Edito
S’appuyer sur le passé pour réussir l’avenir Pour se projeter dans l’avenir, il est une méthode simple mais essentielle : se retourner vers son passé. C’est ce que je me suis proposé de faire, après bientôt un an d’exercice comme président de notre fédération. Ce n’est pas une découverte que de dire que le passé de notre fédération est intimement lié à celui du mouvement général en faveur des moulins et cela depuis ses origines.
Se pencher sur le passé, c’est peut-être d’abord relire les écrits de Webster, cet artiste photographe américain qui dans les années trente du siècle dernier sillonna les routes de France pour inventorier les moulins, rencontrer les meuniers, rédiger des notes de voyages.
La consultation, à la BNF, de ses clichés noir et blanc, demeurera pour moi un moment émouvant.
Se pencher sur le passé c’est aller à la rencontre de ces amis, toujours présents, et porteurs d’un riche engagement au service du monde des moulins. Marc Léchelle qui parle des moulins, de la vie de la fédération au cours de ses différentes péripéties, des projets qu’il a toujours pour son propre moulin bâti de ses mains en Charente. Des moments vivifi ants, un vrai régal d’abord mais aussi l’assurance que la trace laissée par ses actions est un chemin à suivre, il n’est pas président d’honneur de la FDMF par hasard !
Etre président d’honneur à la FDMF, c’est un hommage pour des amis dont l’activité bouillonne encore au service des moulins. Mme Mary, représentante du Collège des Membres Individuels jusqu’à l’an dernier, demeure précieuse encore par son immense documentation, glanée année après année par toute sa famille.
Diffi cile de préparer un voyage sans ses lumières !
Philippe Borgella, toujours actif en Bretagne, lui qui fut au coeur de la gestion de la Fédération, ne manque pas de nous apporter conseils et soutien, toujours dans la bonne humeur.
Enfi n, André Desvallées, autre président d’honneur de notre fédération, au coeur du mouvement des moulins depuis plusieurs décennies. Sa rencontre, cet hiver, restera gravée dans ma mémoire. Son passé professionnel, déjà, ne peut laisser indifférent. S’il est aujourd’hui Conservateur Honoraire des Musées de France, c’est parce qu’il fut pendant plusieurs décennies collaborateur de Georges Henry Rivière1 pour la programmation et la réalisation du Musée des Arts et Traditions Populaires2 et de ses célèbres galeries d’exposition. C’est aussi parce qu’ensuite il participa, depuis l’Inspection Générale des Musées, au développement des Ecomusées, avant de diriger le Musée des Arts et Métiers. L’écouter parler du mouvement des moulins, confortablement installés près de la librairie du Musée du Louvre, restera pour moi un souvenir impérissable et j’avoue ne pas l’avoir interrompu. Il est parfois des moments où il faut savoir écouter, moments rares où l’on sent l’importance des mots portés par des gens d’une telle qualité.
L’échange ensuite fut riche de perspectives sur l’histoire des techniques, la place des moulins dans le patrimoine industriel, le rôle de notre fédération qu’il a accompagnée lors de la scission de 2002. Plaisir d’entendre enfi n qu’il soutient notre politique d’ouverture, qu’il nous encourage dans cette vision dynamique du mouvement des moulins. Actuellement conseiller permanent du Comité International pour la Muséologie (ICOFOM) au sein du Conseil International des Musées (ICOM), il restera pour nous un interlocuteur référent et nous ne pouvons que nous réjouir de savoir qu’il reste disponible à notre égard.
Nous ne manquerons pas de prendre connaissance de ses avis éclairés en nous rappelant qu’il fut un homme déterminant dans la structuration du mouvement des moulins au niveau national.
Je me permets de citer des phrases recueillies dans un édito du Bulletin « Les Moulins » dans lequel André Desvallées, signait l’éditorial, en 1987.
J’espère, amis lecteurs et lectrices, que vous y prendrez autant de plaisir que moi-même.
« … En premier lieu, il est nécessaire de continuer à oeuvrer dans toutes les directions pour la défense, la sauvegarde, la restauration et l’animation de nos moulins. OEuvrer pour les défendre contre les éléments naturels, mais aussi et surtout contre les attaques (toujours inconscientes ?) qu’ils reçoivent de diverses administrations… Par le simple fait de dispositions contradictoires, émanant d’intérêts divers et mal compris mais se trompant fi nalement de cible. Droits d’eau, étangs de retenue, réserves piscicoles, pêche à la ligne, libre circulation des poissons, propriété privée et propriété publique… et fi nalement les moulins à eau accusés d’empêcher les saumons de remonter les cours d’eau. Pourquoi pas les ailes des moulins à vent coupables de brouiller les ondes hertziennes et de perturber les communications par satellites… OEuvrer pour les restaurer c’est faire en sorte qu’on respecte le plus fi dèlement l’esprit de leur architecture d’origine et celui de leurs installations techniques lorsqu’ils ont la chance d’en posséder encore.
OEuvrer pour les réanimer, également, car on trouvera diffi cilement les moyens de fi nancer leur rénovation si, en même temps, on ne leur trouve pas une fonction secondaire – lieu d’animation culturelle, production d’énergies d’appoint,
si ce n’est simple habitation. On ne peut en effet envisager d’ouvrir partout des musées ou de tout fossiliser en monument historique simplement visitable. »
Quelle actualité dans ces phrases, quelle vision fulgurante de ce que nous devons encore faire et de comment le faire !
Le chemin est bien tracé, continuons l’ouvrage.
1. Georges Henri Rivière (5 juin 1897, Paris – 24 mars 1985, Louveciennes) est le fondateur du Musée National des Arts et Traditions Populaires à Paris. Surnommé le magicien des vitrines, il a joué un rôle important dans la nouvelle vague muséographique, et dans le développement des musées d’ethnographie à l’échelle mondiale, au sein du Conseil International des Musées (ICOM).
2. Après plus de soixante-dix ans d’existence, le Musée des Arts et Traditions Populaires est défi nitivement fermé au public depuis 2005, et ses collections sont progressivement transférées au futur musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, qui doit ouvrir en 2013 à Marseille.
Alain EYQUEM
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