Le sort des Installations, Ouvrages, Travaux et Aménagements (IOTA) hydrauliques existant avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 est fixé à l’article L. 214-6 du code de l’environnement (anc. article 10-VII de la loi sur l’eau).
Dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 juillet 2005 (infra), l’article L.214-6 prévoyait que “Les installations et ouvrages existants à la date du 4 janvier 1992 doivent avoir été mis en conformité avec les dispositions prises en application de l’article L.
214-2 dans un délai de trois ans à compter de cette date”.
En pratique, cette formule s’appliquait à un grand nombre d’IOTA.
L’article 4 de l’ordonnance du 18 juillet 2005 “portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets” (JO du 19) a modifié l’article L.214-6 du code de l’environnement de façon à déterminer précisément quel est e régime juridique de chaque catégorie de IOTA.
Cet article vise, expressément, quatre situations.
La première correspond à celle d’ “installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992”.
La seconde situation s’applique aux installations et ouvrages fondées en titre.
La troisième situation est celle d’ “installations, ouvrages et activités qui, n’entrant pas dans le champ d’application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue par l’article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d’autorisation”.
La quatrième est celle des IOTA qui, “après avoir été régulièrement mis en service ou entrepris, viennent à être soumis à déclaration ou autorisation en vertu d’une modification de la nomenclature”.
Ces diverses situations seront examinées dans le présent article.
Au préalable, il importe de rappeler qu’une circulaire de la Ministre de l’Ecologie du 6 décembre 2005 (non publiée au JO) est venue préciser la mise en oeuvre de l’ordonnance du 18 juillet 2005. Selon cette circulaire, “l’article 4 relatif à la régularisation de la mise en conformité des ouvrages existants avant le 4 janvier 1992 est directement et immédiatement applicable” (page 4).
1. L’existence d’IOTA déclarés ou autorisés avant le 31 mars 1993
Cette situation est prévue à l’article L.214-6 al. II du code de l’environnement et précisée par l’article 40 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993.
Ce dernier article prévoit que “Les autorisations délivrées ou les déclarations déposées en application du décret du 1er août 1905 portant règlement d’administration publique en exécution de l’article 12 de la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux, du décret du 4 mai 1937 portant règlement d’administration publique pour l’application du décret-loi du 8 août 1935 sur la protection des eaux souterraines, du décret n° 73-218 du 23 février 1973 portant application des articles 2 et 6 (1°) de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, du décret du 23 février 1973 susvisé, les déclarations d’utilité publique prononcées en application des articles 112 et 113 du code rural ainsi que les concessions ou autorisations accordées en application de l’article L. 231-6 du code rural sont assimilées, pour les ouvrages, installations, travaux, aménagements ou activités existantes, aux autorisations délivrées ou aux déclarations déposées en application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée si elles sont antérieures à l’entrée en vigueur du présent décret. (…)”.
L’article 40 précité énumère les régimes d’autorisation applicables au moment de l’entrée en vigueur de la nomenclature. Il est complété par l’article 1-II du même décret ; lequel mentionne les procédures prévues par le décret du 28 mars 1957 sur les eaux minérales, le décret du 20 décembre 1979 relatif aux carrières et le décret du 7 mai 1980 relatif à la police des mines.
L’article 40 crée une assimilation entre les autorisations, déclarations et concessions existantes au 31 mars 1993 et l’autorisation ou la déclaration de l’article 10 de la loi sur l’eau (devenu l’article L. 214-3 du code de l’environnement).
Il faut en déduire, par exemple, que dans l’hypothèse où l’exploitant d’un ouvrage hydraulique disposerait d’autorisations ou de déclarations antérieures à 1992, ces autorisations seraient considérées comme parfaitement régulières aujourd’hui. De fait, si des extensions sont prévues, l’administration devra appliquer les règles juridiques issues de la police de l’eau en tenant compte des autorisations ou déclarations existantes.
2. Les installations et ouvrages fondés en titre
Quelle que soit la nature des eaux (domaniales, non domaniales), sont considérés comme “fondés en titre”, les droits d’eau dont leurs détenteurs justifient d’une situation de fait (exemple : existence antérieure à la Révolution française) ou de documents particuliers (généralement non administratifs, exemple : vente de biens nationaux) souvent très anciens. De tels droits fondés en titre autorisent leurs détenteurs à utiliser une certaine quantité d’eau et certains ouvrages hydrauliques sans autorisation ou déclaration spécifique (voir notamment l’article 29 de la loi du 16 octobre 1919). Ces droits fondés en titre permettent également à leurs bénéficiaires d’être exonérés du paiement de redevances (CE 14 févr. 1958, Bonnard, AJDA 1958, II, p. 441).
De façon constante, la jurisprudence administrative a considéré que les installations et ouvrages (hydrauliques) fondés en titre sont exclus du régime d’autorisation dès lors que la consistance légale n’est pas modifiée (CE, 18 février 1972, Sté hydroélectrique de la
vallée de Salles-la-Source, n° 75-965 ; CE, 10 février 1997, Julien, req. n° 129748) et que les principaux ouvrages régulateurs n’ont pas disparu (CE, 18 mars 1966, Min. de l’Agriculture c/ Ets Etchegoyen, JCP G 1966, II, 14750, concl. Kahn, note Dufau).
Ces principes ne sont pas modifiés par le nouvel article L.214-6 du code de l’environnement, lequel prévoit que les “installations et ouvrages fondés en titre” sont réputés autorisés ou déclarés, sans qu’il soit besoin notamment de se déclarer auprès de l’administration selon les modalités prévues par l’article 41 du décret n°93-742 du 29 mars 1993.
3. L’existence d’IOTA non régis par une déclaration ou autorisation avant le 31 mars 1993
Dans son paragraphe III, l’article L.214-6 du code de l’environnement prévoit que “Les installations, ouvrages et activités qui, n’entrant pas dans le champ d’application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue par l’article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d’autorisation à laquelle il n’a pas été satisfait, peuvent continuer à fonctionner ou se poursuivre si l’exploitant, ou, à défaut le propriétaire, a fourni à l’autorité administrative les informations prévues par l’article
41 du décret nº 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006. Toutefois, s’il apparaît que le fonctionnement de ces installations et ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d’atteinte grave aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1,
l’autorité administrative peut exiger le dépôt d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation.”
De son côté, l’article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 prévoit que “Lorsque des ouvrages, installations, aménagements, légalement réalisés ou des activités légalement exercées sans qu’il y ait eu lieu à application des textes mentionnés aux articles 1er
– II et 40 viennent à être soumis à autorisation ou à déclaration par un décret de nomenclature, conformément à l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, l’exploitation, ou l’utilisation des ouvrages, installations, aménagements ou l’exercice des activités peuvent se poursuivre sans cette autorisation ou cette déclaration, à la condition que l’exploitant ou, à défaut, le propriétaire ou le responsable de l’activité fournisse au préfet [plusieurs informations]. Ces indications doivent être fournies avant le 4 janvier 1995 pour les installations, les ouvrages ou les activités existant au 4 janvier 1992 et dans le délai d’un an à compter de la publication du décret de nomenclature pour les autres.(…)”
La situation prévue par cet article 41 est donc très différente de celle visée à l’article 40 du même décret. Il s’agit d’ouvrages qui, bien que légalement exécutés ou réalisés, n’étaient pas soumis aux différentes procédures prévues par les textes désignés dans l’article 40 mais qui se trouvent désormais soumis au régime de déclaration ou d’autorisation institué par les articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement.
Dans cette situation, l’article 41 – qui doit être lu en tenant compte de l’article L.214-6 du code de l’environnement – permet aux détenteurs de IOTA de poursuivre leur exploitation, sans l’autorisation ou la déclaration requise au titre de la police de l’eau, sous réserve d’une “déclaration d’existence” avant le 31 décembre 2006 par l’exploitant, ou, à défaut, par le propriétaire ou le responsable de l’activité, auprès du préfet.
Cette “déclaration d’existence” doit indiquer le nom et l’adresse de l’exploitant ou du propriétaire, l’emplacement de l’installation, de l’ouvrage, ou de l’activité, la nature, la consistance, le volume et l’objet de l’installation, de l’ouvrage, ou de l’activité, ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être rangés.
En outre, selon le même article, “Le préfet peut exiger la production des pièces mentionnées aux articles 2 ou 29 du présent décret”. De cette manière, le préfet peut requérir également la production d’un document d’incidence, la présentation des moyens de surveillance prévus et, si l’opération présente un danger, les moyens d’intervention en cas d’incident ou d’accident, ainsi que les éléments graphiques, plans ou cartes utiles à la compréhension des pièces du dossier.
Par ailleurs, l’ordonnance du 18 juillet 2005 permet toujours à l’administration d’exiger le dépôt d’une demande d’autorisation. Dans ce cas cependant, l’administration doit pouvoir démontrer “que le fonctionnement de ces installations et ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d’atteinte grave aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1” du code de l’environnement.
4. Les IOTA soumis à déclaration ou autorisation en raison d’un changement de la nomenclature
L’article L.214-6 du code de l’environnement prévoit que ces IOTA “peuvent continuer à fonctionner, si l’exploitant, ou à défaut, le propriétaire s’est fait connaître à l’autorité administrative, ou s’il se fait connaître dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle l’obligation nouvelle a été instituée”.
Il est indiqué ensuite que les renseignements qui doivent être fournis à l’administration et les mesures que celle-ci peut être amenée à imposer, sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
Dans la mesure où l’article L.214-6 du code de l’environnement est immédiatement applicable sans l’intervention nécessaire d’un texte d’application (Cf. circulaire MEDD du 6/12/05), il faut considérer, selon nous, que le contenu et les modalités de transmission des “renseignements” peuvent s’inscrire dans le cadre des dispositions de l’article 41 du décret n°93-742 susvisé.
Pour être complet sur ces aspects, il importe de signaler que, selon la circulaire précitée du 6 décembre 2005, la nomenclature eau sera bientôt modifiée. Il conviendra alors, pour les exploitants d’IOTA, de vérifier qu’aucun changement de régime n’ait été opéré et, dans la négative, d’appliquer les nouvelles dispositions du code de l’environnement.
Sébastien Le Briero – Avocat, Docteur en droit – Article paru dans le Monde des Moulins – N°17 – juillet 2006
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