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Depuis l’antiquité, autour du fleuve qui a fixé sa courbe telle que nous la voyons, Toulouse vit d’eau de sources et d’eau de puits. A la fin du XVIIème siècle s’y ajoute l’eau que l’on va chercher dans les “bateaux-filtres” amarrés rive droite. Leur double paroi remplie de sable propre transforme l’eau de la Garonne en une eau inodore et claire que l’on boit. Et, depuis toujours, Toulouse rêve d’une eau qui, provenant des sources de la rive gauche (Lardenne), traverserait la Garonne. En construisant le pont Neuf, ont été prévues à cet effet sous la chaussée, deux grosses canalisations de terre cuite ainsi que, dans la culée du pont, rive droite, deux grandes citernes. Mais voilà, il manquait l’eau.

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Coupe et élévation du Château d’Eau – transmis par JM.Lacabe, directeur du Château d’Eau

Entre le pont Neuf et le cours Dillon, commence, en 1789, l’histoire de notre Château d’Eau. Sa vie “professionnelle” triomphale, va durer un peu plus de trente années. Il apportera, lui seul à Toulouse, une eau pure, agréable à boire en toutes saisons. Pour cette eau tant désirée, le Capitoul Charles LAGANNE lègue à la ville la somme considérable en 1789 de 50 000 Francs-or. Mais Charles impose que tout cet or disparaîtra si 10 ans après la mort de Madame LAGANNE, les travaux ne sont pas terminés. En 1808 l’Empereur, qui passe à Toulouse, offre de quoi construire plusieurs fontaines mais il oubliera d’envoyer les fonds. On cherche l’eau partout. Huit projets sont examinés. En 1817 seul est accepté le projet du “mécanicien” d’Abadie, capable de faire monter l’eau assez haut pour atteindre le point haut de la ville, place Rouaix. Cette eau ne vient plus de Lardenne mais de la “Prairie” au-dessous du cours Dillon. Il existe là, comme accumulé par la Garonne pour la ville, un grand filtre naturel fait de cailloux et de graviers recouverts de terre. Dans ce filtre naturel (530 x 170 m) l’ingénieur d’Aubuisson de Voisins attire l’eau en construisant une galerie souterraine dite “filtrante”. L’eau y arrive en abondance, bonne à boire. Elle est conduite dans de grands réservoirs dits “puisards”.

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Château d’Eau de Toulouse – photo G.Biotteau

Le Château d’Eau contiendra le mécanisme capable de prendre cette eau filtrée dans les puisards pour la faire monter, passer le pont Neuf, arriver place Rouaix d’où elle sera distribuée par des fontaines dans la ville. On parlerait aujourd’hui d’activateur hydraulique. Et, ajoute d’Aubuisson dans ses explications : “progrès important, chaque habitant de Toulouse n’aura pas plus de 200 m à faire pour aller chercher l’eau à la fontaine la plus proche”. Nous sommes au début du XIXème, les domestiques et les porteurs sont nombreux. En 1821, le maire de Toulouse, Monsieur de Belcastel, bouscule un peu sa municipalité et obtient l’autorisation royale nécessaire pour les travaux ; de 1821 à 1825, sera construit le Château d’Eau que l’on appellera d’Aubuisson (ingénieur pour les filtres) et d’Abadie (mécanicien pour les machines) en oubliant Raynaud (architecte du bâtiment). Le 25 mai 1825, en l’honneur du sacre de Charles X, on met en marche une machine et à l’émerveillement des toulousains, l’eau jaillit en cascade par les fenêtres hautes, les conduites n’étant pas terminées.

Quel est le mécanisme qui fait monter l’eau ?

En simplifiant à outrance, il s’agit d’un double moulin de rivière et d’un double jeu de grosses pompes qui fonctionnent comme des seringues. La rivière, c’est le fleuve Garonne. A Toulouse, cette eau courante descend de 1m par kilomètre. Au bout du cours Dillon, près du pont Neuf, on a dévié un peu de son eau par une galerie d’amenée , souterraine, très courte. Cette eau motrice fait tourner deux grandes roues de moulin, régulièrement, à raison de 6 tours et demi par minute. Puis, son travail achevé, l’eau descend doucement dans un canal de fuite qui traverse le quartier St Cyprien et se perd dans la Garonne, après la chaussée du Bazacle, c’est à dire 1 km 270 plus loin et 5 m 47 plus bas. Le mouvement tournant des roues est ingénieusement transformé à chaque bout de l’axe des roues par 2 manivelles, 2 bielles et 2 balanciers, pour pousser le piston de 2 pompes. Cela donne 4 pompes par roue, aspirant et refoulant chacune 433 litres d’eau par minute pour remplir 24 m plus haut une grande cuve de fonte située au 3ème étage. De cette cuve, l’eau filtrée redescend dans des tuyaux vers le pont Neuf, arrive place Rouaix pour alimenter 86 fontaines publiques. Il en existe 15 monumentales plus 71 bornes. Un peu d’eau est réservée aux Hospices ainsi qu’à quelques concessions particulières.

Mais dans la Prairie, la première galerie va vieillir, se boucher peu à peu, être envahies de plantes et de serpents. D’Aubuisson fait construire une deuxième galerie puis une troisième, plus ou moins profonde, plus ou moins proche du fleuve. En vain. Trente années sont passées. Le nombre des habitants de Toulouse a doublé. Il faut absolument trouver plus d’eau, desservir une ville plus grande, élargir les rues. Commence alors l’idée d’un autre Château d’Eau plus puissant et d’une galerie filtrante beaucoup plus longue dans la Prairie. C’est le projet de l’ingénieur Guibal, bien raconté dans tous ses détails par Ed. de Planet, en 255 pages des Mémoires de l’Académie des Sciences Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse. De 1863 à 1867 un deuxième Château d’Eau est construit, rive gauche, après la chaussée du Bazacle, près des rues de Boussassol et des Fontaines. Son canal d’amenée est très long et son canal de fuite très court. L’eau sera distribuée dans la ville grâce au système des réservoirs à air comprimé. En 1875 une inondation démolit la plupart des galeries dans la Prairie. On les abandonne comme on abandonne le premier Château d’Eau LAGANNE dont la ville était si fière.

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Intérieur du Château d’Eau de Toulouse – photo G.Biotteau

En 1971 on doit au Professeur Paul Ourliac l’idée et la réalisation de la deuxième jeunesse du Château d’Eau en donnant à Yan-Jean Dieuzaide sa galerie municipale de photographie. On n’abîme pas le Château d’Eau. On nettoie ses galeries voûtées de brique. On les éclaire savamment. En 1974 le Maire Pierre Baudis inaugure la première galerie pour l’exposition de Robert Doisneau. Puis a été aménagée la deuxième galerie photographique autour des restes de roues motrices. Dans le bâtiment vit aussi P.A.C.E., association qui garde dans ses statuts les désirs et les buts de Jean Dieuzaide “pour la promotion de la photographie sous toutes ses formes, à des fins culturelles et artistiques, à l’exclusion de toutes tendances politiques et confessionnelles” Mais pour que la galerie municipale du Château d’Eau, connue dans le monde entier, soit tout à fait à l’abri de la Garonne et des fortes pluies qui noient le quartier, des travaux importants et de repérages soigneux ont été nécessaires. Le 21 septembre 2001, alors que tout volait en éclat dans Toulouse, le Château d’Eau LAGANNE, ancré sur le tuf, bâti en briques il y a bientôt deux siècles n’a rien ressenti, ce qui lui promet longue vie encore et rend toujours vraie, dans le style du temps, la dédicace gravée sur la porte du cours Dillon : “1823 Charles LAGANNE, Capitoul, en léguant 50000F à la ville de Toulouse a déterminé l’établissement des fontaines publiques Que ce marbre perpétue le souvenir du bienfait et de la reconnaissance” Nos remerciements vont au Service d’Hydrologie de la Mairie de Toulouse, tout particulièrement à Mr l’Ingénieur Pierre Sudre et Mr Daussens et à la Galerie Municipale du Château d’Eau.

Mme Lise Enjalbert, Professeur à l’Université de Toulouse – Article paru dans le Monde des Moulins – N°16 – avril 2006

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