Henri Louis Duhamel du Monceau, grand savant du XVIIIème siècle (1700-1782), membre de l’Académie des Sciences, est un véritable précurseur des encyclopédies car, dès 1761, il travailla à la publication de la « Description des Arts et Métiers » dont Diderot s’inspira. L’agronomie fut son domaine de prédilection. Son ouvrage, publié en 1753, intitulé « Traité de la conservation des grains et en particulier du froment », était destiné à décrire un procédé pour éviter que les graines fermentent et ne soient pas mangées par les rats, les oiseaux ou les charançons. Son mémoire
devant l’Académie des Sciences en 1745 fut très applaudi.
Moulin pour la conservation des grains, dessin de Fougeroux de Bondaroy (avec la permission des Archives de France).
Il s’agit d’un moulin à vent dont le grand arbre est vertical et les ailes horizontales, sur le même principe que les moulins de Perse au VIIème siècle avant JC, qui actionne deux gros souffl ets pour aérer le grain. Le terme de « moulin à la polonaise » parfois utilisé en particulier par Fougeroux de Bondaroy, neveu de Duhamel et auteur de la description du moulin en 1753, ne semble pas correspondre à cette seule origine.
Duhamel du Monceau, inspecteur général de la marine royale, était frappé par la dégradation des céréales au cours des longs voyages en bateau, mais aussi des graines entreposées à terre dans de mauvaises conditions susceptibles de provoquer la fermentation.
Le bâtiment est une tour cylindrique de quatre étages d’environ 10 m de haut, de 8 m de diamètre extérieur, surmontée d’un toit conique fi xe d’environ 5 m de haut. Sur une cave voûtée (A), le silo lui-même est à l’étage (B). Le plancher en chêne est surmonté de chevrons sur lesquels sont posées des lattes recouvertes d’une toile grossière. Le grain est versé sur cette toile sous laquelle arrivent des canalisations amenant l’air de l’étage intermédiaire où se trouve la souffl erie. L’énergie provient de l’étage supérieur. Le vent pénètre librement entre les huit piliers qui supportent le toit. Des planches orientent le vent sur un côté des huit ailes qui entraînent le grand arbre vertical. A sa base, un rouet de quarante alluchons s’engrène sur une lanterne de douze barreaux. Ce système a l’avantage de ne pas avoir besoin de toit pivotant mais nécessite de fermer les entrées du vent par des volets s’il pleut et de s’assurer que le plancher de la chambre des ailes est étanche et évacue bien l’eau résiduelle à l’extérieur.
Ce système a fonctionné de manière satisfaisante.
Dans une expérience à petite échelle, l’auteur a pu conserver du blé pendant huit ans sans dégradation. De plus il a démontré que le développement des charançons nécessite une élévation de température. Grâce à l’air frais renouvelé par son procédé, ces parasites n’apparaissent plus.
Aujourd’hui, la bâtisse existe encore mais les ouvertures pour l’accès du vent ont été maçonnées, ce qui lui donne l’aspect d’une tour banale. L’invention du premier silo à ventilation activée par un moulin à vent à arbre vertical, elle, n’était pas banale.
Michel Sicard
Article paru dans le Monde des Moulins – N°40 – avril 2012
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