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Le constat du déficit hydrique de ces dernières années nous rappelle que la préservation de l’eau, en général, et celle des cours d’eau, en particulier, nous concerne tous, notre Sèvre Niortaise n’échappant pas à cet impératif !

À l’échelon européen, ce sujet s’est retrouvé dans la Directive Cadre Européenne de 2000, visant un objectif général de non-dégradation et d’atteinte du « bon état » des cours d’eau à l’horizon 2015, repoussé depuis à 2021.
Dans leur souci de vouloir apporter une solution à cette obligation, les législateurs français ont donc cru bon de mettre en avant la notion de « continuité écologique », reprise immédiatement à l’unisson par les très nombreux acteurs qui s’intéressent de près ou de loin au sujet, intégré dans le concept de « trame verte et bleue ».

C’est donc en prétendant vouloir retrouver des « cours d’eau naturels » que cet objectif a alors été très vite traduit comme une obligation de remettre en cause, à priori indistinctement, tous les aménagements réalisés judicieusement par nos ancêtres sur tous les cours d’eau de France, au nom de la restauration de la continuité écologique invoquée, par ignorance du rôle des moulins, en négligeant l’incidence des « vannes » dont ils sont pourvus et en assimilant les « seuils » (« chaussées »/déversoirs, construits dans le lit « mineur » du cours d’eau), aux « barrages » (ouvrages barrant le lit « majeur »), pour prétendre les dénoncer comme obstacles à cette continuité, au risque de ne pas anticiper les évolutions climatiques à venir et, ainsi, reproduire des erreurs qui ont été faites à l’occasion des « remembrements » ou du même ordre que celles qu’ils imputent à leurs prédécesseurs !

Pourtant, lors de la table ronde sur « les continuités écologiques : usage et gestion équilibrée des cours d’eau » organisée le 23 novembre 2016 par la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, monsieur Christian Levêque, hydrobiologiste et directeur de recherches émérite à l’I.R.D. (Institut de Recherche sur le Développement), rappelle « qu’il y a deux questions principales : celle du transfert des sédiments, celle de la protection de la diversité biologique […]; elles se posent dans le cadre des relations que les sociétés entretiennent avec les milieux naturels, avec la biodiversité et la nature », celle-ci pouvant être différenciée entre « la nature-objet », celle que les scientifiques analysent, « la nature vécue par le citoyen – le cadre de vie, la nature utile aussi, c’est-à-dire les ressources, mais aussi les nuisances, ou encore le patrimoine, l’esthétique » et enfin « la nature imaginée, une nature quelque peu mythique : c’est celle que certains […]croient avoir été la nature sans l’homme, la nature avant l’homme.[…].
On peut aussi protéger une nature qui bouge, qui change, qui se transforme en permanence […]. La continuité écologique doit être abordée dans le cadre d’un  » hydrosystème » […] :
il faut donc s’intéresser à la fois au régime hydrologique et à sa variabilité, à la diversité des habitats et à la qualité de l’eau. » En concluant : « Il faut donc souligner que nos systèmes fluviaux sont, selon la terminologie que l’on choisit, des « socio-systèmes », des « socio-écosystèmes » ou des « anthroposystèmes » .

C’est cette position que l’expérience de l’A.S.L. (Association Syndicale Libre des Riverains de la Sèvre Niortaise) lui permet de partager en rappelant qu’en ce qui concerne le bassin de la Sèvre Niortaise amont, caractéristique d’une région de plaine, les prairies alluviales ont été façonnées au fil des siècles par l’apport de sédiments qui s’y sont déposés lors des crues successives, du fait de la très faible pente naturelle du lit du cours d’eau creusé au cours du temps et de la présence des ouvrages hydrauliques des moulins qui maintiennent un niveau d’eau « légal ».

« La Sèvre niortaise à La Crèche » . Photo de Jean-Pascal Menard

Christian Geay, ancien professeur au lycée de Melle et spécialiste de ces phénomènes, rappelle d’ailleurs que la couche importante de sédiments ainsi constituée, « à très grande capacité de stockage d’eau, est en équilibre phréatique avec le cours d’eau. Elle joue un rôle primordial pour la régularisation du flux et donc d’atténuation des risques de crues et des dégâts qui y sont liés », tel un ensemble de bassins de rétention de l’amont de la Sèvre Niortaise jusqu’à Niort, l’étagement » optimal des ouvrages hydrauliques sur le cours d’eau assurant le maintien du niveau d’eau ainsi favorable aux zones humides, tout en évitant l’érosion des berges dont les matériaux s’effriteraient alors en période sèche, en condamnant la ripisylve, et seraient entraînés par les eaux.

Il s’agit donc simplement d’admettre que l’on profite aujourd’hui d’un système hydraulique ancien à l’origine d’un équilibre environnemental jugé satisfaisant il y a encore moins d’un siècle et constituant un remarquable patrimoine culturel qui participe à l’évolution naturelle inéluctable de la biodiversité, et qu’il convient de préserver celle-ci en le faisant vivre… ce à quoi s’emploie l’A.S.L. par la coordination d’une « gestion collective » des ouvrages hydrauliques des moulins du bassin de la Sèvre Niortaise amont.

C’est pourquoi l’autorité administrative locale et ses multiples représentants, prétendant partager les connaissances sur l’eau, devraient soutenir cette action d’intérêt général (bénévole de surcroît) en refusant d’adopter des prises de position dogmatiques sans preuves tangibles, aujourd’hui traduites par la notion de « transit piscicole et sédimentaire » au risque de regrettables incohérences car, malgré une définition officielle sans ambiguïté, encore faudrait-il s’entendre sur le sens des mots :

… libre circulation des espèces biologiques (migratrices) : pour quels poissons ?…
Cette même Autorité semble vouloir préconiser l’aménagement systématique de « passes à poissons toutes espèces », après nous avoir pourtant rappelé que seule l’anguille est répertoriée comme espèce migratrice en Sèvre Niortaise amont et qu’il n’est pas utile de préciser que l’anguille s’est très bien accommodée de la présence des moulins depuis des siècles, en contournant au besoin les ouvrages, preuve en était la présence de nombreuses « pêchoires » que les services de police de l’eau se sont évertués à faire disparaître il y a peu !

… bon déroulement du transport naturel des sédiments : mais quels sédiments ?
Il suffit que soient admises, entre autres, les recommandations de la circulaire ministérielle du 18 janvier 2013 relative à « l’application des classements de cours d’eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique » qui préconise bien, parmi les types de solutions citées, « le respect ou l’établissement de consignes de gestion des parties mobiles », ainsi que du S.A.G.E. Sèvre Niortaise-Marais Poitevin qui recommande « la constitution d’associations syndicales libres […] pour coordonner la gestion et les manœuvres des vannages ». Or l’A.S.L. a mis les moyens en place, depuis 1996, pour que soient respectées sur son périmètre syndical des procédures de gestion coordonnée des ouvrages hydrauliques existants, conformes aux « règlements d’eau » des moulins, tout en les adaptant aux contraintes environnementales actuelles, qui ont d’ailleurs montré leur efficacité dans le cadre de « l’expérimentation d’ouverture des ouvrages en Sèvre amont » menée sous l’égide de l’I.I.B.S.N. (Institution interdépartementale du Bassin de la Sèvre Niortaise) !

… connexion latérale avec les réservoirs biologiques,
Il est souvent omis de noter que l’existence même des ouvrages des moulins, en maintenant l’eau du fleuve à un « niveau légal » en période de basses eaux, permet aussi d’assurer l’expansion du flux d’eau dans le lit majeur du fleuve en période de crues (de nature à les ralentir et minimiser ainsi leurs conséquences) et de préserver la biodiversité de l’ensemble de l’écosystème environnant constitué au fil du temps, tout en évitant la décompression des sols argileux sur lesquels beaucoup d’habitats anciens riverains du cours d’eau reposent.

… hydrologie des réservoirs biologiques
Pour les mêmes raisons, les ouvrages des moulins, en favorisant l’oxygénation de l’eau, permettent de faire vivre une faune et une flore aquatique diversifiées et, en plus d’assurer l’effet crucial de maintien des nappes phréatiques, d’éviter les assecs et les effets de la sécheresse sur la biocénose aquatique et sur l’ensemble de la végétation riveraine, ce que rend encore plus efficace l’implantation judicieuse des moulins tout au long du cours d’eau !
Pour preuve de cette évidence, en émettant les arrêtés préfectoraux réglementant les usages de l’eau, la même autorité administrative ne confirme-t-elle pas l’utilité de ces ouvrages en exprimant son opposition à l’abaissement du niveau d’eau par ouverture des vannes des moulins sur la Sèvre Niortaise amont ?

Aussi, peut-on, aujourd’hui encore, vouloir imposer, après des études incongrues, la réalisation d’un aménagement quelconque qui « n’a pas de justification écologique suffisante comparée à son coût », financé en grande partie par l’argent des contribuables et le solde par les propriétaires, et allant à l’encontre de tout raisonnement pertinent, aisément vérifiable sur le terrain, méprisant ainsi l’avis éclairé des personnes compétentes, tels les experts consultés, les pêcheurs chevronnés, les riverains concernés, en occultant tout ce qui ressemble à du « bon sens » ?
Car, pendant ce temps, la présence récurrente d’éléments fortement polluants détectés sur la Sèvre Niortaise dans le périmètre de captage de l’usine de La Corbelière pour la production d’eau potable, dûment signalée mais traitée avec désinvolture, voire volontairement ignorée par les services prétendument compétents, vient s’ajouter à la pollution connue des pesticides et autres produits phytosanitaires, mais surtout à la pollution insidieuse apportée par des microparticules résiduelles véhiculées par la récupération des eaux de l’autoroute A10 et, de plus, par les éléments chimiques des rejets humains non traités par les systèmes d’assainissement existants, présence récurrente passée sous silence malgré les mises en garde des scientifiques sur la gravité du phénomène à terme.

En conséquence, il conviendrait d’éviter de se fourvoyer, et de plutôt consacrer les ressources financières, devenues rares, au traitement des causes réelles de ces pollutions et, à défaut de produits de substitution satisfaisants, d’adapter les dispositifs de filtration des stations d’épuration en conséquence, comme cela se fait déjà dans d’autres pays évolués …
à condition de vouloir vraiment assurer une « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau » et pour cela restaurer le « bon état » des cours d’eau (objectif officiel), dont la Sèvre Niortaise qui impacte directement le Marais Poitevin et le bassin mytilicole de la baie de l’Aiguillon !

Pour nos lecteurs intéressés, l’ASL des Riverains de la Sèvre Niortaise, peut proposer un dossier de synthèse plus complet « « Continuité écologique » et Biodiversité en Sèvre Niortaise amont ». Il suffit d’en faire la demande à JY. Pougnard, président de l’ASL ( j.y.pougnard@wanadoo.fr ).

Note d’information rédigée par les membres du Conseil syndical de l’A.S.L. / 09.01.2019

Article publié dans le Monde des Moulins n° 73 de juillet 2020

Catégories : Législation

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