La plupart des moulins à eau, si nombreux le long de nos rivières, se sont arrêtés de moudre du blé. Les minoteries ont parfois été vendues à d’énormes sociétés pour s’automatiser ou ont alors cessé leurs activités laissant des bâtiments sinistrés. En Midi-Pyrénées plusieurs minoteries résistent encore.
Trois moulins reprennent vigueur. Un moulin à Monblanc, petit village du Gers à la limite de la Haute-Garonne, n’a pas arrêté de moudre du blé issu de la culture biologique. Un autre à Montesquieu – Volvestre sur l’Arize, puissante minoterie d’origine médiévale, s’est consacré au blé biologique et a trouvé une clientèle considérable. Enfi n une minoterie à Grenade (Haute-Garonne) dont Jean Garros était le propriétaire, dernier moulin sur la Save qui en comptait une cinquantaine, fait de la farine biologique de 6 heures du matin à minuit avec ses 5 meules modernes et son équipement récent.
Il emploie 5 personnes. Cette reconversion l’a sauvé. Son histoire est racontée par son ancien propriétaire dans l’article qui suit.
Michel Sicard.
Le moulin de Grenade, toujours en activité, a eu le plaisir de fêter son centième anniversaire en 2004.
La construction de belle prestance et comportant 3 niveaux, a remplacé aux alentours des années 1850, l’ancien moulin créé par les moines de Grand Selve qui sont les fondateurs de la ville de Grenade et de Beaumont de Lomagne. Le moulin de Grenade est situé immédiatement à côté de la chaussée de retenue d’eau qui offre une hauteur de chute de 2,80 m, sans l’asservissement d’un canal d’amenée. Durant les années antérieures et pendant la guerre de 1940, le moulin exploitait ce potentiel énergétique en liaison avec l’équipement électrique du vieux moulin situé un kilomètre en amont sur la Save. Les puissances conjuguées avaient permis à Jean Fauché, mon grand-père, d’alimenter en électricité Grenade et les communes environnantes, Larra et Saint-Caprais au titre de concessionnaire local, privilège aboli par la loi de nationalisation de 1948. Jean Fauché n’avait pas pour autant délaissé l’activité fondamentale du moulin et il avait confi é, au début du siècle précédent, la rénovation complète de l’équipement de meunerie à une entreprise allemande, la société Seik de Dresde. Cet
équipement, alors de « dernier cri » lui avait permis de gratifi er son moulin de l’appellation élogieuse de « minoterie modèle ». Mais cette fi ère bannière s’est peu à peu fanée avec les années et, ayant pris la suite de mon père, Charles Garros, gendre de Jean Fauché, il m’a paru nécessaire en 1969 de procéder à une nouvelle rénovation qui a été confi ée à la société italienne Sangati de Padoue.
Pour procéder à cette rénovation sans interrompre gravement l’activité commerciale, j’ai fait construire auparavant des bâtiments annexes juxtaposés au bâtiment initial, ce qui accroissait le volume mais avec le souci majeur de préserver l’esthétique générale de l’ensemble et ce, d’autant plus que, vu du pont sur la Save, il constitue un monument notoire de GRENADE. Le résultat fut, je crois, satisfaisant et j’ai recueilli avec plaisir l’appréciation de Jean Castan, écrivain, dans son recueil sur les moulins de la Save (Ed. Marestaing) où il écrit : Après le pont de la D 29, dans un ensemble très bien entretenu, se dresse le dernier moulin de la Save. Il est le siège d’une minoterie et fait plaisir à voir. Il apporte la preuve fl agrante que industrie et propreté peuvent aller de pair.
A partir des années 50, j’ai délibérément orienté le moulin vers un fort développement de l’activité meunière alors que la concurrence régionale ne cessait de croître. Après avoir créé des relations avec les centrales d’achat et grandes surfaces, est apparue l’opportunité des marchés d’exportation. Bien positionné dans un groupe meunier d’exportation de farine vers les pays d’Afrique, le moulin a produit pendant longtemps l’équivalent d’un camion de 25 tonnes de farine tous les jours à destination de l’étranger, outre les clients et boulangers régionaux. Mais hélas les conditions économiques en perpétuelles mutations, mutations qui ont condamné combien d’autres usines identiques, ont imposé de repenser l’avenir. Intéressé par la qualité de l’implantation et de ses équipements, le groupe Gers Farine s’est porté acquéreur de son activité. Mais là, avec une destination nouvelle et très spécifi que, dans le vent de l’évolution et de la demande du consommateur : le moulin de Grenade se spécialise en 1997 dans la fabrication de farine biologique. Favorisé par l’obtention de blés
adéquats en provenance de la Coopérative Agricole Terres de Gascogne, le Gers était un terroir propice à ces productions.
Comme bien des entreprises industrielles, la meunerie ne cesse de se remettre en question.
Les petits moulins qui jouissent d’un charme immobilier indéniable et toujours dans un cadre agréable, peuvent trouver une nouvellevocation en se réaménageant en charmante habitation. Il n’en est pas de même avec les grosses constructions qui pourtant doivent impérativement survivre, pour qu’avec la profession, ne s’éteigne pas le « tic-tac » du moulin !
Jean Garros
Article paru dans le Monde des Moulins – N°39 – janvier 2012
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