Le site des Moulins de France
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Dans plusieurs actes notariés de mes ancêtres au Fariol, commune de Saint-Lys, route de Lamasquère, est mentionné un presseur d’huile Jean Bertand, puis son fils Bernard, entre 1752 et 1824. Un acte précise « huile de lin », plante très cultivée dans la région pour ses fibres. Il ne reste aucune trace de ce moulin sur le site habité actuellement par mon fils Denis. Il s’agissait probablement d’un moulin à manège à l’intérieur de la ferme qui n’apparaît pas sur la carte napoléonienne (photo 1).

Photo 1 : Moulin à huile de Varaire (Lot). Cliché Michel Sicard

Près de Saint-Lys, à Forgues et Sabonnaires, il y avait des presseurs d’huile. Dans le canton de Montastruc, on trouve onze moulins à huile, presque un par commune. Dans une étude récente, Jacques Couzinet dénombre vingt-six ateliers (ref 1). Tous sont des moulins à manège, qui ont disparu. Il reste encore deux meules à huile. Cette recherche semble être caractéristique de la Gascogne. Près de Saint-Mézard, à la chapelle de Notre-Dame d’Esclaux, sont entreposées sept meules percées, en calcaire blanc, qui auraient été déposées là par l’abbé Gauran, provenant peut-être de moulins à huile à manège. En ce qui concerne le canton de Muret dont Saint-Lys fait partie, on cultivait, en 1812, quatre-vingts hectares de lin, produisant trente-six hectolitres d’huile et trente hectares de navette, en produisant vingt-huit hectolitres. Il n’y avait pas de colza ni de tournesol (ref 2). L’huile de lin n’était pas utilisable pour la cuisine mais servait à l’éclairage dans des lampes à huile (calelhs) suspendues et transportables (photo 2). Très siccative, elle servait aussi pour la peinture. L’extraction de l’huile se faisait avec une ou deux roues verticales en calcaire dur tournant sur un fond de pierre et écrasant les graines. La pâte obtenue appelée « gâteau » était pressée après avoir été chauffée dans une poêle.

Photo 2 : Lampe à huile (Calehl) de Saint-Lys (Haute-Garonne). Cliché Michel Sicard

Les manèges étaient utilisés à bien d’autres fonctions, en particulier pour la production du pastel qui a fait la richesse de la région toulousaine et de l’albigeois au 16e siècle. Cette culture a disparu quand on a importé l’indigo. Elle a partiellement repris au début du 19e siècle, à Albi, en raison du blocus maritime. Les feuilles de pastel étaient récoltées et immédiatement écrasées dans les moulins à manège des fermes. On n’utilisait jamais les forces du vent et de l’eau, trop aléatoires dans ces régions sèches. La pâte était mise à sécher dans des hangars à claire-voie pour obtenir les « coques » d’où l’on extrayait la couleur par un procédé complexe de fermentation. Les moulins à pastel ressemblaient aux manèges des moulins à huile avec une meule en calcaire sur une meule dormante, au sol de la ferme. Malgré le nombre considérable de ces petits ateliers, des milliers (ref 3), il ne reste pratiquement aucun vestige, sauf un ensemble reconstitué, au château de Magrin (Haute-Garonne), avec séchoir et meule à l’entrée d’un domaine à Dremil-Lafage (photo 3). Mais tout cela reste à authentifier.

Photo 3 : Meule verticale de moulin à pastel à Dremil Lafage (Haute-Garonne). Cliché Michel Sicard

Il existait d’autres types de manèges :

  • une paire de bœufs faisait tourner un lourd rouleau de pierre sur les gerbes de blé séparant les grains de céréales de la paille. On trouve souvent ces rouleaux à l’entrée des fermes de la région (photo 4). Nous avons vu ce genre de dépiquage encore en fonction, en Espagne, au milieu des années 1950.

Photo 4 : Meule à dépiquer les gerbes de blé à Saint-Lys (Haute-Garonne). Cliché Michel Sicard

  • Les norias remontaient l’eau des puits. À Toulouse, il reste encore un vestige (photo 5).

Photo 5 : Noria de Toulouse. Cliché Michel Sicard

  • En Slovaquie, mais également en France aux Salines de Dieuze par exemple, un manège à deux chevaux sortait de l’eau salée pour en extraire le sel après évaporation (ref 4).
  • Enfin, des chercheurs du Gers viennent de décrire des moulins manuels élémentaires pour écraser des graines de moutarde. La pâte obtenue était mélangée à du moût de raisin. (ref 5).

Dans le répertoire des quarante premiers numéros du Monde des Moulins, seulement six moulins à manège sont signalés. On peut souhaiter que des chercheurs puissent en faire découvrir d’autres, car ils étaient nombreux : moulins à tan, à foulon, à huile, à moutarde et à pastel. En Pays d’Othe, dans l’Aube, il y a toujours des manèges avec un cheval pour broyer les pommes à faire du cidre (photo 6 ).

Photo 6 : Carte postale récente montrant la pressée à l’ancienne à la ferme d’Hotte, à Eaux-Puiseaux (Aube),
le 30 septembre 2012. Coll. C. Tartre

Références :
1- Jacques Couzinet. « En Fezensac, des moulins à huile, des presseurs d’huile. » Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers. N°440, 2e trimestre 2021 p 142.
2- Archives départementales de la Haute-Garonne. Dossier oléagineux, M6 sup.
3- Gilles Caster. « Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1591 » 1962 – Éd Privat.
4- Nicole et Michel Sicard. « La mine de sel de Solivar : un moulin à sang pour l’extraction du sel » Monde des Moulins n°30 p 22.
5- Jacques Couzinet et Jacques Estinguy. « La moutarde de Bezolles » Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers. N°436, 2e trimestre 2020 p177.

Michel SICARD,
Vice-Président honoraire de la FDMF

Les Breyolles pour écraser les pommes à cidre

Dans l’Aube, le vin était considéré comme un breuvage noble alors que le cidre était la boisson des pauvres. Cependant, certains villages, comme Rumilly-lès-Vaudes, n’avaient pas de vignoble, et Jean Daunay, historien local, signale qu’il y avait dans la commune plusieurs « breyolles » pour écraser les pommes et les poires avant de les conduire au pressoir pour faire du cidre ou de la poirée. Les breyolles étaient de grandes meules verticales entraînées par un cheval et broyant les fruits dans une auge circulaire. Dans les années 1970, il n’en restait plus qu’une au village.

En Pays d’Othe, à Eaux-Puiseaux, un producteur de cidre presse encore actuellement à l’ancienne, dans un manège entraîné par un cheval, lors d’une fête à l’automne qui attire de nombreux spectateurs.

En 2013, une descendante du meunier du Moulin Darce, à Bercenay-en-Othe sur l’Ancre, raconte que, si lors de ses dernières années de fonctionnement le moulin faisait surtout de la farine pour animaux, à l’automne, les clients venaient « avec leurs pommes préparer leur cidre ».

Catherine Tartre

Paru dans LE MONDE DES MOULINS 79 de janvier 2022

Catégories : Histoire

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