Une carte ancienne relativement connue de l’intérieur du moulin de la Trappe (Orne) montre un appareil assez rare, que tout le monde ne remarque pas forcément.
Sur la gauche, on voit l’extrémité d’une bluterie. Au milieu, un des frères meuniers transporte un sac sur un diable (même les diables peuvent être utiles dans les monastères). Entre celui-ci et le second frère meunier à droite, on voit un appareil doté de quatre portes tendues de toile. Cet appareil est un broyeur-extracteur, construit par Muzey à partir de la fin du XIXème.
Broyeur tamiseur de Muzey – collection personnelle S.Mary
Lorsque les appareils à cylindres sont apparus en France vers 1880, la meunerie était une industrie encore peu concentrée, avec beaucoup de petits moulins, de deux ou trois paires de meules au maximum. La transformation de ces petits moulins en minoterie à cylindres pour rivaliser avec les nouvelles minoteries produisant une farine très blanche était souvent dispendieuse. Il fallait en effet installer plusieurs appareils, souvent deux broyeurs et un convertisseur, avec de nombreuses bluteries, de multiples élévateurs pour chaque passage. D’où une installation onéreuse. Plusieurs maisons avaient alors imaginé des appareils pour moderniser de petits moulins, avec un broyeur faisant trois ou quatre passages de broyage, suivis chacun d’un tamisage. L’intérêt était double : moins de broyeurs et de bluteries à installer, et moins d’élévateurs. Donc un gain de place, de force motrice et une économie à la construction. Une installation conservée complète au moulin de Frémontiers dans la Somme possède ainsi un appareil Muzey, un convertisseur Ganz et deux bluteries.
Le Moulin de la Trappe vers 1900 – collection personnelle S.Mary
Ce moulin est heureusement inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Deux de ces appareils étaient présentés à l’exposition universelle de 1889. Le premier, dénommé appareil combiné, était construit par Brault-Teisset et Gillet de Chartres et possédait trois paires de cylindres superposées
disposés à plat. Chaque paire de cylindres est audessus d’un tamis qui extrait les farines pour que les cylindres suivants ne broient que le refus du tamis. L’enveloppe était en bois sur un bâti en fonte. Le constructeur annonçait alors un travail de 400 kilos à l’heure.
Le second était le broyeur-extracteur automatique de Muzey (plus tard Piat et Fougerolle) à Auxerre (Yonne). Il était légèrement différent : ses quatre paires de cylindres n’étaient pas superposées, mais disposées en quinconce, la paire de cylindres traitant le refus d’un tamis étant à l’opposé de la paire précédente. Le bâti est entièrement en fonte, équipé de quatre grandes portes sur chaque côté, et de petites portes aux extrémités pour inspecter le travail. Un article de la meunerie française indique qu’un de ces appareils et un convertisseur pouvaient traiter jusqu’à 50 quintaux de blé en 24 heures. Il cite le moulin de Nargis près de Ferrières (Loiret)
qui écrasait avec peine vingt sacs par jour, et qui avec cette installation est passé facilement à trente sacs par jour sans modification du moteur.
Appareil combiné de Branlt-Teisset et Gillet – collection personnelle S.Mary
Un troisième constructeur, peut-être un peu plus tardif a produit un appareil très similaire : Dardel à Melun (Seine-et- Marne). Dans sa publicité de 1896, il montre un broyeur quadruple à tamis extracteurs-élévateurs. La principale différence avec celui de Muzey, est que la pente des tamis est inversée, et que les produits doivent donc monter le tamis, peut-être pour qu’ils y restent plus longtemps et soient mieux tamisés. Ces appareils sont maintenant très rares.
Broyeur quadriple de Dardel – collection personnelle S.Mary
Outre celui de Frémontiers, un livre en montrait un dans un moulin de Blesle (Haute-Loire) qui avait été installé en 1930, vraisemblablement d’occasion vu l’esthétique du convertisseur. Peut-être n’existe-t-il plus, car le livre est déjà un peu ancien. Toujours en Auvergne, un moulin situé dans les Combrailles, celui de Laroche au sud de Marcillat (Puy-de- Dôme), en conserve un. Pourvu qu’il ne soit jamais ferraillé.
Stéphane Mary – Article paru dans le Monde des Moulins – N°22 – octobre 2007
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