Sa date de création reste inconnue, bien qu’une meule portant la date gravée de 1740 ait été découverte à l’extérieur du bâtiment. Les archives cadastrales nous permettent de confirmer l’existence du bâtiment en 1813 et de connaître un premier propriétaire du moulin en 1890 (la famille MARTIN, ascendant de la famille BIESSE propriétaire du moulin jusqu’en 1997).
Le moulin a été modernisé au fil des époques. Avant les années 1930, la meule était actionnée par des mulets. Au début des années 1930, avec l’électricité, des meules mécaniques actionnées par un moteur électrique et un système de poulies remplacent la meule à sang. Les équipes étaient formées de 2 hommes par presse avec un chef d’équipe qui approvisionnait la meule et tirait l’huile de ses propres olives. La quantités d’huile extraite était variable suivant les qualités d’olives, entre 16 et 21 litres pour 100 kg d’olives. Le moulin triturait environ 1600 kg d’olives par jour soit 60 à 80 tonnes par an provenant uniquement de la récolte locale. Pendant la guerre de 1940 chaque propriétaire avait droit à 10 litres par an et par personne vivant sous son toit, le reste était réquisitionné par la préfecture. La dernière année de fonctionnement date de l’hiver 1955-1956 où des températures persistantes de –17° ont détruit la majeure partie des oliveraies. Faute de récolte, le moulin s’est arrêté. Oublié, mais heureusement sans subir de transformation, le moulin deviendra une remise… Jusqu’en décembre 1997.
1997
Sous l’impulsion du maire de la commune Elie Bataille, une association pour la conservation du patrimoine (ABCP) se crée. Le moulin est redécouvert. La toiture de 90m2 est entièrement écroulée mais les meules et quelques matériels semblent encore en place. Un relevé photo est réalisé pour garder en mémoire ce patrimoine en péril. Son propriétaire, âgé, est toutefois pessimiste sur son avenir: Certes son rêve serait de le revoir fonctionner ou tout au moins de conserver les lieux de son enfance mais les coûts des travaux s’avèrent exorbitants. D’un autre côté, avec la montée des prix, ses enfants l’incitent régulièrement à le transformer en appartement (des aides étant de plus disponibles pour ce genre de travaux, plus que pour une restauration d’un patrimoine !). Le propriétaire de l’habitation voisine accolée au moulin fait aussi des propositions (le lieu ferait en effet un très beau garage !). Membre de la liste d’opposition, notre vieux propriétaire ne veut en aucun cas aller quémander au maire en place de l’aide pour sauver son bien. L’association du patrimoine fera donc la démarche. Un beau samedi matin de décembre, elle rencontrera le maire, lui signalant que l’unique moulin à huile de la commune est voué à la destruction d’ici quelques années, et que son propriétaire ne demande qu’une proposition honnête d’achat pour dire oui (soit 50 000 francs). L’entretien avec le maire se terminera sur la place et lieu même du moulin en compagnie de son propriétaire. Rendez-vous est pris devant notaire le mois suivant pour conclure la vente.
Intérieur du moulin – photo P.Crapé
1998
Le moulin est un bien communal. S’il a échappé à la destruction il n’est pas encore sauvé… Les divers devis de travaux de restauration s’avèrent exorbitants (toitures et charpente, mise au normes électriques, réseau d’évacuation, renforcement du mur commun à l’habitation voisine afin d’éviter tout litige avec un propriétaire qui n’a pas du tout apprécié de se voir ainsi flouer une belle affaire et la perte d’un garage potentiel). Rénover le moulin reste un beau projet, mais vu les coûts financiers, il n’est plus une priorité pour une municipalité qui se lance. Années après années le projet de rénovation est reporté. Au sein de la municipalité, la question se pose: ne vaudrait-il pas mieux récupérer le matériel pour une décoration de salle ou de rond point et revendre le bâtiment. D’autant que par voie inter-familiale, notre acheteur de “garage” alimente assidûment la discussion.
Fin 2001
L’association du patrimoine dont le maire avait missionné l’étude du moulin et de sa restauration, souhaitant avoir une réponse claire sur le sujet, rencontre de nouveau le maire. Ce dernier explique bel et bien le problème: un coût financier important, une responsabilité du bâtiment et des risques qu’il peut causer, une clause de non revente de 5 années signée lors de l’achat du moulin. La commune en parallèle, organisait un chantier d’insertion dont les principales activités portaient sur des aménagements d’espaces verts, de débroussaillages. La dernière réalisation consistait notamment en la construction d’une cabane de gardian selon les techniques et matériaux du 19ème siècle. Le résultat fut plus que concluant, tant et si bien que la rénovation du moulin a été envisagée comme futur chantier. Le challenge était tout autre qu’une simple cabane en torchis et roseaux, mais il a été tenté. L’association du patrimoine et le service culturel de la mairie, en collaboration avec la responsable du chantier d’insertion ont assuré la partie des recherches, plans, techniques, contacts divers. Le personnel du chantier assurait pour sa part la main d’oeuvre et les diverses réalisations : pose de charpente, réfections des enduits, rénovation des divers ustensiles du moulin… La majeure partie des frais revenait à la commune se composant dès lors des fournitures et matériaux nécessaires à la rénovation du bâtiment. Les salaires de l’équipe du chantier d’insertion étaient à l’époque en grande partie financés par le Département.
Extérieur du moulin en 2004 – photo P.Crapé
2002
Les travaux de restauration du moulin s’organisent : réfection de la charpente et toiture, “dégrippage” des rouages, reconstruction du foyer, … la tâche est longue. Le dégagement du sol fait apparaître les traces de la première aire, puis plus loin le foyer. De nouvelles questions se posent jours après jours. L’objectif n’est pas d’improviser, mais bel et bien de comprendre avant toute rénovation. Chaque technique se redécouvre et le lieu, mois après mois reprend vie. Certes il y a la polémique et le grand débat de la concurrence déloyale. Doit-on utiliser des chantiers d’insertion pour assurer des réalisations que peuvent exécuter en principe des entreprises ? Quoiqu’il en soit pour le cas de Bellegarde, si la réponse avait été négative, à ce jour les meules du moulin à huile orneraient certainement un rond point, quant au bâtiment: il abriterait pour sa part quelques voitures…
10 Décembre 2004
Après 48 années de silence, les meules se remettent à tourner, à écraser la fraîche récolte d’olives. La pâte ainsi produite est stockée dans les scourtins empilés sous la presse qui, mise en action, offre le plus beau des spectacles, celui d’une huile verte et fruitée qui s’écoule… La plus belle des récompenses : la réussite du travail d’une équipe, la renaissance d’un pan de l’histoire et de la vie d’une commune. Le moulin a produit en décembre 2005 sa “deuxième pression” avec plus de 40 litres d’huile “extra fine et de haute qualité” pour reprendre les termes du laboratoire d’analyse. Voué uniquement au caractère pédagogique, il a été visité par plus de 250 enfants en moins d’une semaine. L’animation et le fonctionnement sont en voie d’être gérés par l’Association du patrimoine communal.
Pascal Crapé – Article paru dans le Monde des Moulins – N°16 – avril 2006
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