Lorsque l’on possède une chute d’eau, on dispose d’une énergie potentielle pouvant être utilisée, comme ce fut le cas pendant des siècles, pour aider à la transformation de la matière.
Bien que de nombreux propriétaires de sites autrefois actifs aient l’intention de les reconvertir pour produire de l’électricité, cela peut rester sans suite en raison de mauvaises informations ou parce que le capital à investir est dissuasif.
L’objet de ce qui suit est de donner les bases rationnelles, mais volontairement sommaires, pour l’aménagement d’un site. Les aspects relatifs à la réglementation générale, ainsi qu’aux droits d’exploitation particuliers, ne
seront pas traités.
La décision de produire de l’électricité doit être prise en fonction de l’équipement en place ou de l’aménagement envisagé. En priorité, il faudra connaître la puissance disponible qui est fonction de la hauteur de chute et
le débit moyen disponible du cours d’eau. On pourra alors déterminer la quantité d’énergie électrique qui pourra être produite.
En fonction de ce premier résultat, il est indispensable de choisir la manière dont sera produite cette énergie électrique. Deux options sont alors envisageables :
• la première correspond à une faible puissance disponible et non continue. L’énergie produite sera dans ce cas destinée à une utilisation domestique : chauffage et/ou éclairage des locaux du propriétaire
• la seconde correspond à une production estimée plus régulière et plus conséquente. L’énergie produite peut alors être destinée à la commercialisation vers un réseau public, en respectant toutefois certaines contraintes.
Selon l’option retenue, les moyens de production de cette énergie électrique à partir de l’énergie mécanique du moteur hydraulique seront différents.
Prenons tout d’abord le cas d’une production d’électricité pour un usage personnel : chauffage et éclairage domestiques
On utilisera alors un alternateur synchrone adapté à la puissance disponible du moteur hydraulique. Il est conseillé de produire un courant dont les caractéristiques seront celles utilisées par les récepteurs domestiques, c’està- dire une tension de 230 V / 400 V à la fréquence de 50 Hz. Cependant, il n’y a pas de règle majeure dans cette option, le propriétaire restant libre de sa production.
L’alternateur sera installé via une multiplication de la vitesse de rotation de l’arbre du moteur hydraulique. Ce rapport sera bien sûr conforme aux caractéristiques figurant sur la notice d’utilisation et sur la plaque signalétique de l’alternateur. Un câblage vers un tableau comportant les appareils de sécurité et de contrôle, tels que voltmètre et ampèremètre, complètera l’équipement. Une telle installation ne pose pas trop de problèmes pour un bon bricoleur.
L’alternateur utilisé sera de préférence de type à aimants permanents. En effet, si on se réfère aux technologies plus anciennes, ces modèles apportent une simplification à l’usage et sont d’un prix de revient modéré.
On remarque souvent que, dans cette option, certains propriétaires adaptent des appareils issus du marché de l’occasion, chacun restant libre dans le choix du matériel.
Cette première option est sans aucun doute la plus accessible. On retiendra également une remarque de première importance : l’énergie électrique produite et utilisée sur place représente incontestablement une économie
d’énergie générale car cette consommation privée n’est pas prélevée sur le réseau public.
Examinons maintenant la seconde option, c’est-à-dire le cas d’une production d’énergie électrique commercialisée par raccordement au réseau public
Le matériel qui sera mis en oeuvre dans ce cas peut être différent de celui que nous venons de décrire dans la première option. Il est toujours possible d’utiliser un alternateur mais il faut alors compléter l’appareillage
par des dispositifs permettant de réguler et d’ajuster la tension et la fréquence à celles du réseau. Toutefois, même avec cet équipement spécialisé, EDF préfère que le courant fourni soit produit au moyen d’une génératrice asynchrone.
Il s’agit d’une machine asynchrone triphasée, de constitution identique à celle des moteurs asynchrones du commerce, qui peut fonctionner en générateur, c’est-à-dire produire de l’énergie électrique, à condition de l’entraîner à une vitesse supérieure à la vitesse de synchronisme (1500 tr/min pour une machine à 4 pôles) et de la connecter au réseau qui fournit la puissance réactive nécessaire au fonctionnement.
Cette génératrice est accouplée au moteur hydraulique à travers un multiplicateur et connectée au réseau en respectant l’ordre des phases. Il sera très probablement indispensable d’installer, dans certains cas, un transformateur afin d’injecter sur le réseau le courant à une tension égale à celle du réseau local à moyenne tension.
L’équipement comprendra impérativement des relais de sécurité homologués par EDF qui se réserve le droit et la fonction de déconnecter, à tout instant et à distance, la microcentrale du réseau public.
Il faut aussi compléter cet équipement par une batterie de condensateurs montée en dérivation pour régler au bon niveau les échanges de puissance réactive entre la génératrice et le réseau.
La puissance produite et facturée à EDF au tarif en vigueur, et selon le contrat établi, peut être lue sur un wattmètre.
On peut faire remarquer qu’un producteur d’électricité qui utilise un alternateur peut aussi, grâce à un aménagement particulier, injecter le surplus de sa production domestique sur le réseau public. Cependant, les techniques utilisées pour réaliser cette connexion au réseau public doivent permettre d’être strictement en accord avec la tension et la fréquence de ce réseau. Si cette possibilité de raccordement est possible, les retours d’expérience ne permettent pas, dans l’immédiat, de conseiller un tel investissement. La génératrice asynchrone est dans tous les cas un dispositif de production qui a fait ses preuves de fiabilité depuis fort longtemps.
Cette description donne un aperçu très schématique des principes de base relatifs à la production d’énergie électrique dans les deux options : pour une utilisation personnelle ou pour la revente avec raccordement au réseau public.
Chacun a donc le choix de retenir l’une ou l’autre de ces options. Néanmoins, il ne faut pas passer sous silence que dans le cas d’une production commercialisée, il faudra satisfaire à certaines contraintes afin d’optimiser au
maximum l’énergie produite. Parmi ces contraintes, on peut citer la bonne régulation du niveau du bief et l’installation d’un dégrilleur bien adapté. En effet, l’objectif principal doit être d’amortir l’investissement important nécessité par l’installation de cette unité de production.
Exemples de réalisations
Dans le but d’apporter un témoignage concret à ces propos, l’exemple que nous allons donner maintenant montre qu’il est possible de convertir un ancien moulin en microcentrale en exploitant la chute d’eau existante.
Le propriétaire du Moulin de Barbotin, en Charente-Maritime, établi sur la petite rivière « le Palais », affluent du Lary, a réalisé luimême sa microcentrale hydroélectrique. Sa modeste production de 10 kW est utilisée pour son
usage domestique, en l’occurrence pour le chauffage de son logement (photo 1).
Photo 1 – Tableau représentant le Moulin de Barbotin. Photo Michel RAPEAU
Cette réalisation est astucieuse et ingénieuse, notamment en ce qui concerne le matériel utilisé. C’est un exemple qui montre qu’avec un investissement limité et un certain savoir-faire, on peut obtenir de bons résultats.
La turbine est de type Francis horizontale et son arbre moteur est donc vertical (photo 2). Le renvoi d’angle nécessaire pour obtenir un arbre moteur horizontal a été réalisé en utilisant le pont arrière d’un véhicule qui permet d’obtenir également une première multiplication par 3 de la vitesse (photo 3).
Photo 2 – Turbine Francis horizontale dans la chambre d’eau vide (Moulin de Barbotin). Photo Michel RAPEAU
Photo 3 – Renvoi d’angle réalisé à partir d’un pont arrière de véhicule (Moulin de Barbotin). Photo Michel RAPEAU
L’alternateur à aimants permanents étant accouplé par courroie trapézoïdale, un jeu de poulies complète cette multiplication (photo 4).
Photo 4 – Alternateur de 10 kVA à aimants permanents et étage intermédiaire du multiplicateur (Moulin de Barbotin). Photo Michel RAPEAU
Autre astuce : la commande du vannage d’admission de l’eau à la chambre de la turbine est également réalisée en utilisant du matériel de récupération provenant d’un véhicule routier. Un vérin hydraulique à longue course, commandé par une pompe de même origine, actionnée par un petit moteur électrique, a été monté en lieu et place de la crémaillère et du cric habituel de vanne. Un ensemble de robinets distributeurs de même origine, assure la distribution du flux hydraulique vers le vérin pour l’ouverture ou la fermeture de cette vanne (photo 5). Telle qu’elle est actuellement, cette installation ne possède aucun automatisme de réglage d’admission de l’eau à la turbine mais il serait possible de l’ajouter.
Photo 5 – Vannage réalisé avec du matériel de récupération (Moulin de Barbotin). Photo Michel RAPEAU
En conclusion, on peut dire qu’il s’agit d’une réalisation simple et efficace avec un investissement modeste qui peut être rapidement amorti.
Un autre exemple, pour illustrer le cas d’une production d’énergie électrique commercialisée, concerne l’ancien Moulin à huile de Laubardemont situé sur la rivière Isle à Coutras en Gironde (photo 6). C’est aussi un bon exemple de reconversion d’un moulin en microcentrale. La puissance autorisée en exploitation délivrée par cette chute est de 500 kW. Afin d’optimiser le fonctionnement et permettre une exploitation rationnelle suivant les débits de la rivière, trois groupes de différentes puissances ont été installés. Ces trois groupes utilisent des génératrices asynchrones.
Photo 6 – Chaussée du Moulin de Laubardemont et son rehaussement, sur la rivière Isle. Photo Michel RAPEAU
L’un d’eux utilise une turbine Francis actionnant une génératrice de 220 kW (photo 7), un autre utilise une turbine Kaplan inclinée (photo 8). On notera que l’entrée du moulin est équipée d’un dégrilleur (photo 9).
Photo 7- Génératrice asynchrone de 220 kW et son multiplicateur (Moulin de Laubardemont). Photo Michel RAPEAU
Photo 8 – Turbine Kaplan inclinée et son multiplicateur (Moulin de Laubardemont). Photo Michel RAPEAU
Photo 9 – Dégrilleur à l’entrée du moulin de Laubardemont. Photo Michel RAPEAU
Conclusion
Pour conclure cet exposé, une indispensable recommandation s’impose, notamment dans le cas d’une vente de l’énergie produite au réseau public. Si la mise en place d’une telle installation de production peut sembler a priori, pour un propriétaire de moulin, ne pas poser de problème en ce qui concerne l’obtention des autorisations d’exploitation dans le respect de la réglementation, il en est tout autrement dans la réalité. Il faut bien garder en mémoire que les représentants des administrations concernées n’ont pas, le plus souvent, pour objectif ni pour vocation d’aider le demandeur. Le dédale des lois et la complexité des dossiers sont souvent difficiles à décrypter. Dans certains cas, les demandes auprès de l’administration provoquent des réactions inattendues qu’il vaut mieux essayer de surmonter, dans le calme le plus absolu. Il est donc fortement recommandé de s’associer à un fin connaisseur et spécialiste en la matière.
Michel RAPEAU – Article paru dans le Monde des Moulins – N°53 – juillet 2015
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