Le site des Moulins de France
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Nieul-sur-l’Autise. Tout est dit ou presque. La plupart des Vendéens, des habitants des départements limitrophes et des connaisseurs du marais poitevin ont entendu parler de ce haut lieu de la meunerie et des traditions rurales. Il semble que la grande fête bisannuelle a joué son rôle dans la célébrité de la bourgade. Car ce rendez-vous, né en 1977, n’a cessé de prendre de l’ampleur. En vingt ans, il n‘a pas pris une ride. Pour preuve : le nombre de bénévoles mobilisés pour l’occasion a décuplé, le compte de visiteurs quadruplé. Comment s’explique un tel succès ?

Rhabillage d’une meule en silex par l’association des moulins de Vendée – Photo Y. Ruel

Terre d’exception

L’Autise s’intègre dans le bassin de la Sèvre Niortaise, non loin de la baie de l’Aiguillon, à l’approche du Poitou. Nous sommes à deux pas de la “Venise verte”, ce savant maillage de canaux baptisé ainsi en raison de la pellicule végétale qui s’est développée en surface. Le cours d’eau, d’environ 60 km de long, a son fil supérieur dans les Deux-Sèvres et sillonne à travers la Vendée, en passant par Nieul, en contournant l’abbaye de Maillezais — où Rabelais fit escale — pour se déverser dans la Sèvre vers Maillé. Dans ce territoire unique, bordé de marais, horizontal et calcaire, on a vécu de la pêche, des cultures et de l’élevage, de l’exploitation du bois.

Un environnement préservé

Les Nieulais vivent aujourd’hui dans un espace relativement épargné par les constructions massives et les lignes souvent agressives de l’architecture moderne. Le site du moulin est resté intact, de part et d’autre de l’Autise rien ne vient troubler le coup d’oeil. Au centre : le moulin ; en annexes : un appentis où deux très vieux moteurs à combustion représentent les forces auxiliaires, une habitation qui sert de musée et un corps de ferme à la fois lieu d’exposition, place du fournil et de la buanderie. C’est donc un ensemble cohérent et complet, débordant d’authenticité et propice aux manifestations à caractère historique.

Machine à remonter le temps

Tous les deux ans, à la Pentecôte, la population se mobilise pour mimer la vie du village au XIXème et début du XXème siècle. Ne vous méprenez pas : cette procession mimétique ne cache aucune béate admiration, aucune nostalgie stérile. Quel est donc le vecteur, alors ? Peut-être une vaste expérimentation, nourrie par une question ethnologique. Sans doute une motivation culturelle, avec le souci d’impliquer hommes, femmes et enfants dans un projet local. Certainement le besoin de faire une efficace démonstration des ressources passées et actuelles du bourg. Probablement le plaisir de créer une ambiance festive partagée par les locaux et les visiteurs. Assurément enfin, le désir de démontrer que le patrimoine ne s’arrête pas au bâti, qu’il s’étend à la gastronomie, aux valeurs, aux savoirs. Car cette fête est comme un conte donné régulièrement, un conte qui parle un peu de nos origines et de notre évolution technique et sociale.

Le cercle des initiés – Photo Y. Ruel

Que se passe-t-il donc ces samedis et dimanches de fête, concrètement, dans le bain rétrospectif? D’un point de vue global, une multitude de bénévoles (700 à l’édition 2003), en vêtements d’hier, occupe les points stratégiques du site et assure l’animation ; une multitude de curieux, habitués, invités (un peu plus de 10 000 en 2003), navigue d’un pôle à l’autre, observant, questionnant, discutant, se désaltérant.
On compte une dizaine de pôles : production de farine, cuisson du pain, lessivage, vannerie, charronnage, saboterie, sciage de long, promenade en barque, expression musicale…
L’image la plus stupéfiante est sans doute celle du matin, avant l’arrivée des premiers visiteurs, lorsque toute l’assemblée, vêtue à l’ancienne mode, se meut dans un calme tout naturel. Alors l’illusion est à son comble. Puis, très vite, le moulin est pris d’assaut, le tumulte s’accentue. On hume ici la farine, là l’arôme des pains fraîchement sortis du four. On observe les démonstrations de cerclage et de taille de meule… et ça dure pendant deux jours, presque sans discontinuer. Tout devient plus familier, on se pique au jeu, au quotidien de nos prédécesseurs, ces représentants de l’artisanat et de la ruralité.

Culte du blé et du pain

Autre aspect du succès, et non des moindres : le rapport entre blé et pain.
Blé, symbole ancestral de la mort et de la résurrection, donc en quelque sorte la signification cachée de ce grand théâtre : mort d’une époque, résurrection partielle d’une époque. Le pain, à la fois usuel et sacré, très exigeant en temps et en moyens, qui oblige les hommes à inventer, siècles après siècles, des méthodes et des machines toujours plus performantes. Alors, ce que tous célèbrent, en définitive, c’est aussi cette faculté d’invention dirigée vers l’espérance d’un mieux-être.

M.Dannenhoffer

Paru dans le Monde des Moulins n°8 d’avril 2004

Catégories : Actualités

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