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L’arganier, « arbre magique et vénérable, tes racines forent le roc et scellent avec la terre un pacte irrévocable … tu es le végétal le plus résistant et sans doute le plus beau », ainsi parlait Mohamed Khair Eddine, écrivain marocain (1941 – 1995).

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Noix d’argan

Visiteurs au Maroc, si vous avez sillonné les routes et les pistes de la région d’Essaouira, Taroudant, Guellmin, Tiznit, vous avez remarqué ces arbres au tronc noueux dans lesquels les chèvres pâturent (pâturage dit « aérien ») sous la vigilance des bergers. Cet arbre sauvage a été décrit par Ibn Al Baytar (1197-1248), botaniste arabe dans son Recueil des remèdes et aliments simples.

La forêt d’arganiers s’étend sur environ deux cents communes rurales du sud du Maroc. Pour différentes raisons l’arganier, pourtant peu demandeur d’humidité et s’adaptant à des températures élevées est menacé de disparition entraînant avec elle la précipitation de la progression du désert. La forêt d’arganier est classée par l’Unesco « réserve de la biosphère ».
Arbre aux branches épineuses, l’arganier produit des fruits semblables aux olives. Il offre aux autochtones moult avantages : il nourrit les chèvres de ses petites feuilles et de ses fruits, il fournit du bois (petits ustensiles, petits meubles et charbon de bois), ses branches épineuses sont utilisées pour confectionner des clôtures naturelles pour protéger les plantations des prédateurs. On extrait de l’huile de ses fruits, l’huile d’Argan (on prononce argane au Maroc).
Les résidus de l’extraction de l’huile nourrissent les bêtes. Les coques et les noyaux servent à alimenter les feux pour cuire les repas.
On doit aussi noter que dans les clairières ou à l’abri des arganiers, on pratique la céréaliculture. C’est pour toutes ces raisons qui caractérisent sa plurifonctionnalité que l’arganier est tant honoré et fait l’objet de nombreux rituels.

Les producteurs d’huile d’Argan

On observe trois types de producteurs d’huile :
– les femmes des villages qui font une production suivant la méthode traditionnelle
– les coopératives (une quarantaine) qui extraient l’huile en partie par des moyens mécaniques en garantissant du travail pour toutes les femmes et qui se développent devant la demande sans cesse croissante d’huile. Les coopératives contrôlent toutes les étapes de la production, assurant un produit qui correspond aux normes d’hygiène imposées.
– des producteurs privés installés en ville et qui achètent la matière première toute prête pour alimenter leurs usines. On s’attachera dans cette communication à parler surtout de la méthode ancestrale et semi manuelle.

Les huiles d’Argan

Il y a deux sortes d’huiles :
– l’huile d’argan culinaire (les amandons sont légèrement torréfiés)
– l’huile d’argan cosmétique (huile à froid, plus claire que la première et sans odeur)

Le fruit

Il est gros comme une noix. La première partie est appelée la pulpe qui recouvre la coque dure du noyau, puis à l’intérieur du fruit, on trouve les amandons (deux ou trois).
Le fruit est de couleur verte lorsqu’il n’est pas mûr et prend une couleur jaune à maturité.
Les fruits (tafyoucht) sont à maturité entre mai et août.

La récolte des fruits

Compliquée par la présence de branches épineuses, la récolte des fruits est faite par les femmes des villages (les douars) de plusieurs façons :
– en collectant les fruits entiers mûrs tombés naturellement au sol.
– par gaulage.
– en lançant des cailloux dans les branches pour provoquer la chute des fruits entiers au sol (interdit par le service des Eaux et Forêts).
– en collectant les noyaux «rejetés par les chèvres». La proportion des noix récoltées par les chèvres dépend de l’importance du troupeau, des dispositions des chèvres à grimper ou non et de l’accessibilité des branches des arganiers. Les études menées par Hamed El Aich, Alain Bourbouze et Pierre Morand-Fehr parlent d’une proportion allant de 0 à 60% suivant les situations.
Le transport des fruits se fait, dans le meilleur des cas, dans des panières tressées et à dos d’ânes.

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Le séchage des fruits

Les femmes étendent les fruits au soleil pour leur permettre de mûrir. Ils deviennent alors marron, rabougris.

Le dépulpage

Il peut se faire de trois façons :
– la méthode manuelle : les femmes enlèvent la pulpe à l’aide d’un galet.
– il existe des machines pour enlever la pulpe, mais ces machines sont utilisées dans les coopératives.
– la méthode par voie « animale » : Les chèvres sont très friandes de fruits d’arganier. Elles mangent les fruits dont la pulpe est alors absorbée pendant le transit intestinal. Les chèvres délivrent le noyau débarrassé de la pulpe avec leurs déjections.

Le concassage

C’est un travail long et délicat qui se fait à la main. Les femmes avec beaucoup d’habilité cassent le noyau et récupèrent les amandons. L’amandon ne doit pas être blessé ou écrasé car il s’oxyde très rapidement et il est alors impropre pour la fabrication de l’huile.
Dans le cadre des coopératives, les femmes, chaque matin, effectuent le concassage des noyaux. Elles sont rémunérées suivant le poids d’amandons produit. La mécanisation de cette opération n’est pas encore au point, ce qui assure le maintien du travail pour les femmes encore pendant quelques années.

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Concassage. Coopérative Taïtmatine à Tiout – Photo Charpentier

Torréfaction

Pour la fabrication de l’huile alimentaire, dans un plat en terre installé au dessus d’un petit foyer, et dans le cas de l’extraction de l’huile manuellement, les amandons sont légèrement grillés.

Presse et extraction

Dans le cas de l’extraction manuelle, les amandons grillés ou non grillés sont repris et écrasés dans un moulin en pierre (appelé r’ha en berbère). Ce petit moulin est constitué de deux parties. La meule inférieure est fixe, légèrement ovale et munie d’une échancrure pour l’écoulement de l’huile, la meule du dessus est ronde munie d’une manivelle pour lui donner le mouvement. Le diamètre de cet appareil est d’environ 50 cm. Entre les deux meules, on récupère une pâte homogène et brune que l’on place dans un récipient en terre. On malaxe cette pâte à la main en ajoutant de petites quantités d’eau bouillante. L’huile se sépare. On presse fortement la pâte (tazguemout) entre les mains pour en extraire le
maximum d’huile. La pâte résiduelle (le tourteau) est destinée à nourrir les bovins en particulier. Cette étape est la plus fatigante. L’huile, dite huile Beldi (qui signifie « traditionnelle » en langue berbère) est stockée dans un récipient hermétique pour la consommation familiale après décantation. Elle pourra aussi être mise en bouteille pour le surplus qui sera vendu aux particuliers.

Rendements

Dans le cas de la pression manuelle, il est difficile d’être précis tant les chiffres sont différents d’une source à l’autre. On ne citera que ceux délivrés dans l’étude de Hammed El Aich, Alain Bourbouze et Pierre Morand-Fehr. On estime en général qu’il faut 100 kg de fruits et huit à dix heures de travail pour obtenir 1 à 1,5 litre d’huile.
Dans le cas de la pression mécanique, on obtiendrait 6 litres d’huile en 1 heure d’extraction.

Avertissement
Pour ceux qui auraient des doutes sur la qualité de l’huile d’Argan, la méthode « du transit animal » est de moins en moins pratiquée et vos achats d’huile et de produits dérivés dans les coopératives vous assureront un produit de qualité et équitable : pas de solvants, pas de germes dus au transit intestinal des chèvres ou aux bactéries en provenance de l’eau chaude et enfin l’assurance d’un travail rémunéré pour les femmes qui participent à cette production.
Mais attention encore : il y a coopérative et coopérative !
Si vous visitez l’Anti-Atlas, ne manquez pas de visiter dans les environs de Taroudant la coopérative de Taïmatine. Depuis 2002, cette coopérative financée par la principauté de Monaco réunit des femmes du village qui concassent les noix et qui vous accueillent fort sympathiquement. Tout le processus d’extraction d’huile vous est expliqué. On peut faire des achats dans la boutique.

Dominique Charpentier – Article paru dans le Monde des Moulins – N°27 – janvier 2009

Catégories : Etranger

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