Le site des Moulins de France
ArabicBasqueBelarusianBulgarianCatalanChinese (Simplified)CzechDanishDutchEnglishFinnishFrenchGermanGreekHebrewHungarianItalianJapaneseLithuanianNorwegianPersianPolishPortugueseRomanianRussianSpanishSwedishTurkishUkrainian

bonne1
Photo Lucette Taguet.

Les petits moulins du plateau de Millevaches

Sur le plateau de Millevaches – que certains nomment “de Mille Sources” – courent de nombreux ruisseaux propices à l’installation de petits moulins à eau. On utilise pour cela de petites cascades dont l’eau vive captée se précipite sur la roue du moulin. Ou bien, si l’on ne dispose pas de chute naturelle, on crée un étang et on place le moulin au pied de la chaussée, la pression nécessaire à son fonctionnement étant assurée par la hauteur de l’eau dans la retenue. Ces moulins sont pourvus d’une roue horizontale en bois dont l’axe vertical, en bois également, est solidaire d’une meule tournante horizontale en pierre. Juste au dessous de celle-ci une autre meule en pierre, dite “dormante”, est posée sur deux “sommiers”, fortes poutres en général en bois (à Chadebec le bois est remplacé par du granite). Les grains de céréales sont écrasés entre les deux meules. La roue est constituée de pales rayonnantes, terminées par des cuillères que vient frapper à grande vitesse et à tour de rôle un jet d’eau issu d’une tuyère presque horizontale. Cette tuyère est alimentée par la cascade ou bien elle capte à travers la chaussée l’eau qui gicle du fond de l’étang. Sous le choc tangentiel du jet, la roue se met en mouvement entraînant avec elle la meule tournante. Les grains sont guidés par des rainures radiales gravées sur les faces en regard des deux meules. Rejetée à la périphérie sous l’action de la force centrifuge, la mouture sera recueillie dans un coffre et en général utilisée telle quelle pour nourrir les animaux. Si l’on veut de la farine pure il faudra la tamiser à la main.

Renaissance du moulin de Chadebec(1)

Le 18 avril 2009, les habitants de Chadebec et la population de Bonnefond ont vécu des instants de grande émotion. Après cinq années de démarches diverses, de recherches de fi nancement, la renaissance du moulin a été couronnée par son inauguration. Jusqu’aux années cinquante, les agriculteurs du village utilisaient ce moulin pour moudre le grain grossièrement et en nourrir les animaux de la ferme; parallèlement on se rendait chez le meunier pour obtenir la farine de seigle destinée à la fabrication du pain et celle de sarrasin pour les “tourtous”, les crêpes de blé noir. Puis, suivant la modernisation agricole, on s’est équipé de concasseurs électriques pour préparer la mouture destinée aux animaux. Donc petit à petit, le moulin a perdu de son utilité, on a négligé son entretien, sa toiture s’est écroulée et il ne restait que des ruines adossées à la digue de l’étang qui l’alimentait. Aucune importance, il ne servirait plus désormais ! Genêts, arbustes, ronces avaient envahi ce tas de pierres auquel les promeneurs suivant le G.R. 440 passant sur la digue, ne prêtaient aucune attention.

bonne2
Photo Lucette Taguet.

bon3
Photo Lucette Taguet.

bon4

Photo Lucette Taguet.

Au début du XXème siècle, la commune de Bonnefond comptait environ vingt cinq moulins privés ou appartenant communautairement à chaque village; tous sont en ruines ou ont disparu, alors pourquoi donc avoir choisi de restaurer celui-ci ? C’est toute une histoire.

Dans un premier temps notre attention s’est portée sur la digue de l’étang qui alimente le moulin. Une historienne, Bernadette Barrière, professeur à la Faculté de Limoges et spécialiste du Moyen Age, s’était intéressée aux ordres religieux de la montagne limousine et plus particulièrement aux établissements cisterciens. Ses recherches l’avaient conduite à Chadebec et c’est elle qui nous a montré la particularité et l’intérêt de cette digue. Elle est formée de gros blocs de granite décalés les uns par rapport aux autres de manière à former des gradins, donnant ainsi une plus grande résistance à la poussée de l’eau de la retenue. L’historienne a reconnu là une technique typiquement cistercienne. Cet étang dont l’ancienneté était déjà attestée par sa présence sur la carte de Cassini, avait donc été construit au moyen âge. Par ailleurs les textes anciens relatent la donation du domaine de Chadebec par le vicomte de Comborn à l’abbaye cistercienne d’Aubazine, près de Brive, vers 1150. L’abbaye en fi t une “grange” c’est à dire une exploitation agricole rationnelle confi ée à des frères convers, moines paysans qui consacraient moins de temps à la prière et aux chants que les moines de choeur restés à Aubazine. Comme dans tous leurs établissements, les moines cisterciens entreprirent des aménagements hydrauliques judicieux : c’est à leur maîtrise des techniques de l’eau que l’on doit la construction de la digue de l’étang. Outre l’élevage de poissons pour leur nourriture puisqu’ils ne mangeaient pas de viande, la vocation de la retenue de Chadebec était le développement de prairies d’altitude pour une production de fromage. Dans ce but un système d’irrigation fut réalisé pour répartir l’eau de l’étang dans les terrains en aval et aménager ainsi des prés qui portent encore aujourd’hui le qualifi catif de “fromagers”. L’intérêt historique de la digue et de l’étang est d’autant plus important que c’est le seul ensemble de réalisations cisterciennes de ce type qui subsiste en Limousin. En 1993 avait été créée à Bonnefond une association pour la sauvegarde du patrimoine, et c’est donc tout naturellement à celle-ci que Bernadette Barrière demanda de veiller sur ce site.

bon5

Photo Lucette Taguet.

bon6

Photo Lucette Taguet.

Notre premier soin a été de dégager la digue et les ruines du moulin de la végétation. Il nous est alors apparu qu’un des pignons du bâtiment était largement encastré dans la chaussée de l’étang, d’environ 1,5 m. La conclusion s’imposait : le moulin avait été bâti en même temps que la digue, il datait du XIIème siècle et il était impératif de le restaurer. Après une brève enquête auprès des habitants de Chadebec, il s’est avéré que cet ancien bien sectionnal relevait maintenant de la gestion communale. L’association a proposé alors à la Mairie d’être partenaire fi nancier des travaux de restauration. Après consultation de la C.A.U.E(2), une subvention a été demandée au Conseil Général, ainsi qu’une aide au Crédit Agricole, notre association apportant le complément au fi nancement de cette première tranche, les travaux ont pu débuter au printemps 2004. Les murs repris, un menuisier spécialiste a refait le mécanisme qui a été posé sur les sommiers d’origine, constitués de deux longs blocs de granite, vieux de huit siècles. A la veille de l’hiver 2004-2005, le moulin couvert en chaume avait repris sa place, blotti contre la chaussée.

bon7
Photo Lucette Taguet.

Mais nous n’étions pas au bout de nos soucis, l’étang avait été vidé pour les travaux, et nous nous sommes alors aperçus que la partie de la digue côté retenue, était terriblement endommagée et que des travaux supplémentaires devenaient indispensables avant de remettre l’étang en eau. Dans ces conditions le moulin restait, malgré sa belle apparence, sans vie. A Commencé alors le parcours du combattant pour avoir les fonds nécessaires, et aussi l’accord de la Direction des Affaires Culturelles. Devant le coût énorme des études qui étaient demandées, la commune et l’association étaient prêtes à renoncer. Mais la digue et le moulin n’étant pas classés, rien n’empêchait la municipalité de consolider, côté étang, le chemin qui passe sur cette chaussée, très vieil itinéraire, utilisé encore aujourd’hui en particulier par le G.R.440. La petite commune de Bonnefond entreprit donc cette réfection, sans doute au prix d’un grand effort fi nancier, toujours avec l’aide de l’association et grâce à un autre don du Crédit Agricole. Enfi n au printemps 2009, les travaux achevés, l’étang de Chadebec remis en eau recouvrit sa surface originelle, et la roue à cuillères du moulin se remit en mouvement sous une gerbe d’eau jaillissant de la trompe de la retenue. Le site ne manque pas de charme et les visiteurs sont nombreux, qui peuvent à leur demande voir fonctionner ce moulin dont la renaissance est un attrait supplémentaire pour ce village du Plateau de Millevaches qui possède d’autres atouts touristiques : proche de Chadebec, le célèbre menhir du Pilard, au coeur du village, un puits à balancier construit par les moines, un gîte d’étape pour accueillir randonneurs et cavaliers en été et un foyer de ski de fond pendant la saison hivernale.

1. Chadebec, village de la commune de Bonnefond en Corrèze.

2. Conseil, Architecture, Urbanisme, Environnement

Lucette Taguet Présidente de l’Association Renaissance des Vieilles Pierres entre Millevaches et Monédières – Article paru dans le Monde des Moulins – N°32 – avril 2010

Voir la fiche du moulin >>

Catégories : Zoom

0 commentaire

Laisser un commentaire

Avatar placeholder

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *