Construit en 1528, en chêne et torchis sur un soubassement en ossature bois apparente, selon les méthodes de construction en vigueur à l’époque, le Moulin Passe-Avant, classé – y compris son mécanisme – au titre des Monuments Historiques, est situé au 186 rue Saint-Leu à Amiens.
Il est le dernier « témoin » amiénois de l’industrie du Moyen-Âge. Le Moulin Passe-Avant fait actuellement l’objet d’une restauration sous la maîtrise d’oeuvre de Vincent Brunelle, architecte en chef des Monuments Historiques, la maîtrise d’ouvrage d’Amiens Métropole et le contrôle scientifique et technique de la Conservation Régionale des Monuments Historiques (CRMH), de la DRAC Picardie ainsi que du Service Territorial de l’Architecture et du Patrimoine (STAP) de la Somme.
Le Moulin Passe-Avant doit son nom à sa puissante roue qui lui donnait la priorité, lors des opérations hydrauliques, sur le Moulin Passe-Arrière, son voisin du canal des Clairons. L’existence de ces deux moulins est attestée depuis le Moyen-Âge. Ils avaient alors pour fonction de moudre le blé.
Le Moulin Passe-Avant est le seul à avoir conservé sa structure à pan de bois du XVIe siècle. Il comporte quatre niveaux : le premier, au ras de l’eau, abrite une roue à aubes de type Poncelet de 1840 et une partie de son mécanisme. Pour les établissements Brûlé, au XIXe siècle, il moulut des graines de moutarde. Au XXe siècle, l’entreprise Benoît l’utilisait encore pour fournir l’énergie nécessaire à ses activités de teinture et ce, jusqu’à la fin des années 70, avant qu’il ne soit laissé à l’abandon.
Un sauvetage, une restauration
La décision de lancer un chantier de sauvetage a été prise par Amiens Métropole en 2009. La Fondation du Patrimoine est partenaire du projet par le biais d’une souscription lancée auprès de la population. Le financement de la restauration reçoit aussi le soutien de l’État (DRAC de Picardie). La restauration a été précédée en décembre 2010 par le rendu d’une étude préalable de l’architecte en chef des Monuments Historiques. L’opération, commencée en janvier 2014, consiste en une restauration de la structure avec une mise hors d’eau et hors d’air et la mise en place de planchers. Le pignon sera réalisé en torchis traditionnel par l’entreprise Charpentier PM, et la couverture restaurée en tuiles plates par l’entreprise Bernard Battais. Un diagnostic des bois a été réalisé par le bureau d’étude TEC BOIS, qui reste associé au chantier, comme le bureau d’étude APAVE. La charpente en chêne, les menuiseries extérieures et les planchers intérieurs seront restaurés par l’entreprise LELU. Des sondages en recherche de teinte ancienne sont prévus pour déterminer la couleur des pans de bois et des menuiseries. La mise en oeuvre du torchis sur lattis fait l’objet d’une réflexion approfondie : il conviendra en effet de traiter différemment les enduits de finition, selon que ceux-ci seront appliqués sur le remplissage en torchis ou sur le hourdis de brique.
Un décor de grande qualité
Propriété sous l’Ancien Régime du riche et prestigieux Chapitre de la cathédrale d’Amiens, le Moulin Passe-Avant se distingue par l’abondance et le raffinement de son décor, inattendu sur un édifice à caractère « industriel ». Moulure des sablières, blasons aux extrémités des poutres, armes du Chapitre de la cathédrale, pommes de pin des écoinçons, statue de la Vierge à l’Enfant sur le poteau cornier, tous ces éléments du décor originel trop dégradés pour être présentés tels quels, devront être, pour la plupart, déposés et reconstitués.
Dans le cadre de l’exercice du contrôle scientifique et technique de l’État, ces éléments font actuellement l’objet d’une réflexion spécifique visant à déterminer la méthodologie d’intervention et de présentation, avec la collaboration du conservateur des Monuments Historiques, Anita Oger-Leurent, de Nathalie Hégo, technicienne des Bâtiments de France et de Jean-Marie Oger, restaurateur de sculpture bois (sous-traitant de l’entreprise LELU titulaire du lot charpente), sous la conduite d’opération de Vincent Brunelle et d’Amiens Métropole. Cette équipe s’est enrichie de l’expertise d’Aurélien André, archiviste du diocèse d’Amiens.
Reconstituer pour rendre du sens : La Vierge aux rayons
L’attention du groupe de travail s’est particulièrement portée sur la Vierge à l’Enfant, localement appelée La Vierge aux rayons. Cette statue, située à l’angle de la façade nord du moulin, a subi l’outrage naturel des ans auquel s’est ajouté celui du vandalisme. De l’oeuvre originelle, il ne subsiste plus, en guise de vestige, que la partie du côté gauche du corps de la Vierge. Le reste n’est plus qu’arrachement. Le secours d’une prise de vue de la fin du XIXe siècle, d’une photo latérale de 2012, a permis d’approcher la lecture des formes et, partant, du sens de l’oeuvre.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Lancée en septembre 2009 par Amiens Métropole, la souscription en partenariat avec la Fondation du Patrimoine compte 153 donateurs. Les travaux, commencés en janvier 2014, continuent et aujourd’hui, c’est la charpente du moulin qui est en train d’être refaite par l’entreprise LELU. En effet, trop abîmés ou malades, la plupart des bois ont été déposés et remplacés. Fin janvier, ce sera au tour de l’entreprise Battais de réaliser la couverture en tuiles plates panachées, puis le torchis viendra habiller les murs au printemps prochain grâce à l’entreprise abbevilloise Charpentier PM. La maîtrise d’oeuvre de cet édifice classé est assurée par l’architecte en chef des Monuments Historiques, Vincent Brunelle. La restauration complète du moulin devrait s’achever pour les Journées Européennes du Patrimoine en septembre 2015.
Publié le 29.07.2014, par les soins de la DRAC Picardie, et avec leur aimable autorisation.
Paru dans le Monde des Moulins n°52 d’avril 2015
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