Le site des Moulins de France
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Dans le précédent n° 14 du “Monde des moulins”, nous avions rendu compte d’un voyage d’étude qui nous avait permis de visiter une vingtaine de moulins dans différentes régions des Pays-Bas. Le but de ce nouvel article concernant ce magnifique voyage est de présenter un peu de l’histoire de ces moulins et de dire un mot de leurs caractéristiques techniques. Nous allons essayer de raconter ce que nous avons vu et entendu, jour par jour, moulin après moulin…

Jeudi 28 avril 2005 – Autour de Rotterdam: Kralingen, Delfhaven, Schiedam
Les moulins à tabac à priser et à épices “L’Etoile et Le Lys” (“De Ster en De Lelie”) se trouvent à Kralingen au nordouest dans la banlieue de Rotterdam. Ils sont situés à une centaine de mètres l’un de l’autre sur les bords du lac. Ce sont des moulins à tour octogonale et bords incurvés, construite en bois, recouverte de roseaux et comportant une galerie d’où l’on peut intervenir sur les ailes et orienter le toit au moyen du gouvernail.
De Lelie, construit en 1840, n’est plus en activité, mais sert plutôt de musée, avec exposition de matériel d’autrefois. On peut y assister à une projection commentée de diapositives illustrant les activités des deux moulins.
De Ster, construit en 1829, brûlé en 1962, reconstruit en 1970 est toujours en état de fonctionnement. Au rez de chaussée se trouve un énorme moulin à meules roulantes en granit, utilisé pour broyer les épices. Une mécanique impressionnante et de
qualité occupe les différents étages : des couteaux actionnés par arbre à cames dans des cuves rotatives pour hacher les “carottes” de tabac; deux paires de meules horizontales utilisées pour les épices, entraînées par hérisson-lanternes en bois et équipées d’un tamis vibrant installé directement à la sortie des archures.

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Les hachoirs à tabac du moulin « De Ster » photo M. Lajoie-Mazenc

A Delfshaven (ancien Port de Delf sur la Meuse), dans la banlieue sud de Rotterdam, le moulin à Blé “la Chaudière d’Alambic” (“De Distilleerketel”) est situé à l’entrée du canal qui va de la Meuse à Delft. Ce moulin à tour conique en briques et avec galerie date de 1727. Il a servi à moudre le grain pour les distilleries et sert encore aujourd’hui à la mouture de céréales. Cette activité actuelle justifie la présence d’éléments de modernisation un peu préjudiciables à son authenticité (préconcassage électrique du grain, meules en aggloméré, aspect “minoterie” du système de traitement de la farine…)

Au milieu du XIXème siècle, il y avait dans la petite ville de Schiedam, à l’ouest de Rotterdam, une vingtaine de moulins à vent. Ils étaient utilisés pour moudre le seigle et l’orge malté à partir desquels on distillait l’eau de vie qui avait fait la réputation de la ville : le genièvre. Aujourd’hui il subsiste encore cinq moulins qui ont connu différents destins : “Le nouveau Palmier” (“De Nieuwe Palmboom”) (1781), Musée depuis 1993; “Le Nord” (“De Noord”) (1803), aménagé en restaurant; “La Liberté” (“De Vrijheid”) (1785); “Les Trois Bleuets” (“De Drie Koornbloemen”) (1770); “La Baleine” (“De Walvisch”) (1794), aménagé en commerce. Ces moulins à tour conique, bâtie en briques, font partie des plus hauts d’Europe et sont équipés d’une galerie.
“Le nouveau Palmier”, dont le toit culmine à plus de 30 m, a une envergure de 27 m et un diamètre à la base de la tour de 12 m. Il a été complétement détruit par le feu en 1901 et reconstruit dans les années 90 grâce en particulier à l’aide de nombreux donateurs dont les noms sont gravés sur les briques au niveau de la galerie.
Actuellement en parfait état de fonctionnement, il fabrique de la farine de pain, du malt pour l’authentique “jenever” et abrite un muséeexposition. Il comporte 9 étages, plus le toit : des salles d’accueil et d’exposition situées au rez de chaussée et premiers
étages jusqu’au mécanisme d’entraînement (arbre horizontal métallique mais engrenages tout en bois) en passant par la plateforme des 3 paires de meules située au niveau de la galerie. C’est une énorme machine, avec un toit orientable monté sur galets métalliques et dont la mécanique impressionnante (le rouet a 3 m de diamètre) fonctionne parfaitement.

Vendredi 29 avril 2005 – Dans le delta au sud-est de Rotterdam : Brielle, Hellevoetsluis, Goedereede
Le moulin pivot “Le Cerf Volant” (“ ‘t Vliegend Hert”), situé à Brielle, a été entièrement reconstruit dans les années 80 grâce à des dons et suite à la découverte, lors de la restauration des murs de la ville, des restes des fondations du premier moulin pivot existant au XVIIème siècle. Il est entièrement en bois, peint en noir rehaussé par une bordure blanche et simplement posé, sans aucun arrimage,  sur quatre socles maçonnés. Une particularité de ce moulin, dont le pivot est en bois d’azobé, est qu’il possède 3 étages, l’escalier–gouvernail permettant d’accéder à l’étage intermédiaire. Il est équipé de deux paires de meules installées respectivement au dernier étage et à l’étage intermédiaire, entraînées à partir de deux rouets montés dos à dos sur l’arbre horizontal.

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Les trois étages du moulin pivot  » ‘t Vliegend Hert » photo M. Lajoie-Mazenc

L’étage inférieur est réservé au stockage et au repos du meunier. Le moulin appartient à une fondation qui en assure la gestion en faisant appel aux meuniers bénévoles diplômés et à d’autres bénévoles.

A une quinzaine de kilomètres de Brielle, à Hellevoetsluis, petit port sur le bras de mer du Haringvliet, se trouve le moulin à blé “l’Espérance” (“De Hoop”). Il s’agit d’un moulin à tour conique en briques, équipé d’une galerie, construit en 1801 et relativement imposant (volée : 24,60 m; hauteur de la galerie : 10 m). De manière classique pour ce type de moulin, le rez de chaussée et les premiers étages sont occupés par l’accueil et les expositions (maquettes et cartes postales…), alors que les meules et le mécanisme occupent les étages supérieurs. On y trouve deux paires de meules, dont l’une en position de rhabillage, entraînées par des engrenages en bois, un monte-sac actionné à partir d’un galet roulant sur le hérisson et, ce qui nous a paru plus original, un “descend-sac” à treuil équipé d’un frein…

De l’autre coté du bras de mer la petite ville de Goedereede possède son moulin à vent, le moulin à blé “Attrape le vent” (“Windvang”). C’est un moulin à tour ronde bâtie en briques et dont “les bouts d’ailes touchent le rez de chaussée”, c’est à
dire qu’il ne comporte pas d’étage avec galerie, contrairement aux moulins tours visités jusqu’ici. Placé sur un tertre à la sortie de la ville, il a été construit en 1791, comme indiqué sur son bandeau derrière la croix des ailes. Il présente les particularités
d’avoir un rez de chaussée en contrebas du seuil de la porte d’entrée et un accès direct au premier étage, par escalier depuis l’extérieur. A ce premier étage se situe le grenier alors que l’unique paire de meules se trouve au deuxième étage. La montée
par un escalier abrupt jusqu’au toit du moulin permet d’apercevoir les 30 galets en bois qui servent à sa rotation et aussi de remarquer une autre particularité : l’arbre horizontal est court et n’occupe qu’une partie du diamètre du moulin. Actuellement le moulin moud du blé pour les animaux et est utilisé par son meunier, instructeur de l’association des meuniers bénévoles, pour l’enseignement pratique des apprentis.

Samedi 30 avril 2005 – Vers le nord du pays entre Rotterdam et Amsterdam : Delf, Leidschendam, Hoogmade, Keukenhof
Le moulin “La Rose” (“De Roos”), seul moulin qui subsiste des quinze moulins à vent qui existaient à Delf au début du XVIIème siècle, est un grand moulin à tour conique en briques avec galerie dont la première construction date de 1679. Il a failli disparaître mais, en 1926, il a été racheté par “Le Moulin Hollandais”, association pour la sauvegarde des moulins aux Pays-Bas (De Hollandsche Molen) qui l’a préservé de la destruction. Dès lors, il a bénéficié de nombreuses réparations mais la plus spectaculaire a consisté à soulever un côté du moulin au moyen de vérins pour rétablir son équilibre, compromis par l’affaissement des fondations. Les traces de cette réparation sont encore visibles à l’intérieur du premier étage.

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Sur la galerie du moulin à blé « De Ross » – photo M. Lajoie-Mazenc

Le moulin comporte un rez de chaussée et sept étages dont plusieurs greniers, l’un étant reconverti en salle d’exposition. Les deux paires de meules, en parfait état de fonctionnement et équipées de régulateurs à boules, sont situées au quatrième étage au niveau de la galerie d’où l’on a une belle vue sur la ville de Delf.

Le moulin scierie “la Salamandre” (“De Salamander”) à Leidschendam, au nord de Delf, est un moulin à tour hexagonale avec galerie, construit au dessus d’un grand bâtiment qui abrite les dispositifs de sciage et les ateliers. Il est situé au bord de l’eau où sont stockés les grumes que l’on peut ensuite amener au moulin pour le sciage grâce à un plan incliné. Ce moulin a connu une histoire mouvementée depuis 1794, date de la construction en ces lieux du premier moulin scierie. Plusieurs fois déplacé, reconstruit ou modernisé, il était complètement abandonné dans les années 80 lorsque fût créée une fondation pour sa sauvegarde. En 1996 il était à nouveau prêt à scier au vent. Cependant, en raison de sa situation non favorable et aussi de la complexité du mécanisme qui doit créer pas mal de frottements, il est équipé d’un moteur électrique auxiliaire de 35 CV pour permettre de travailler même lorsque le vent est absent ou insuffisant. Au niveau de la mécanique de sciage, il comporte deux scies battantes à plusieurs lames et le chariot supportant les grumes est muni d’un dispositif d’avance automatique.
A coté de la plateforme de sciage, on peut voir l’atelier de réparation et d’affûtage des scies ainsi qu’une petite exposition de différents corps étrangers trouvés dans les troncs d’arbres et malvenus pour la scie…

L’Entreprise Verbij de construction de moulins à Hoogmade, qui entretient et construit des moulins depuis 1868, a pris en charge la restauration de l’énorme moulin à vent de Murphy. Ce moulin, destiné au pompage de l’eau, a été construit en 1905 dans le Golden Gate Park à San Francisco avec un diamètre d’ailes de 36 m et un poids de calotte de 60 t. Laissé à l’abandon assez rapidement après sa construction, sa restauration a été décidée en 1993 et on a fait appel à l’entreprise Verbij en 2002. Celle-ci refait actuellement, dans son atelier de Hoogmade, le mécanisme à partir de quelques restes et de plans retrouvés mais incomplets.

A l’extrémité du célèbre parc de Keukenhof. se dresse un moulin à tour octogonale avec galerie, transplanté en 1957 depuis la région de Groningen. L’extérieur apparaît assez conforme mais l’intérieur est pratiquement vide de tout mécanisme. Comme l’orage menaçait, le “meunier” procédait à la mise à la terre par des ailes pour prévenir les éventuels dégâts de la foudre (ce type de “paratonnerre”, déjà remarqué dans les autres moulins visités, est praticable si les vergues des ailes sont métalliques, ce qui est souvent le cas ici).

Dimanche 1er mai 2005 – Dans les collines de l’est près de Arnhem : De Openluchtmuseum
Ce musée de plein air se trouve dans un parc de 44 ha vallonné et boisé dans la Haute Veluwe près de Arnhem. Ouvert au public dès 1918, il évoque l’architecture et la vie d’antan grâce à la transplantation ou la reconstruction à l’identique de très nombreuses fermes, maisons, ateliers et, bien sûr, des moulins. Il en existe une douzaine, de toutes sortes, répartis dans le parc, comme par exemple :
Le moulin paltrok “Le Rouet” (“Het Spinnewiel”) de Numansdorp, construit en 1680 près de Dordrecht, transporté en 1854 à Numansdorp, puis au musée en 1928. Ce moulin scierie comporte une tour carrée de chaque côté de laquelle sont accolés deux
appentis. C’est de cette structure particulière que ce type de moulin tire sa curieuse appellation de “paltrok” car il rappelle l’allure des manteaux évasés, les paltsrokken, que portaient les Ménnonites. Pour orienter les ailes au vent, tout cet ensemble peut tourner autour d’un pivot central et sur des galets répartis à la périphérie, la majeure partie du poids étant supportée par le pivot central, les galets intervenant surtout pour le guidage. Par manque de vent, la scie battante à deux lames peut être entraînée
par un moteur électrique auxiliaire de 7,5 kW;

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Les galets pour la rotation du moulin scierie « Le Rouet » photo M. Lajoie-Mazenc

Le moulin de drainage de Noordlaren, construit initialement en 1862 , démonté et reconstruit au musée en 1960. C’est un moulin à tour octogonale et calotte tournante, actionnée par un gouvernail. Par bon vent, il élève l’eau à une hauteur de 1,50 m, avec un débit de l’ordre de 30 m3/min, au moyen d’une vis d’Archimède en bois entraînée par des engrenages également en bois à une vitesse double de celle des ailes;
Le moulin manège à baratte de la ferme de Kadoelen, présenté dans un local à l’intérieur de la ferme. Il était entraîné par un cheval qui mettait en mouvement la baratte par l’intermédiaire d’un seul engrenage à renvoi d’angle avec un rapport de multiplication relativement important (de l’ordre de 5) et un système bielle-manivelle;
Le moulin manège à huile de Zieuwent, datant du XVIIème siècle et transféré au musée en 1932. Ce moulin manège à deux meules roulantes jumelées, pesant une tonne chacune, peut effectivement être entraîné par un cheval mais cet entraînement peut aussi être astucieusement simulé par projection d’une image sur le mur du local. En plus des meules, le mécanisme entraîne l’agitateur à hélice de la poêle ainsi que la presse à coins. L’huile est obtenue à partir de cerneaux de noix ou encore de graines de colza ou de lin;

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La pile raffineuse hollandaise du moulin à papier de la Veluwe photo M. Lajoie-Mazenc

Le moulin à papier de la Veluwe, construit vers 1800, avec pour modèle le moulin de Loenen daté de 1654 et transplanté au musée vers 1928. Ce moulin à eau, actionné par une roue en dessus à déversoir, est caractéristique des moulins construits dans la Veluwe au XVIIème siècle en raison de l’abondance de l’eau dans cette région. On y fabrique du papier à partir de vieux chiffons suivant la technique ancestrale. La batterie de maillets pour déchiqueter les chiffons est actionnée par des cames placées directement sur l’arbre de la roue à aubes tandis que la pile raffineuse “hollandaise” est entraînée par un train d’engrenages en bois. A la sortie du cuvier, les feuilles humides recouvertes de feutres sont pressées dans une presse manuelle à levier dont on peut multiplier l’effort au moyen d’un cabestan.

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La roue à palettes du moulin de drainage « De Bachtenaar » – photo M. Lajoie-Mazenc

Le moulin à galerie à blé de Delft, construit à Delf vers 1700 et transplanté au musée en 1921. Bâti en haut d’une colline, ce moulin majestueux à tour ronde de 21,5m de haut possède quatre paires de meules et aussi une meule à décortiquer l’orge ou le riz;
Le moulin girouette de prairie de Langweer, originaire de la région de Zaan (dans la banlieue nord d’Amsterdam), démoli en 1960 et reconstruit au musée en 1989. Ce petit moulin sert au drainage au moyen d’une simple pompe centrifuge à palettes faite en bois et immergée, la girouette assurant automatiquement la bonne orientation au vent. 
Le moulin à blé sur pivot de Huizen, construit à Huizen vers 1665 et reconstruit au musée en 1918. Ce moulin est du même type que le “ ‘t Vliegend Hert” visité à Brielle mais il ne comporte que deux étages. Il a la particularité d’avoir un arbre et des vergues en bois et il est très utilisé pour la formation des apprentis meuniers;
Le moulin “tjasker” sur chèvre localisé à l’extrémité du musée. Ce moulin de drainage n’a pas d’engrenages car l’arbre supportant les ailes est directement lié à la vis d’Archimède. Aussi, pour avoir accès à l’eau, le moulin est posé, de manière assez insolite, à même le sol avec son arbre fortement incliné par rapport à l’horizontale.

Claudine et Michel Lajoie-Mazenc – Article paru dans le Monde des Moulins – N°15 – janvier 2006

Catégories : Etranger

2 commentaires

Françoise coquard · 16 juillet 2022 à 21 h 58 min

J’ai un touret mécanique manège hoctogonale de 70m2 de surface et 5.88m de hauteur.
J’en ai fait une maison, mais auparavent un cheval tournait pour moudre le blé..
De quelle époque est il ???
Merci

Weill · 29 juin 2022 à 15 h 47 min

Je cherche l’histoire de la constructions des moulins à vent en Hollande ou ailleurs en Europe. Les moulins de Hollande sont à l’heure actuelle inscrits au patrimoine de l’UNESCO (et c’est une très bonne chose) et je souhaite savoir comment leur construction a été acceptée par les populations. Ceci, afin de justifier la construction des éoliennes en France qui sont très critiquées sans arguments valables et qui sont en fait extrêmement esthétiques et utiles (bien sûr en faisant attention à leur implantation réfléchie scientifiquement et avec les populations voisines). Je souhaite ainsi afin argumenter vis à vis des lobbies nucléaires anti-éoliens et des lobbies pétroliers ou autres ). Je dois dire que l’histoire des sociétés lors de la construction de ces moulins serait très bénéfique pour contrer ces mouvements anti-éoliens. Cette énergie est absolument nécessaire pour compléter les autres énergies sans carbone.
Merci de bien vouloir m’indiquer un document concernant les avis des populations au moment de la construction de ces moulins. Je n’ai rien trouvé sur internet ou alors l’information a disparu!

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