Le site des Moulins de France
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Description des régulateurs à boules

Lorsqu’on parle de régulateur à boules, on pense surtout à l’appareil bien connu dont le principe est donné sur la figure 1.
Dans cet appareil, deux boules sont liées à un axe par l’intermédiaire de bras articulés de manière à leur permettre de se déplacer radialement en restant dans un même plan passant par cet axe. Grâce à deux tiges reliées aux bras, les boules entraînent dans leur mouvement une bague coulissant le long de l’axe.

Fig.1. Régulateur à boules traditionnel : vue de côté et vue partielle de dessus. Dessin © M. Lajoie-Mazenc.

Lorsque l’axe est mis en rotation, les boules sont soumises à la force centrifuge qui dépend de la vitesse de rotation. Cette force s’exerçant radialement par rapport à la trajectoire de rotation des boules, celles-ci vont alors s’écarter plus ou moins en fonction de la vitesse en entraînant dans leur mouvement la bague coulissante. La position de la bague donne donc une image de la vitesse qui peut être mise à profit pour assurer un réglage en fonction de cette vitesse. Cet appareil a reçu le nom de « régulateur centrifuge » en raison de son fonctionnement basé sur l’action de la force centrifuge.

Il existe un autre type de régulateur à boules moins connu et qui diffère du précédent par l’orientation des points d’articulation des bras sur lesquels sont fixées les boules. Ce deuxième type de régulateur est représenté sur la figure 2.

Fig.2. Régulateur d’un autre type : vue de côté et vue partielle de dessus. Dessin © M. Lajoie-Mazenc.

 

On peut voir sur cette figure que les articulations des bras sont orientées de telle manière que les boules ne peuvent se déplacer qu’en restant chacune respectivement dans un plan parallèle à l’axe et tangent au cercle de rotation de ces articulations.
Ce déplacement tangentiel, différent du déplacement radial du régulateur centrifuge, est caractéristique de ce deuxième type de régulateur. C’est la raison pour laquelle on le qualifie de « régulateur tangentiel ». Mais on le qualifie aussi parfois de « régulateur à inertie » ou encore en anglais de « lag governor » (que l’on peut traduire en français par « régulateur à retard ») pour les raisons qui seront explicitées par la suite.
On notera que, comme dans le régulateur centrifuge décrit précédemment, les boules entraînent dans leur mouvement une bague coulissante par l’intermédiaire de tiges auxiliaires.

Bref historique de l’invention des régulateurs

Bien qu’on désigne souvent le régulateur à boules sous le nom de « régulateur de Watt » et contrairement à une fausse idée largement répandue, James Watt n’en est pas l’inventeur. Il l’a seulement mis en œuvre dans la machine à vapeur.
Le nom de l’inventeur n’est pas vraiment connu mais on attribue, peut être à tort, la paternité de cette invention au charpentier de moulin anglais Thomas Mead. En 1787, il a en effet pris un brevet dans lequel il décrit comment utiliser un dispositif équipé de boules dans les moulins à vent pour régler le jeu entre les meules ou encore la surface active de la voilure.
Comme en témoignent les dessins figurant dans son brevet et partiellement reproduits ici sur la figure 3, il s’agissait du régulateur tangentiel où les boules ne pouvaient s’écarter que tangentiellement par rapport au cercle de rotation de leurs extrémités articulées.

Fig.3. Dessins montrant des régulateurs tangentiels d’après le brevet de Thomas Mead. The Mills Archive Trust (Stephen Buckland Collection).

 

Un peu plus tard, en 1789, un autre anglais, Stephen Hooper, a déposé un brevet qui proposait aussi d’utiliser un régulateur pour le réglage du jeu entre les meules. Mais, à la différence de celui de Thomas Mead, sa solution mettait en œuvre un régulateur centrifuge, comme on peut le voir sur le dessin reproduit partiellement sur la figure 4, d’après celui figurant sur le brevet.

Fig.4. Dessin montrant un régulateur centrifuge d’après le brevet de Stephen Hooper. The Mills Archive Trust (Stephen Buckland Collection).

 

Régulateurs observés dans les moulins

À partir de ces premières utilisations, les régulateurs se sont disséminés et on en retrouve encore aujourd’hui dans la plupart des moulins à vent, en France et à l’étranger, où ils sont utilisés pour régler le jeu entre les meules.
Ces régulateurs sont le plus souvent du type centrifuge, mais on peut cependant trouver quelques régulateurs tangentiels dans des moulins en Grande-Bretagne.
Les photographies des figures 5 A et 5 B montrent deux exemples de régulateurs centrifuges observables dans des moulins en France.

Fig.5A. Régulateur centrifuge du Moulin Bertaud à Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine). Photo M. Lajoie-Mazenc.

Fig.5B. Régulateur centrifuge du Moulin de Rairé à Sallertaine (Vendée). Photo M. Lajoie-Mazenc.

 

Les photographies des figures 6 A et 6 B (page suivante) montrent deux exemples de régulateurs tangentiels implantés dans des moulins en Grande-Bretagne. Celui de la figure 6 A a une structure très voisine de celle décrite dans le brevet de Thomas Mead (cf figure 3) alors que celui de la figure 6 B a une facture plus « moderne », proche de celle illustrée en figure 2.

Fig.6A. Régulateur tangentiel de Tower mill, Norton Lindsey (UK). Photo The Mills Archive Trust (Photo Guy Blythman).

Fig.6B. Régulateur tangentiel de Pocklington’s mill, Heckington (UK). Photo The Mills Archive Trust (Photo Hallam Ashley).

Fonctionnement des régulateurs

Bien que les deux types de régulateurs aient une apparence globale très similaire, avec leurs boules montées sur un axe tournant au travers de bras articulés, leur fonctionnement est relativement différent en raison de l’orientation de ces articulations.
Comme déjà dit, dans le régulateur centrifuge, les boules sont susceptibles de s’écarter de l’axe en suivant les rayons du cercle de rotation des extrémités articulées. Ce régulateur est donc sensible aux seules forces qui s’exercent suivant ce rayon. C’est en particulier le cas de la force centrifuge qui est fonction de la vitesse angulaire de rotation. La position de la bague coulissante est donc fonction uniquement de la vitesse de rotation.
Le fonctionnement du régulateur tangentiel est un peu plus compliqué à analyser car, en raison du déplacement tangentiel des bras, les boules peuvent ici s’écarter de l’axe sous l’action de deux forces : la force centrifuge et la force d’inertie dont les orientations sont représentées sur la figure 7 :

  • La force centrifuge existe, comme pour le régulateur centrifuge, dès que le système est mis en rotation. Cependant, cette force s’exerçant toujours radialement, elle agit ici en biais par rapport à la direction d’écartement des bras, donc par sa seule composante utile, c’est à dire sa seule composante dans cette direction. Pour les faibles écarts, sa direction est pratiquement perpendiculaire à la trajectoire d’écartement des boules. Sa composante utile est alors très petite, voire même nulle si les boules n’ont aucun écartement.
  • La force d’inertie ne se manifeste que lors des accélérations angulaires (c’est à dire les variations de vitesse) et elle s’oppose à ces accélérations. Elle est tangente à la trajectoire de rotation et s’exerce donc également en biais par rapport à la direction d’écartement des bras. De ce fait, elle agit aussi seulement par sa composante dans cette direction.

Fig.7. Orientations des forces agissant sur les boules du régulateur tangentiel. Dessin © M. Lajoie-Mazenc.

Les composantes des forces centrifuge et d’inertie contribuent à écarter les boules de l’axe de rotation en les soulevant, ce qui a pour effet de déplacer la bague coulissante. La position de cette bague est donc, dans ce régulateur, fonction à la fois de la vitesse de rotation et de l’accélération angulaire.
Le nom de « régulateur à inertie » attribué à ce type de régulateur peut se justifier par cette action de la force d’inertie lors des accélérations. Quant à la dénomination de « régulateur à retard », elle est justifiée par le fait que les boules se déplacent, sous l’effet d’une augmentation de vitesse ou d’accélération, en arrière de leurs positions initiales.
Des trois dénominations, c’est la dénomination « régulateur à inertie » qui paraît la moins satisfaisante, car elle pourrait faire croire que c’est seulement la force d’inertie qui intervient dans le fonctionnement alors que la force centrifuge intervient également.

Comparaison des régulateurs

On peut tout d’abord remarquer que, bien que la force d’inertie soit présente lors des accélérations du régulateur centrifuge, elle n’a pas d’effet sur son fonctionnement car elle est perpendiculaire à la direction d’écartement des bras.
Le régulateur centrifuge n’est de ce fait sensible qu’à la vitesse de rotation alors que le régulateur tangentiel est sensible à la fois à la vitesse et à l’accélération. Cette particularité devrait, en principe et du point de vue de l’automatique, rendre ce régulateur plus performant notamment au niveau de la rapidité de la réponse.
Cependant, sa sensibilité est affectée par le fait que les forces d’inertie et centrifuge agissent seulement par leurs composantes suivant la direction d’écartement des bras. De plus, les articulations des bras travaillent dans de mauvaises conditions car elles sont sollicitées latéralement par ces deux forces, ce qui entraîne des contraintes mécaniques supplémentaires.
Dans la pratique, l’utilisation dans les moulins du régulateur tangentiel a été abandonnée au profit du régulateur centrifuge.
On peut penser que cet abandon est dû au fait que sa double sensibilité entraînait davantage de difficultés de mise en oeuvre que pour le régulateur centrifuge. Il faut d’ailleurs noter à ce sujet que le rôle du régulateur dans un moulin à vent consiste plus en un simple réglage en fonction de la vitesse qu’en un vrai contrôle automatique, et ce réglage ne justifie pas la prise en compte de l’accélération.
La constitution mécanique du régulateur tangentiel ne jouait pas non plus en sa faveur car la sollicitation latérale des articulations devait finir par entraîner quelques problèmes de fonctionnement.
Dans la mesure où l’on fait confiance aux dates d’invention données ci-dessus, il est surprenant de voir que le régulateur tangentiel, dont le fonctionnement est plus complexe, ait été inventé et mis en oeuvre avant le régulateur centrifuge, d’un fonctionnement beaucoup plus logique et beaucoup plus facilement compréhensible.

Maquettes de régulateurs

Afin de pouvoir examiner dans le détail le fonctionnement de ces deux régulateurs, les deux maquettes d’étude, dont on peut voir la photographie sur la figure 8, ont été construites à des fins d’expérimentation.
Pour des raisons de commodité dans la réalisation, les « boules » y sont remplacées par des olives en plomb.

Fig.8. Maquettes d’étude des régulateurs : régulateur centrifuge à gauche et régulateur tangentiel à droite. Réalisations et Photos M. Lajoie-Mazenc.

Fig.8. Maquettes d’étude des régulateurs : régulateur centrifuge à gauche et régulateur tangentiel à droite. Réalisations et Photos M. Lajoie-Mazenc.

Grâce à l’entraînement par poulies et courroie à partir d’une manivelle, ces maquettes permettent de bien appréhender les liens qui existent entre la vitesse, l’accélération, l’écartement des boules et la position de la bague coulissante.
On peut ainsi mettre en évidence le comportement assez particulier du régulateur tangentiel qui se révèle relativement différent de celui du régulateur centrifuge. Il est, par exemple, possible de montrer qu’une mise en vitesse de ce régulateur avec une accélération très faible peut conduire à une rotation à vitesse élevée sans que les boules se soulèvent. Ce comportement est logique dans la mesure où, avec une accélération très faible, la force d’inertie devient négligeable devant les frottements des articulations des bras. La seule force centrifuge s’exerçant radialement sur les boules dont les bras sont en position verticale n’a alors pas la bonne orientation pour soulever les boules. Elles restent par conséquent dans la position par rapport à l’axe qu’elles occupent à l’arrêt. Ce type de fonctionnement pouvait se révéler problématique lors de l’utilisation de ce régulateur dans les moulins….

Remerciements

Nous remercions The Mills Archive Trust, organisation anglaise à but non lucratif qui se consacre à la préservation et la valorisation des archives du patrimoine molinologique, de nous avoir permis de reproduire les dessins et photos extraites de ses collections.
Nous remercions également Tony Bonson, Claude Barrau pour les discussions fructueuses que nous avons pu avoir autour du sujet de cet article.

Michel Lajoie-Mazenc
Chercheur honoraire au CNRS
mlajoiemazenc@orange.fr

Article paru dans le Monde des Moulins – N°68 – avril 2019

Catégories : Technique

2 commentaires

Chandru · 9 juin 2020 à 14 h 45 min

Bonjour,

Serais t’il possible d’avoir accès aux schéma/documents techniques de la maquette d’étude des régulateurs pour le régulateur centrifuge de gauche.
Par exemple des dimensionnement etc…
Merci d’avance

    Webmaster FDMF · 11 juin 2020 à 11 h 23 min

    Bonjour.
    L’auteur (mlajoiemazenc@orange.fr) prend contact avec vous pour vous apporter les éléments dont vous avez besoin.

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