Moulin du Bazacle, vue panoramique de Toulouse par Collignon en 1642 (Musée Paul Dupuy)
Les passionnés des moulins n’ignorent pas que la construction du Moulin du Bazacle et de sa chaussée sur la Garonne au XIIe siècle a exigé le regroupement de nombreux propriétaires, « les pariers », puis la création de la première société à actions au XIVe siècle pour le partage des bénéfices (Monde des Moulins n°3, p3-7, Histoire brève des moulins de Toulouse).
C’est en 1952 qu’a été publiée cette découverte majeure, non seulement dans le monde des amis des moulins, mais aussi dans celui de l’économie.
Il s’agissait de la thèse d’Histoire du droit de Germain Sicard, à la Faculté de Droit de Toulouse, sous la direction du doyen Boyer. Cette thèse a été éditée en 1963 par la librairie Armand Colin sous le titre « Aux origines des sociétés anonymes : les moulins de Toulouse au Moyen-Âge ».
Il a fallu que des chercheurs de l’Université de Yale redécouvrent l’oeuvre magistrale de Germain Sicard (devenu depuis professeur d’Histoire du droit à Toulouse) et lui demandent l’autorisation de la publier en anglais. Les remous dans le microcosme de la spécialité ont conduit à mettre à jour l’erreur de plusieurs siècles sur les origines des sociétés par actions. Un article de Max Nisen, dans « Histoire
de l’économie », contrepoints du 29 juin 2014, revient sur l’antériorité de la Société des Moulins du Bazacle sans jamais citer l’auteur ni ses publications. Nous avons rédigé une réponse sur le web. A-t-elle eu un effet ?
Dans un long article du « Monde » daté du 20 septembre 2014, David Bris, enseignant chercheur à la Kedge Business School et Sébastien Pouget, professeur à l’Université de Toulouse Capitole et Toulouse School of Economics, rétablissent la vérité : «… alors que la Hollande, voire l’Angleterre, s’attribuent, non sans fierté, la paternité des premières véritables sociétés par actions avec la Compagnie des Indes apparue vers 1600… les sociétés modernes par actions sont bien apparues au Moyen-Âge à Toulouse ».
On peut s’étonner de l’imposture de la part d’historiens qui ne peuvent même pas invoquer le fait que les premiers travaux étaient rédigés en français, langue familière à ces érudits anglophones. Cet exemple spectaculaire de l’ignorance de l’antériorité des découvertes n’est malheureusement pas isolé. En sciences aussi et à notre époque, l’oeuvre du pionnier n’est pas toujours reconnue comme il se doit. Dans la mise au point de l’article du « Monde », placé dans le contexte de la mondialisation, les moulins du Bazacle font encore honneur à Toulouse, aux bâtisseurs du moulin et à ses historiens.
Michel Sicard- Article paru dans le Monde des Moulins – N°51 – janvier 2015
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