Le site des Moulins de France
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Du 25 au 27 avril, la FDMF a tenu sa première assemblée générale dans l’Ariège. Ce sont monsieur et madame Duval qui, avec beaucoup de gentillesse et de compétence, nous reçurent et nous firent découvrir la région et ses moulins. Nous nous sommes retrouvés dans un paysage montagneux et boisé, dominé par endroits par les sommets enneigés des Pyrénées. Région industrielle notamment avec ses papeteries, elle est frappée de plein fouet par les fermetures : papeteries, usine Péchiney, mine de tungstène. Ses ressources pastorales demeurent, malgré la présence d’une dizaine d’ours qui a obligé les bergers à revenir à la tradition des gros chiens de berger aptes à défendre le troupeau. L’élevage d’un petit cheval régional noir, très robuste, se développe et les ariégeois misent sur le tourisme pour l’avenir. Sa belle nature encore préservée, ses villes comme Foix et son château fort, Mirepoix et sa bastide, devraient lui faire gagner ce pari comme nous lui souhaitons. Nous disons de tout coeur un grand merci à monsieur et madame Duval, ainsi qu’à tous les membres de l’association et aux propriétaires de moulins qui ont accepté de nous recevoir.

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Roue à chien – Forges de Pyrènes – photo : Stéphane Mary

Vendredi 25 avril

L’accueil des participants s’est fait au fur et à mesure des arrivées au moulin de Combelongue, à Rimont, à partir duquel la visite d’un second était possible. Ces deux moulins ont fait tous deux l’objet de restaurations très profondes qui s’apparentaient en fait à de véritables résurrections, tant il étaient en mauvais état et au milieu des friches (quand les friches n’étaient pas dedans), lorsque leurs propriétaires actuels les ont acquis.

Moulin de Combelongue à Rimont.

Ce moulin, propriété de monsieur et madame Duval, est le moulin à grain tout simple de la région : 2 paires de meules, chacune entraînée par un roudet horizontal, qui sont ici métalliques. L’alimentation se fait par un vaste étang de retenue, qui était à l’origine complètement comblé, et qui a nécessité l’évacuation de 300 camions de 30 tonnes de vase. L’originalité de ce moulin tient non pas à son mécanisme, mais à la considérable collection de pots à farine (ceux que l’on trouvait chez nos grands-mères) qui sont plusieurs centaines et qui recouvre presque entièrement les murs du moulin. Pour compléter la visite du
moulin, une roue verticale entraînant une génératrice a été installée près du moulin, qui montre un autre type de roue exceptionnelle en Ariège et un autre usage.
Surprise du jour, une meule exposée à l’extérieur a permis de montrer le fonctionnement d’un appareil à rhabiller les meules récemment inventé et breveté par Jean Moreau, le meunier du moulin de l’Ecornerie en Vendée.
Ce congrès a été l’occasion aux Duval de faire découvrir aux amateurs leur moulin qui sera bientôt vendu, l’entretient devenant trop contraignant.

Moulin de Gouarné à Monseron.

Ce moulin, situé dans un très beau site de vallée encaissée, a fait l’objet de travaux de réhabilitation importants, notamment de débroussaillage jusque dans le moulin. Ancien moulin à
farine, il n’avait conservé de cette époque que sa turbine, et un appareil de broyage à meules verticales, encore visible. Il produit actuellement l’électricité et le chauffage du moulin qui n’est pas relié à EDF. Le propriétaire nous a fait visiter en détail son installation, jusqu’à la piscine elle aussi chauffée par la turbine. La chute a fait l’objet d’une discussion entre le propriétaire et quelques présidents d’association qui ont contesté les procédures de la DDA concernant les droits d’eau, visant à limiter ces droits par des interprétations jugées exagérées de certains textes. On remarque aussi sur le site une échelle à poissons, qui prend presque tout le débit en été.

Samedi 26 avril

Usine électrique JOB à Saint-Girons.

La région de Saint-Girons a compté de nombreuses papeteries, dont la papeterie JOB, qui produit encore aujourd’- hui du papier et qui s’était doté à la fin du siècle dernier d’une usine hydroélectrique à quelques kilomètres en aval de l’usine, au lieu-dit l’Arial, qui fournissait à l’origine du courant continu 1500 volts. Le nom de JOB vient de deux éléments : le nom du fondateur Joseph Bardou, dont les initiales J B encadraient un losange symbole du pays catalan, qui s’est ensuite transformé en O. Cette usine de 1893, qui n’appartient plus à l’entreprise depuis une quinzaine d’années, produit toujours de l’électricité actuellement revendue à EDF. Son propriétaire, monsieur Bauzou, exploite aussi une seconde centrale un peu en aval. Toutes deux ont une puissance de 80 Kw/h. Une passe à poissons sera bientôt construite, bien que les poissons migrateurs ne manquent pas.
L’usine est d’une architecture simple typique des bâtiments industriels de l’époque, soubassement de pierre, étage des machines dont les baies et les angles sont encadrés de brique. La raison sociale de l’usine est marquée sur la façade aval. La majeure partie du matériel est d’origine : turbine Fontaine de 3 mètres de diamètre, engrenages de renvoi dans un bâti portant le nom du constructeur et l’année de construction (Veuve Bonnet à Toulouse 1893), impressionnante poulie de transmission. Seuls les matériels de production et de régulation ont été modernisés. On peut admirer dans cette usine le savoir-faire des constructeurs de cette époque, dont le matériel fonctionne toujours 110 ans après.

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Pompe à spirale de Bergé (brevet de 1864) – photo : Stéphane Mary

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Vieux moulin de Massat – photo : Stéphane Mary

Moulin du Ressec à Ercé.

Ce moulin a fait l’objet d’un article dans le précédent numéro du Monde des Moulins. C’est un petit moulin typique des moulins multifonctionnels: 3 paires de meules entraînées par des roudets horizontaux (dont deux construits en béton), et une scierie équipée d’une scie battante. Complet et bien conservé, et même amélioré par son propriétaire, il a retrouvé la deuxième roue de la scierie. Les roues de la scierie sont de petites roues verticales alimentées par une chute assez importante et une conduite d’eau presque verticale. En Savoie, ces roues sont appelées des roues à jet pincées. Ces roues se rencontraient fréquemment dans le sud de la France pour des scieries ou des forges. Ici, la roue inférieure sert à actionner la scie battante et le chariot, la roue supérieure, remise en place 15 jours avant notre visite, actionne une scie circulaire et le retour arrière du chariot. Ces roues à l’origine en bois ont été reconstruites en métal.

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Moulin de Combelongue à Rimons (09) – photo : Stéphane Mary

Vieux moulin de Massat.

Situé dans le bas du village de Massat, cet important moulin a possédé plusieurs fonctions : moulin à farine à l’origine, il a été complété en 1905 d’une turbine de 50 chevaux produisant de l’électricité pour le village et actionnant également une scierie. La salle de meunerie comporte 4 paires de meules en enfilade actionnées par des roudets, Bien que ce système soit resté très simple, le moulin a connu une certaine modernisation puisqu’il est équipé d’un nettoyeur combiné et d’une laveuse à grain. Il ne s’est arrêté qu’en 1977 quand la chaussée qui l’alimentait s’est effondrée. Des autres installations subsistent la turbine et la scierie qui est entraînée par l’intermédiaire d’une longue poulie qui traverse la rivière en étant protégé par une passerelle couverte. Encore complète, elle est équipée d’une scie à ruban de marque Gillet.
Ce moulin a été racheté il y a une dizaine d’années par son propriétaire actuel qui l’a ouvert au public, y ajoutant un musée d’outils anciens. Il n’est malheureusement plus alimenté en eau, mais monsieur Troirieux souhaiterait
à terme y remédier.

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Les deux roues de la scierie – Moulin du Ressec – photo : Stéphane Mary

Papeteries de Lorp et de Pourlande.

Le principal site visité a été celui de la papeterie de Lorp, qui est alimentée par le canal de décharge de la papeterie de Pourlande. La prise d’eau sur le Salat est originale : le bief parallèle à la rivière est séparé de celle-ci à son origine par un important massif de maçonnerie qui contient une galerie voûtée, abritant les 10 vannes de prise d’eau. En raison des crues importantes de la rivière qui peut
envahir la galerie, celle ci est ouverte par une dizaine de fenêtres du côté du bief pour éviter la ruine de l’ouvrage édifié en 1874. La papeterie de Pourlande à Saint- Lizier, première alimentée, n’abrite plus aujourd’hui qu’une activité de conditionnement de papiers provenant d’Europe de l’Est. Elle abrite encore une turbine en fonctionnement, mais les machines ont été en partie ferraillée. La papeterie de Lorp, arrêtée en 1999, est actuellement un site en cours de réhabilitation par l’association Aristide Bergès.
Le but est de pouvoir présenter la fabrication du papier, l’imprimerie, mais aussi la personnalité d’Aristide Bergès, père de la houille blanche.

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La machine à papier – papeterie de Lorp – photo : Stéphane Mary

Aristide Bergès. Fils de Pierre Bergès qui a introduit la première machine en continu dans la région (en copiant celle installée dans les fameuses papeteries d’Essonnes), Aristide naît en 1833 à Lorp, et sort deuxième de sa promotion de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures. Toujours prêt à innover, il introduit en 1853 un premier défibreur (appareil qui râpe les bûches sur une meule en grès) pour produire de la pâte de bois, qu’il perfectionne ensuite en améliorant la régulation de la vitesse et de la pression exercée sur les rondins. Il améliore aussi le raffinage de la pâte, et invente une roue à tympan qui permet de relever la pâte, et donc d’éviter d’avoir des usines bâties sur 2 niveaux. C’est en Isère, à Lancey, qu’il canalise pour la première fois une chute d’eau sur une hauteur de 200 mètres, créant ainsi ce qu’on appelle la houille blanche. Sa maison à Lancey, qui avait été autrefois un musée, sera bientôt réouverte au public, et un autre musée sera crée également dans une partie des anciens bâtiments de la papeterie de Lancey.

Le site de la papeterie de Lorp comprend plusieurs bâtiments : la maison d’habitation de 1828 (portant sur la clé de voûte de la porte le dessin de la forme du papetier), les bâtiments de la machine en continu (qui comprend
une turbine âgée de 105 ans encore en fonctionnement), le bâtiment du premier moulin à papier de 1820 (qui est actuellement vide), un étendoir qui est accolé à un autre moulin, qui a été moulin à huile puis scierie. Près de ces
deux derniers bâtiments, existe encore une roue à aube verticale (une rareté dans la région) qui actionnait jusqu’en 1966 une roue à tympan métalliquepour remonter l’eau nécessaire à  l’usine. Cette roue a la particularité
d’avoir une armature toute en fonte moulée. Si la machine en continu actuelle est relativement moderne, on est sans aucun doute sur un site hydraulique ancien, qui a évolué, et est resté en activité, même si sur la fin la
transmission était électrique et non mécanique.
La partie la plus marquante de la visite est bien entendu la machine à papier en continu, qui a paru très impressionnante à tout le monde, avec son cylindre frictionneur lissant le papier qui fait plusieurs mètres de diamètres. Il y
a évidemment beaucoup de travail à faire pour arriver à rendre à ce lieu son aspect de travail, mais l’association à bon espoir, notamment grâce au mécénat d’entreprises papetières.

Dimanche 27 avril

Forges de Pyrènes à Montgaillard.

Après l’assemblée générale en matinée, nous avons visité le site de la forge de Pyrènes, propriété du Conseil Général, qui a aménagé un musée des vieux métiers, s’ajoutant à la forge elle même.
La forge de Pyrènes a été créée pendant la révolution sur un site ancien de moulin à fer. C’était alors une forge à la catalane, technique traditionnelle aux Pyrénées. Cette forge catalane s’est arrêtée vers 1860, mais l’activité métallurgique s’y est maintenue par la création d’une taillanderie pour fabriquer les outils. Cette taillanderie qui comptait 32 ouvriers en 1952, ne s’est arrêtée que récemment, elle n’employait alors plus que 4 ouvriers.
Le bâtiment de la forge est comme toutes les forges très sombre, avec comme particularité qu’à l’emplacement de la roue, le mur s’incurve vers l’extérieur pour loger la roue, et que cet écart qui n’est pas couvert par la toiture forme un puit de lumière. L’équipement principal de la forge est bien entendu le martinet, entraîné parune roue proche de celle de scierie de  Ressec, type de roue qui était de rigueur pour les forges de cette région.
On peut encore voir ce type de roue au martinet à cuivre de Durfort dans le Tarn (qui fonctionne encore, la roue est en pierre) et au martinet du Lezert en Aveyron, récemment restauré par des bénévoles. L’eau est canalisée
dans une conduite verticale, qui est malheureusement en inox, puis reste canalisée dans un carter qui enserre la roue jusqu’à l’évacuation de l’eau. La tête du martinet pèse 120 Kg, portée par un manche en frêne, utilisé pour sa souplesse. Le travail du martinet nécessite 2 personnes : le taillandier qui travaille assis sur un siège suspendu, et le goigne (l’apprenti) qui règle l’arrivée d’eau suivant les mouvement de tête du taillandier. A l’origine, la forge comportait un deuxième martinet dont la roue était située à l’extérieur. L’outillage est complété par de nombreuses machines outils : presses, cisailles, meules, qui sont entraînées par une turbine en sous-sol.

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Forges de Pyrènes – photo : Stéphane Mary

Le bâtiment voisin est converti en petit musée du fer, qui rappelle l’histoire de l’extraction du fer et de sa fabrication dans les forges catalanes, sans oublier l’histoire des hommes. On y découvre une curiosité : une roue à chien relié au soufflet d’un ancien atelier de cloutier. L’atelier d’où elle provient possédait une roue hydraulique, mais la roue à chien servait en période de manque d’eau. Seuls les plus petits ateliers ne possédaient que la roue à chien. On en trouve une deuxième dans le musée des métiers installé à l’entrée du site. Les amateurs de traction animale peuvent encore découvrir sur le site un manège à cheval entraînant une noria, et un manège à boeufs
mobile qui servait pour actionner les batteuses. C’est donc un site très intéressant ou l’on pouvait passer l’aprèsmidi pour ceux qui avaient le temps.

Solange et Stéphane Mary – Article paru dans le Monde des Moulins – N°5 – juillet 2003


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