Photo 1 – Roue horizontale – photo M.Sicard
La Slovaquie de l’Est est réputée pour ses petites églises en bois, bijoux d’architecture sacrée, au carrefour du christianisme oriental et occidental, situées dans les collines boisées qui jouxtent la Pologne et l’Ukraine. Une trentaine de petits villages, accessibles sans problème en voiture car les routes sont bonnes, hébergent ces chapelles dans le plus pur style orthodoxe rattaché au culte catholique grec ou romain. Les plus anciennes datent du XVIème siècle et sont bien restaurées. Il est impensable de visiter cette région sans aller au col de Dukla, passage obligatoire au travers des Carpathes où périrent quatre-vingtcinq mille soldats soviétiques et six mille cinq-cents slovaques pour libérer la Tchécoslovaquie du nazisme, aidés par une compagnie de cent cinquante soldats français évadés des camps de prisonniers en Allemagne, recueillis et armés dans les maquis slovaques et dont seulement cinquante survécurent à ces terribles batailles.
Mais sur l’itinéraire, Presov, la troisième plus grande ville de Slovaquie, au riche passé culturel, possède la fabuleuse mine de sel de Solivar (« usine à sel ») dont le plus ancien bâtiment remonte au XVIIème siècle. Le musée diffi cile à trouver mais auquel on a pu accéder grâce à la très grande amabilité des slovaques, nous a réservé une surprise : un véritable moulin pour récupérer le sel au moyen d’un manège
de huit chevaux.
On raconte qu’au IXème siècle, un berger cherchant une brebis manquante la retrouva en train de lécher une pierre qui s’avéra être salée. Solivar est mentionnée plusieurs fois de 1262 à 1288 pour la récupération de sa saumure et son évaporation à l’air libre. A partir de 1572, cinq grands puits de mine ont été creusés pour extraire les blocs de sel dont un, le plus profond, atteignait 155 mètres. Plusieurs couches de pierre à sel (- 80 m, – 132 m et – 155 m) ont été percées de galeries de plus de 3 km. Mais dans la nuit du 20 février 1752 l’eau envahit la mine et il fallut remonter l’eau salée à partir du puits le plus profond, le puits Léopold. On construisit alors le moulin que l’on visite aujourd’hui.
L’énergie était fournie par huit chevaux attelés par paire, à l’extrémité de quatre bras de 7 m de rayon qui faisaient tourner un arbre vertical de 9 m de haut et 0,65 m d’épaisseur. Cet arbre entraînait une roue horizontale en bois d’un diamètre de 5,6 m située en hauteur (ph 1). Au bout de chaque bras, un conducteur était assis et activait les deux chevaux. On remplaçait ces derniers toutes les quatre heures. De la grande roue horizontale, une longue courroie entraînait une roue au-dessus du puits qui, par engrenage, faisait tourner une dernière roue verticale. Sur son axe, la corde remontait et redescendait deux sacs de cuir contenant de 5 à 7 hl de saumure. Le rythme était de douze sacs remontés à l’heure (ph 2). Un système de frein arrêtait le sac en haut de sa course. Son contenu était versé dans un bassin de décantation. Le bâtiment a une forme de pyramide à huit côtés et un diamètre de près de 15 m.
Photo 2 – Sac – photo B.Cisàr
La saumure était stockée dans huit énormes bacs en bois, de 1320 hl chacun, disposés en cascade et reposant sur des pierres (ph 3 et 4). Ces réservoirs n’avaient aucun élément métallique. Les transferts de saumure s’effectuaient par des canalisations en bois. Un genre d’entonnoir en forme de pyramide à quatre côtés disposé dans les canalisations pouvait être fermé par un couvercle. Ces vannes en bois permettaient de diriger la saumure dans les réservoirs (ph 5). Plus tard, de l’acier inoxydable a été utilisé. La saumure s’évaporait dans deux bouilloires construites en 1800 et 1806. La dernière a fonctionné jusqu’en 1970.
Photo 3 – Bâtiment des réservoir. photo M.Sicard
Photo 4 – Bacs – photo B.Cisàr
Photo 5 – Vanne pyramidale – photo M.Sicard
Elle comportait un fourneau à gaz, un préchauffoir, une plaque à évaporation, une zone de séchage, des pièces à manipuler le sel et un petit train. La surface des plaques à évaporer est de 87 m2, leur profondeur de 60 cm. Elles étaient chauffées à 60°C. Le sel était récupéré à la main et chargé dans des wagonnets en bois suspendus au toit, amené dans la salle de séchage pendant une semaine et fi nalement stocké. L’opération durait de deux à trois semaines. L’usine produisait une centaine de tonnes par jour. Le mécanisme est intact. Mais en 1908 la remontée des sacs s’est effectuée par un moteur électrique, digne d’intérêt. Ce dispositif a été relayé par une pompe centrifuge en 1928 puis par une pompe immergée à 65 m.
Dominant le site, se trouve le beffroi qui date du XVIIème siècle (ph 6). Il indiquait le début et la fi n du travail ou avertissait des désastres. L’ensemble est unique en Europe car le plus grand et le plus ancien. Nul doute que ce patrimoine sera un argument fort pour la candidature de Presov dans la compétition pour être reconnue comme ville culturelle européenne.
Ph 6 Beffroi – photo B.Cisàr
Il existe aussi des moulins à eau traditionnels. Dans le superbe village musée de Bardejov, à côté de l’église et de maisons en bois est installé un moulin à eau qui actionnait une grosse et longue tarière pour creuser des troncs de bois servant de canalisation ou refendus pour faire les gouttières des toits. Quelle diversité dans les moulins !
Nous remercions vivement Bartolomej Cisàr pour les photos de la mine de Solivar et Eugen Labanic, directeur du Musée Technique Slovaque de Kosice pour les documents qu’il nous a fait parvenir.
Nicole et Michel Sicard – Article paru dans le Monde des Moulins – N°30 – octobre 2009
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