1. Miniaturisation des moteurs
Aujourd’hui, nous utilisons beaucoup de petits moteurs, sans même y prêter attention. Dans la voiture, nous avons couramment quatre moteurs de lève-vitres et deux d’essuie-glaces, en plus du moteur de traction.
Pour la maison, pour le jardin, pour bricoler, les moteurs sont nombreux. On en a même mis sur les brosses à dents. Tout ceci est possible parce que nous disposons des petits moteurs électriques ou thermiques.
Au XIXe siècle, les particuliers ne disposaient d’aucun de ces moteurs. Dans une usine, on pouvait n’avoir qu’un seul gros moteur, roue hydraulique ou machine à vapeur. L’énergie était distribuée par des arbres de transmission garnis d’une foule de poulies entraînant les machines par des courroies. Dans l’agriculture, la machine à vapeur s’était rapidement répandue aux USA et en Grande-Bretagne. Mais en France, où la propriété était très morcelée, faute de capitaux, nous en avions beaucoup moins. Et ces machines étaient utilisées surtout pour le battage des céréales.
Cependant, nos campagnes avaient besoin de petits moteurs car elles manquaient de bras. Ces moteurs, c’étaient les manèges. « Les manèges sont employés dans presque toutes les exploitations rurales, dans quelques-unes cependant, ils tendent à disparaître pour être remplacés par les locomobiles à vapeur ».
Les manèges sont connus par les foires expositions. « Trente-neuf exposants ont envoyé cette année 1860, au Palais de l’Industrie, différents systèmes de manège. »
2. Manèges fixes à axe vertical, en l’air
Le plus connu des manèges est celui où les bêtes tournent autour d’un axe vertical. Voici un des plus anciens manèges en bois .
C’est un manège « en l’air », où la transmission se fait au-dessus des bêtes.
Il est entraîné par des chevaux. Les bêtes travaillent mal parce que l’épaule intérieure travaille plus que l’autre. L’entraînement par un palonnier est préférable.
Voici un manège à corde.
C’est aussi un manège en l’air. Les points d’attelage des bêtes ne sont pas représentés.
Ce manège entraîne une batteuse où la gerbe est introduite en bout. Par la suite, ce système a été abandonné car il brise la paille.
3. Manèges fixes à axe vertical, au sol
Ici, la transmission est faite au sol, et les chevaux tirent sur des palonniers.
Là , on a présenté un cheval et une paire de boeufs. On a voulu montrer qu’on pouvait utiliser les deux modes de traction.
Mais il n’est pas bon de faire travailler ensemble chevaux et boeufs, car ils ne marchent pas du même pas.
Autre manège avec transmission au sol.
Un autre.
4. Manèges locomobiles
Les manèges précédents étaient fixés au sol. Les déplacer d’un lieu à un autre n’était pas aisé. De même qu’on a inventé la locomobile à vapeur, que l’on pouvait déplacer là où l’on en avait besoin, on a construit des manèges mobiles que l’on appelait
aussi « manèges locomobiles ».
Manège locomobile au sol, tiré par deux chevaux.
Sur ce manège locomobile, les leviers de traction ne sont pas représentés. La transmission se fait en l’air ou à terre, au choix ; peut-être les deux en même temps. Le blocage des roues, pendant le travail, n’est pas non plus dessiné.
Ce manège est transporté sur un chariot, mais on l’en descend pour l’utiliser. Comme pour les machines à vapeur, on pourrait le dire « semifixe ».
5. Trépigneuses
Les manèges à axe vertical prennent beaucoup de place. Si l’on fait des bras trop courts, les bêtes travaillent mal. Les manèges à tablier, ou trépigneuses, représentés ci-dessous, sont beaucoup moins encombrants.
Cependant, les bêtes y sont mélancoliques et travaillent mal.
Un voisin, prisonnier en Allemagne pendant la dernière guerre mondiale, a vu travailler une de ces vieilles machines, remise en service par manque d’énergie. Le cheval était obligé de marcher, sinon il reculait et se piquait l’arrière-train sur un clou.
Les Romains ont utilisé des bateaux à roue pour conquérir la Sicile. Je suppose qu’elles étaient entraînées par des manèges à tablier, car les manèges à axe vertical auraient pris trop de largeur sur le pont. La cage d’écureuil aurait été plus facile à construire, mais je pense qu’elle offrait trop de prise au vent.
• Manège à tablier et maillon à trous des chaînes à tablier.
• Machine à battre à plan incliné. A : cage à plan incliné formé de traverses fixées à deux courroies ; c’est sur ce plan incliné qu’on met le cheval. En marchant pour le remonter, il fait tourner la poulie qui met en mouvement le cylindre batteur.
• Autre batteuse équipée d’une trépigneuse.
• Batteuse à manège direct placé sous la batteuse.
Ici, ce n’est plus une trépigneuse. On voit que le manège à axe vertical est plus encombrant que la trépigneuse.
Roues-marchées pour chevaux et boeufs.
Elles consistent en une plate-forme circulaire, tournant autour d’un axe incliné sur la verticale, et striée pour empêcher que le poids des animaux ne les fasse glisser.
Les animaux marchent continuellement sur la pente de la plate-forme, près de l’extrémité du diamètre horizontal et forcent, par leur poids, la plate-forme à tourner contre une résistance.
Autre système pour chevaux et boeufs.
Ici , l’avant-train du cheval repose sur une plateforme fixe, et son arrière-train sur la circonférence d’un cylindre qui est mis en marche par le poids du cheval, combiné avec la force musculaire de ses jambes de derrière.
6. Entraînement de plusieurs machines
Aujourd’hui, avec nos petits moteurs, nous pouvons en avoir un par machine et même plusieurs, un pour chaque mouvement. Au XIXe siècle, un même manège doit pouvoir entraîner plusieurs machines simultanément ou alternativement.
Cet appareil, relié à un manège au sol, permet de faire tourner deux machines.
Cet autre permet d’en alimenter deux aussi. La poulie de gauche peut être embrayée ou débrayée par un crabot.
Ici, le système est plus rudimentaire.
Le manège entraîne deux machines, une petite batteuse et un tarare pour nettoyer le grain.
Disposition du manège et de la transmission de M. Pialoux.
Ici, le manège est installé à demeure, à l’extérieur d’une grange.
Poulie motrice du manège de M. Pinet
La roue à rochets évite les à-coups quand les bêtes s’arrêtent.
7. Puissance et rendement
Pour mesurer le rendement des manèges, en Grande-Bretagne, on les entraînait par une machine à vapeur.
On mesurait le couple et la vitesse fournis par la machine à vapeur au manège, ainsi que le couple et la vitesse obtenus à la sortie du manège. La traction par la machine à vapeur était plus régulière que celle fournie par les bêtes.
Ce tableau montre les rendements mesurés sur 9 manèges. Ça fait un rendement moyen de 75 %. Ce tableau nous donne aussi le diamètre des pistes.
Ce tableau donne pour différents manèges le travail journalier utile fourni par un cheval. La moyenne est de 1 230 000 kgm, ce qui correspond à 3,4 kWh. Pour un rendement de 0,75 , le cheval a fourni 4,5 kWh pour 8 heures de travail.
Les chevaux attelés à un manège produisent moins de travail qu’en tirant sur une route. Pour deux boeufs accouplés, la distance du milieu du joug à l’axe devrait être de 5 à 7 m.
Pour un cheval, 5 à 6 m suffisent. Il est rare que l’espace disponible permette de si grandes longueurs. Quand le rayon diminue, les animaux éprouvent une gêne, et le travail qu’ils fournissent diminue aussi. De plus, la force de traction qu’ils exercent se décompose en une force utile tangente à la piste, et une force radiale perdue qui ne sert qu’à fatiguer le mécanisme et à augmenter les frottements du premier tourillon.
Cette force perdue croît quand le rayon de la piste diminue. Il ne faut jamais descendre en dessous de 3,80 m pour un manège à boeufs accouplés et 3,30 m pour un manège à chevaux.
Un cheval moyen ne fournit pas la puissance de 75 kgm/s qui définit l’unité ch utilisée pour donner la puissance des machines à vapeur.
Un cheval moyen ordinaire fournit environ 55 kgm/s soit 550 W. Avec un rendement moyen de 0,75 , un manège à quatre chevaux fournit 1,65 kW à la sortie.
http://porslanvers.eu
http://www.porslanvers.eu/moteurs-animes/les-manèges/
JP Favreau – 19 rue La Ville Étable
44600 Saint-Nazaire
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Bibliographie :
• ALBUM AGRICOLE par A. Jennepin et Ad. Herlem 1898.
• TROIS EXPOSITIONS de PARIS, BESANÇON et MONTPELLIER par J.A. Luthéreau et A. Brodin-Collet 1860.
• NOTIONS GÉOMÉTRIQUES SUR LES MOUVEMENTS par A. MORIN 1878.
• LE BON FERMIER par J.A. Barral 1861.
• LE CONDUCTEUR DE MACHINES À BATTRE par A. Damey 1862.
• L’OUTILLAGE AGRICOLE par H. de GRAFFIGNY.
• MACHINES AGRICOLES par H. Mangon 1875.
• NOUVEAU MANUEL DE MÉCANIQUE APPLIQUÉE À L’INDUSTRIE. Par A. D. Vergnaud.1838.
JP Favreau
Article Paru dans le Monde des Moulins n°56 – Avril 2016
2 commentaires
fonteneau · 15 janvier 2021 à 11 h 54 min
J’ai le souvenir, enfant, d’avoir tourné sur un manège …en 1947 et j’ai cherché sur internet comment fonctionnait ce manège . J’ignorais tout et j’ai admiré la documentation mise à disposition . J’ai cru devoir vous en remercier …avec un grand plaisir . C’est beaucoup plus compliqué que je ne le pensais …mais c’est passionnant de découvrir l’ingéniosité des hommes et leur créativité , pour tenter d’améliorer les conditions de travail et l’efficacité
Merci pour cette documentation
Dominique Charpentier · 15 janvier 2021 à 17 h 51 min
C’est très aimable à vous. Je fais suivre à l’équipe de bénévole qui s’occupe de la revue l’expression de l’intérêt que vous a suscité cet article.
Bien à vous.
D. Charpentier