était demeurée inchangée depuis sa construction : grand lavoir double surélevé, essoreuse, laveuse et des chaudières pour fournir l’eau chaude. Les machines étaient également actionnées par la turbine Fontaine.

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Roue vue du canal de fuite souterrain – photo S.Mary

Elle sert actuellement à présenter des expériences pédagogiques sur l’hydraulique à destination des scolaires. L’évolution des techniques au cours des siècles, qui ici se sont succédées côte à côte, permet aujourd’hui d’admirer 3 époques de conception des pompes en un seul lieu (et même 4 avec les pompes centrifuges de 1950), ce qui fait du Pavillon de Manse un lieu unique en France, et sans doute très rare au monde. On peut signaler pour finir qu’un bélier hydraulique a été construit avec un lycée professionnel, toute forme d’énergie hydraulique étant intéressante. Si des lecteurs en connaissent le fonctionnement, ils peuvent le signaler à l’association.

Stéphane Mary – Article paru dans le Monde des Moulins – N°15 – janvier 2006

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