Suite aux conclusions des deux rapports du CGEDD, au rapport de la mission d’expertise sur 11 sites en situation de blocage que nous avons diligenté, aux nombreux courriers et rencontres en direction du Ministère de la Transition écologique et solidaire, aux actions de chacun sur le terrain, la FDMF participe désormais ainsi que d’autres associations au groupe de travail « continuité écologique » au sein du Comité National de l’Eau (CNE). Lors de la dernière réunion qui s’est tenue le 8 novembre 2017 (après celle du 5 octobre), la FDMF a présenté à l’assemblée un état des lieux tel que nous le percevons et un ensemble de propositions pour parvenir à une situation partagée et plus équilibrée.
Vous trouverez ci-dessous ce texte in extenso, sachant que de nouvelles propositions seront formulées lors de la prochaine réunion au mois de janvier. Ce groupe de travail doit présenter un ensemble de propositions d’ici le mois de juin, document qui sera soumis au Ministre, le CNE étant une commission consultative dont les avis sont obligatoires avant toute publication de texte réglementaire sur l’eau.
Constats et propositions de la Fédération Des Moulins de France (FDMF)
Réunion du CNE à PARIS le 8 novembre 2017 – GT « continuité écologique »
La FDMF est très attachée à l’amélioration de l’état écologique des cours d’eau et souhaite l’application raisonnée et raisonnable des principes de la continuité écologique. Cependant, notre Fédération tient à rappeler que la restauration de la continuité écologique n’est pas une condition nécessaire et suffisante pour atteindre une bonne qualité des masses d’eau de surface selon l’objectif défini par la directive cadre sur l’eau. La France a « surtransposé » la DCE et la met en œuvre d’une façon dogmatique à tous les échelons administratifs, produisant ainsi des situations conflictuelles sur le terrain. Cela a d’ailleurs été bien mis en évidence par les rapports du CGEDD. Nous ne sommes pas un syndicat. Nous avons à cœur de défendre des valeurs générales et non des intérêts catégoriels ; nos interventions concernent l’intérêt public et pas uniquement celui de nos adhérents.
CONSTATS
Nous nous appuierons sur les informations récoltées auprès de nos adhérents, celles issues des rapports du CGEDD, et sur la mission d’expertise, sur 11 cas de blocage, menée par un cabinet indépendant, financée par l’ONEMA et dont la FDMF a été maître d’œuvre1. Nous ne négligerons pas non plus le rapport Pointereau, la mission parlementaire Dubois-Vigier, la table ronde du 23 novembre 2016 à l’Assemblée Nationale.
1. Concertation : pas de de représentation institutionnelle des représentants des moulins, aucune consultation avant décrets, règlements, circulaires…
2. Charge financière des propriétaires pour des aménagements :
Disproportionnalité des subventions des Agences entre projets de destruction ou d’aménagement2.
a. Les obligations découlant du L 214-17 font peser une charge spéciale sur les propriétaires (non-prise en compte de la notion de « charge exorbitante » existant dans la législation, ouvrant à des indemnités).
b. Non-prise en compte de la dévalorisation du bien immobilier, la majorité des propriétaires étant âgés et modestes.
3. Fondements scientifiques et justification du classement des cours d’eau au L 214-17 :
a. Les objectifs issus des arrêtés des listes
1 & 2 sont trop ambitieux : trop de cours d’eau classés en liste 2, les espèces cibles désignées à dire d’experts, sans concertation ni consultation véritables. Controverses scientifiques indépendantes mettant en doute la pertinence de ces classements.
b. Les classements ont inscrit un grand nombre de cours d’eau en liste 1 et 2, dont l’état chimique est reconnu mauvais. Agir sur l’hydromorphologie permet de passer du bon état au très bon état, mais un seul facteur étant déclassant selon la DCE, l’action sur l’état chimique devrait également s’imposer.
4. Valorisation patrimoniale des moulins :
– non-prise en compte de la valeur patrimoniale des moulins.
– la grille d’analyse de la valeur patrimoniale des moulins concernés par des aménagements (travail interministériel) n’est, à ce jour, pas prise en compte.
5. Moulins et énergie renouvelable :
a. Par la loi du 25 février, article 15 –
L 214-18-1, le législateur a clairement voulu promouvoir la production hydroélectrique des moulins dans le cadre de la transition énergétique. De nombreux projets naissent sur le terrain.
b. La « note » du 6 juin de la DEB, transmise à toutes les DDT(M), sans concertation ni consultation pour application immédiate, nous apparaît restrictive par rapport à la loi et en dénature l’esprit. Il nous semble qu’elle va à l’encontre de la volonté des législateurs. Nombreux blocages sur le terrain et résistance (DDT, Bureaux d’études, syndicats…)
PROPOSITIONS
1. Concertation : demande de représentation institutionnelle des représentants des moulins (CNE, Comités des Agences, CLE, COPIL…). Associer les Fédérations de Moulins à la réflexion, les consulter et croire en leur expertise d’usage en instituant un GT consultatif « Moulins, Patrimoine, Environnement, Énergie ».
2. Charge financière : aides, crédit d’impôts, emprunt à taux zéro, rééquilibrage des subventions en faveur des aménagements3.
3. Classements des cours d’eau : limiter les espèces cibles, accepter un moratoire pour les réviser. Nous réclamons l’obligation d’une évaluation transparente et scientifique après un aménagement ou destruction.
4. Valorisation patrimoniale des moulins : mise en application de la grille d’analyse dans le cahier des charges des études de faisabilité. Prise en compte de la valeur paysagère des sites (sites remarquables : Loi CAP du 7 juillet 2016).
5. Moulins et énergie renouvelable : simplifier les procédures administratives pour les petits moulins fondés en titre (moins de 150 kW/h). Appliquer la loi votée le 24 février 2017. Nous demandons que les dossiers, décrets, circulaires, consultations soient pris en compte par la Direction de l’Énergie.
6. Droit fondé en titre : accepter ce droit en tant que tel et anticiper la demande des propriétaires.
7. Notion de médiation professionnelle extra-judiciaire en amont des projets et judiciaire dans les situations de blocages avérés. À envisager et à mettre à l’étude.
CONCLUSION
Lors de l’établissement des deux rapports du CGEDD, nous avons eu l’occasion, comme tous les participants, d’exprimer nos constats et propositions comme aujourd’hui. Les conclusions et propositions de ces deux rapports sont donc le reflet de toutes les positions, établi par un service de l’État. Parallèlement, les parlementaires ont de leur côté établi différents rapports et fait également plusieurs propositions. Tous les travaux d’analyse conduits, depuis plusieurs années, auxquels nous avons participé dans un esprit constructif, ne peuvent rester sans réponses et programmation d’actions, au risque de faire perdurer des situations de blocage, pourtant considérées comme dommageables pour les démarches engagées. Sur ces bases, qui ont d’ailleurs été rappelées par le CNE préalablement à notre première réunion, il nous semble que la DGALN/DEB devrait informer les participants des conclusions qu’elle tire elle-même de l’ensemble de ces constats et propositions faites depuis 2011, puisqu’en dernier ressort les décisions sont prises à son niveau.
1. Conclusions de ce rapport présentées le 17 mars 2017 au Ministère de la Transition écologique (M. Delduc, Directeur Général de la Nature – Mme Garnier, DEB). Rapport envoyé au Comité de pilotage (ONEMA, Agences de l’Eau, représentants DDT, …) – 173 pages
2. Appel à projets Agence Adour Garonne pour arasement subventionné à 100%. Édition d’un Guide de l’effacement-arasement… Promotion de la destruction…
3. Promotion de la destruction… Voir le dernier rapport de l’INSERM sur l’« effet cocktail » dont les effets peuvent être de 10 à 1000 fois plus nocifs que chaque molécule prise séparément
Sigles rencontrés dans les textes et les bas de page :
– CGEDD : Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable
– CLE : Commission Locale de l’Eau
– CNE : Comité National de l’Eau
– COPIL : Comité de pilotage
– DCE : Directive Cadre Européenne
– DDT(M) : Direction Départementale des Territoires (et de la Mer)
– DEB : Direction de l’Eau et de la Biodiversité
– DGALN : Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature
– GT consultatif : Groupe de Travail consultatif
– INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
– Loi CAP du 7 juillet 2016 : relative à la création, à l’architecture et au patrimoine
– ONEMA : remplacé par l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB)
– PLU : Plan Local d’Urbanisme
– PLUI (ou PLUi) : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal
Alain Eyquem, Président FDMF
www.fdmf.fr – contact@fdmf.fr – 06 10 53 17 51
Paru dans Le Monde des Moulins 63 – janvier 2018
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